La traque aura duré un mois seulement. L’imam marocain de 58 ans a été interpellé « sans incident », ce vendredi 30 septembre, du côté de Mons. Une information rapidement confirmée par le ministre fédéral de la justice, Vincent Van Quickenborne. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé l’expulsion du prédicateur fiché S par la DGSI, le renseignement intérieur français, à la fin du mois de juillet dernier. Depuis le feu vert donné par le Conseil d’Etat à cette expulsion le 30 août et un mandat d’arrêt européen délivré par un juge d’instruction de Valenciennes, pour « soustraction à l’exécution d’une décision d’éloignement », l’homme était introuvable. Il est reproché à Hassan Iquioussen de faire du prosélytisme sur le territoire français. Le Conseil d’État estime que « les propos antisémites d'Hassan Iquioussen, tenus depuis plusieurs années lors de nombreuses conférences largement diffusées, ainsi que son discours sur l’infériorité de la femme et sa soumission à l’homme constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine justifiant la décision d’expulsion ». Que va-t-il à présent se passer ?

On fait le point sur cette arrestation avec Claude Moniquet, expert en sureté et  ancien agent de renseignement de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), le renseignement français.

L-Post : Hassan Iqouissen a été arrêté du côté de Mons. Cela vous a-t-il surpris ?

Claude Moniquet : Qu’il ait été arrêté en Belgique, non. De l’avis de tous, le plus probable était qu’il avait fui vers notre pays après avoir disparu de son domicile de Lourches, près de Valenciennes, qui avait d’ailleurs été perquisitionné sans succès, trois jours après que le Conseil d’Etat ait confirmé son expulsion. Or la commune française de Lourches n’est qu’à une vingtaine de kilomètres de la frontière belge. On savait par ailleurs qu’Iqouissen avait de nombreuses relations de notre côté de la frontière. En revanche, l’endroit où il a été localisé est un peu plus étonnant. Il se trouvait à Mons alors qu’on l’aurait plutôt situé à Verviers…

L-Post : Pourquoi à Verviers ?

Iqouissen est réputé « très proche » des Frères musulmans, ce qui est euphémisme, car il s’agit bien davantage d’un véritable prédicateur des Frères et d’un propagateur de leurs doctrines. Or, en Belgique, l’épicentre historique des Frères musulmans, c’est Verviers. Les Frères sont une organisation née en Egypte dans les années vingt du siècle dernier qui, très longtemps, a limité son action à l’intérieur des frontières de ce pays. Mais dans les années septante, ils ont essaimé en Syrie. Dans ce pays, ils se sont livrés au terrorisme contre le régime du parti Ba’ath – dont l’idéologie est laïque, socialiste et panarabe. En 1980, un Frère musulman a même voulu assassiner le président Hafez el-Assad. La répression qui a suivi a déclenché une révolte armée des Frère à Hama, une ville historique du centre-ouest.

La réponse du pouvoir a été terrible : entre 7 000 et 35 000 personnes ont été tuées. Le bilan exact ne sera jamais connu. Les Frères musulmans survivants ont alors fui vers l’Europe et se sont installés en Allemagne, à Cologne et Aix-La-Chapelle. De là, ils ont peu à peu essaimé vers la Belgique et la France. Et en Belgique ils se sont implantés en premier lieu à Verviers, ville proche de l’Allemagne où ils ont pu répandre leur propagande dans une population immigrée paupérisée par la crise de la laine.
Quarante ans plus tard, c’est toujours leur fief. Il était donc logique de penser qu’Iqouissen avait trouvé refuge auprès d’eux. Il est d’ailleurs possible qu’il y soit passé. En tout cas, la police l’y a cherché il y a trois semaines.

L-Post : Que sait-on sur le contexte de cette arrestation ?

A l’heure où nous parlons, on ne sait pas encore grand-chose. Il était logé par « des proches », sans que l’on sache si c’étaient des amis ou des parents. On sait également qu’il a été arrêté suite à une information de la police judiciaire de Lille, en collaboration avec la brigade française de recherche des fugitifs, qui a permis aux autorité belges de débusquer Hassan Iquioussen. Il est plus que probable que nombre de ses proches étaient sous surveillance téléphonique et c’est sans doute comme cela qu’il a été localisé.