TRANSITION DE GENRE : LA FRANCE VA-T-ELLE SUIVRE LE ROYAUME-UNI ?

Théorie du genre : pour le service de santé britannique, « le sexe est un fait biologique »

Les personnes transgenres redoutent une augmentation de la transphobie à cause d'un retour en arrière sur la question de la transition de genre. AFP

Changement au Royaume-Uni où vient de s’opérer une mise à jour de la charte éthique régissant le National Health Service (NHS, système de santé britannique). La réforme de la « Constitution » du NHS définit le sexe comme une réalité biologique. Il s’agit d’un changement de cap radical du système de santé britannique sur la question de la transidentité. A titre d’exemple, il ne sera plus possible pour les femmes transgenres d’exiger d’avoir accès aux espaces de repos réservés aux femmes. Cette proposition de mise à jour de la charte réjouit la droite, qui se félicite d’avoir « freiné les idéologies woke », mais suscite l’opposition des associations de défense des droits LGBTQIA+. Cette mise à jour de la charte du NHS suscite beaucoup de réactions, mais de quoi s’agit-il réellement et comment cela va-t-il impacter les personnes transgenres ? La France pourrait adopter la même démarche et interdire la transition de genre pour les mineurs.

La mise à jour de la charte du NHS intervient environ tous les dix ans pour permettre au système de santé de s’adapter aux changements affectant les patients. Elle vise en principe à « tirer les leçons » de plusieurs rapports préalablement réalisés et à identifier les différentes lacunes du système. Ce changement de terminologie concernant le sexe présenté à la naissance par rapport au genre que choisit une personne trans devrait donc refléter l’évolution sociétale de la dernière décennie, marquée notamment par une augmentation significative du nombre d’opérations de changement de genre.

Les patients devront désormais être dans le service correspondant à leur sexe de naissance et non à leur genre assigné.

Cependant, même si la charte du NHS est censée s’adapter aux évolutions sociétales, pour beaucoup, il s’agit d’un recul en matière de droits LGBTQIA+. En effet, la charte accordera désormais une plus grande importance au sexe affiché à la naissance qu’au genre choisi. Ce changement intervient, alors que plusieurs plaintes ont été déposées par des patientes hospitalisées dans des chambres réservées aux femmes en présence de femmes trans, donc assignées masculines à la naissance.

Priorité au sexe à la naissance

Le NHS a donc décidé de privilégier l’accueil des personnes selon leur sexe de naissance : « Les patients devront désormais être dans le service correspondant à leur sexe de naissance et non à leur genre assigné ». En clair, cela signifie que les personnes trans ne pourront plus partager des installations sanitaires avec des personnes du sexe opposé à celui qui leur a été assigné à la naissance.

La nouvelle charte propose également que les personnes trans puissent être placées en chambres individuelles, si possible, pour garantir leurs droits. Enfin, le gouvernement recommande également que le NHS adopte des « termes appropriés » qui « tiennent compte des différences biologiques », en référence aux termes utilisés jusqu’à présent par les personnes transgenres, tels que « allaitement par le torse » ou « personnes avec des ovaires ».

La secrétaire d’Etat à la Santé, Victoria Atkins, a déclaré qu’il s’agissait de souligner que « le sexe biologique compte ». Nous voulons clairement indiquer que si un patient souhaite que ses soins soient apportés par une personne du même sexe, il devrait y avoir accès partout où cela est raisonnablement possible », a-t-elle déclaré. « En inscrivant cela dans la Constitution du NHS, nous soulignons l’importance d’équilibrer les droits et les besoins de tous les patients, afin de créer un système de santé plus rapide, plus simple et plus juste pour tous », a-t-elle précisé.

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Pour la ministre de la Santé, Victoria Atkins, le changement de la Constitution du NHS vise à mieux garantir  les droits des transgenres, mais les personnes concernées redoutent l’effet inverse. (Photo par HENRY NICHOLLS / AFP)

Inquiétude des associations LGBTQIA+

Les associations de défense des droits LGBTQIA+ s’inquiètent des répercussions que cette nouvelle charte pourrait avoir sur la santé mentale et physique des personnes trans, intersexes et non-binaires. Interrogée par L-Post, Jane Fae de l’association de défense des droits trans, Trans Actual, tire la sonnette d’alarme face aux conséquences que cette nouvelle charte pourrait avoir sur les personnes trans. « Nous avons enregistré une croissance importante des problèmes de santé mentale dans la communauté trans. La santé mentale des personnes trans est déjà dans un état catastrophique et cette nouvelle annonce s’ajoute à une série d’attaques contre les droits trans, qui sont des droits humains fondamentaux. Cette proposition non seulement va à l’encontre de la charte fondamentale du NHS, mais enfreint également l’Equality Act, qui garantit le droit à un traitement égal au sein du système de santé », commente-t-elle.

