SANTE

Medista et vaccins Covid : le gouvernement n’a pas payé le distributeur depuis 8 mois


Medista, la société spécialisée dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement médicale de haute technologie qui a assuré la distribution des vaccins depuis le début de la crise sanitaire, est en conflit ouvert avec l’Etat belge. Malgré que le Conseil d’Etat a débouté le prestataire de son recours en suspension de l’appel d’offres qui octroie le nouveau marché logistique des vaccins anti-covid à la société Movianto, Medista persiste dans l’énumération de ses griefs quant à un certain nombre d’irrégularités. Cette fois, il s’agit de créances  ouvertes. Le gouvernement fédéral est dans le rouge à hauteur de pas moins de 4,8 millions d’euros. Ce dernier n’aurait pas honoré ses factures depuis 8 mois, obligeant la société à saisir à nouveau la justice. Que se passe-t-il ? Pourquoi mettre un fournisseur à genoux et une continuité du service en péril ?

Dans moins de trois semaines, une nouvelle campagne de vaccination contre le Covid-19 va commencer, mais en coulisses, la rumeur se répand et les nuages s’épaississent dans le ciel fédéral. Le SPF Santé publique et Medista, la société belge qui gère le stock stratégique, sont engagés dans un conflit inquiétant la Flandre, Bruxelles et la Wallonie.

Medista n’a pas été payée une seule fois dans les temps impartis par le SPF Santé pour les services fournis

Selon Medista, près de 50 factures sont contestées par le gouvernement, pour un montant total de 2 millions d’euros. Au cours des huit derniers mois, pas une seule facture n’a été payée, ce qui porte le montant total du solde impayé à 4,8 millions d’euros. Le pays doit vacciner des millions de personnes le plus rapidement possible à partir de septembre prochain. Est-il partant raisonnable de ne pas payer le fournisseur gérant le stock national ? Et pourquoi cette méthode ?

Un chantage économique

Selon l’entreprise, Medista n’a pas été payée une seule fois dans les temps impartis par le SPF Santé pour les services fournis alors que les prestations ont été fournies 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. À l’origine de la relation contractuelle, Medista aurait même avancé des millions d’euros pendant des mois à l’État belge, pour préfinancer le volet logistique de l’opération. Le SPF lui-même a alors dû admettre qu’il avait pris de mauvaises dispositions budgétaires, même s’il a ensuite rapidement remédier à la situation.

Depuis juin 2021, Medista qu’elle n’est systématiquement plus payée et que ses factures sont presque systématiquement contestées le jour de l’échéance, en laissant s’écouler les délais légaux, soit 60 jours, pour ensuite continuer à poser des questions, ce qui est alors invoqué pour justifier le non-paiement des factures. Or, précise l’entreprise, les prix et la méthode de facturation convenus sont inchangés depuis le début de la collaboration et conformes aux dispositions contractuelles entre les parties. Pour Medista, cette pression pour rentre le prestataire exsangue est une forme de chantage économique déguisé.

Un savoir-faire aspiré

Au moment où la pandémie s’est déclarée, l’État belge ne disposait pas des manuels nécessaires pour assurer la qualité de ses services logistiques. Les autorités publiques manquaient aussi de modèles de toutes sortes, de la gestion des stocks stratégiques à la distribution de kits de tests. Par la suite, Medista a de nouveau modifié ses plateformes informatiques pour qu’elles soient adaptées à la campagne de vaccination. Au final, toute la logistique relative à la distribution de tous les vaccins a commencé à s’opérer avec les logiciels de Medista.

Depuis fin 2020, tous les hôpitaux, les maisons de repos et les centres de vaccination sont reliés aux systèmes informatiques de Medista. Les autorités, soit le SPF Santé et  les entités fédérées, utilisent également les plateformes informatiques de Medista pour toute la logistique relative au Covid.

Medista a mis tout son savoir-faire à disposition en développant elle-même des procédures opérationnelles normalisées (PON) et accords de qualité (AQ), auxquels le gouvernement a évidemment accès, mais qui sont et restent la propriété de l’entreprise.
Et pourtant, Medista affirme avoir été mise à plusieurs reprises sous pression par le SPF Santé publique, dans des termes sans équivoque, pour transférer ces PON dans leur intégralité au SPF, lors du lancement du nouveau marché public contesté.

La continuité du service en péril

Face à cette implication sans commune mesure, Medista estime que les contestations des factures sont très mal venues. Elles ne cherchent pas à être fondées, mais sont faites purement pour la forme afin de mettre l’entreprise en difficulté financière. Des citations ont dû être lancées en recouvrement des sommes impayées. L’une date du 20 avril 2022 avec audience d’introduction le 9 mai 2022. Le paiement de l’intégralité du montant ouvert est alors  intervenu en deux temps : le 17 mai : 582.258,05 euros et le 20 mai : 19.127,97 euros.

Une autre date du 18 mai 2022 avec audience d’introduction le 30 mai 2022. Le 27 mai l’avocat de l’Etat belge a, alors informé le Tribunal de ce que l’intégralité du montant réclamé était contestée. Paradoxalement, la procédure entamée, le 31 mai 2022, plus de 1.000.000 euros a été payé.

Pourquoi ces manœuvres dilatoires ? « Nous trouvons scandaleux que le gouvernement traite de la sorte une entreprise qui a fait tout son possible pour aider à résoudre une crise sanitaire pendant deux années consécutive », déclare Sarah Taybi, General Manager de Medista. « La contestation structurelle des factures fait partie d’une stratégie. Un tel comportement, qui voit l’Etat belge, avec l’argent des impôts des citoyens, refuser systématiquement de payer des factures afin de ruiner financièrement et mettre à genoux un fournisseur, est scandaleux, inédit et inacceptable. Pendant ce temps, on attend toujours de Medista que l’entreprise continue à fournir ses services ».

Alessandra D’Angelo