Les propos de Mme Atkins (secrétaire d’Etat à la Santé, ndlr) sont vides de sens et renforcent l’idée que les femmes trans n’ont pas droit à un accès égal aux systèmes de santé.

Jane Fae souligne également que la solution du gouvernement de placer les personnes trans dans des chambres individuelles n’est pas une bonne solution. « Vu l’état actuel du NHS, il est impossible de garantir l’accès à une chambre individuelle. Mais surtout, cette mesure isole et humilie les personnes trans. Cela risque aussi de créer des tensions entre les patients qui pourraient également avoir besoin d’une chambre individuelle », poursuit-elle.

Elle estime que « les propos de Mme Atkins (secrétaire d’Etat à la Santé, ndlr) sont vides de sens et renforcent l’idée que les femmes trans n’ont pas droit à un accès égal aux systèmes de santé ».

Réticence à aller chez le médecin

Auteure et féministe, Jane Fae rappelle enfin les dangers que cela pose pour la prise en charge médicale des patients trans. « Selon une récente enquête de Trans Actual, 57 % des personnes trans ont déclaré qu’elles évitaient de consulter leur médecin généraliste lorsqu’elles étaient malades, encore une fois en raison du manque de compréhension et de discriminations plus générales. En tant que femme trans moi-même, je n’irai pas me faire soigner par le NHS si je sais que je serai mise dans un service, entourée d’hommes », témoigne la responsable de l’association de défense des droits trans, Trans Actual.

Elle redoute que l’attitude du gouvernement conservateur envers la communauté trans n’autorise « la population à se déchaîner davantage sur une communauté qui est déjà un bouc émissaire ».

Un rapport à l’origine du changement

Si cette proposition d’amendement de la charte fait partie intégrante de la politique du parti conservateur en matière de genre, cet amendement fait suite à un rapport indépendant rendu quelques mois auparavant par la pédiatre Hilary Cass, qui tire la sonnette d’alarme sur la prise en charge des enfants et adolescents qui questionnent leur genre.

Ce rapport, commandé par le NHS suite à une augmentation fulgurante des demandes de réassignations de genre chez les moins de 18 ans, explore les raisons de cette augmentation et les failles dans la prise en charge et dans l’accompagnement des jeunes en transition. « En réalité, nous n’avons pas assez de recul à long terme sur les conséquences d’une intervention pour remédier au mal-être lié au genre », lit-on dans le rapport de la pédiatre.

En réalité, nous n’avons pas assez de recul à long terme sur les conséquences d’une intervention pour remédier au mal-être lié au genre.

Si le rapport est donc prudent dans ses recommandations, le gouvernement conservateur a pris le parti de l’extrême prudence avec ces propositions de changements à la charte de conduite du NHS. « Je suis très inquiet à propos des conclusions de ce rapport. Pour moi, la sécurité et le bien-être des enfants sont primordiaux et doivent être préservés à tout prix. Nous devons procéder avec une extrême prudence lorsqu’il s’agit des problèmes de genre », a répondu le Premier ministre, Rishi Sunak, interrogé par la BBC à propos du rapport.

La France pourrait prendre des mesures similaires

La France pourrait prendre des mesures similaires concernant les personnes transgenres mineures. En effet, en mars dernier, des sénateurs du groupe Les Républicains ont rendu un rapport qui alerte sur les effets à long terme d’une transition de genre faite alors que la personne est mineure. Ils mettent en avant le fait que le monde scientifique ne possède pas assez de recul sur le sujet et préconise entre autres l’interdiction de transition de genre pour les mineurs.

Les recommandations du rapport des élus français font actuellement l’objet d’une première lecture au Sénat, qui sera suivie par l’élaboration d’un projet de loi pour les entériner.

Cette proposition montre que la transphobie prend de plus en plus de place. On a peur pour nous, on a peur pour nos vies, on a peur pour les enfants trans.

Cependant, en France comme au Royaume-Uni, les associations LGBTQIA+ s’opposent aux conclusions du rapport et dénoncent la mise en place « d’une thérapie de conversion organisée par l’État » dans une pétition qui s’oppose au projet de loi.

Des manifestations contre le projet de loi ont eu lieu, ces derniers jours, un peu partout en France. « C’est dangereux. Cette proposition montre que la transphobie prend de plus en plus de place. On a peur pour nous, on a peur pour nos vies, on a peur pour les enfants trans qui ne vont pas pouvoir le dire et qui vont devoir vivre dans un placard », a témoigné un étudiant interrogé par France 3 lors de la manifestation à Lille.

Léna Job (à Londres)