Politique

Employabilité de la jeunesse : le grand défi des Etats africains


Face à l’explosion de la démographie, les Etats d’Afrique de l’Ouest imaginent de nouvelles politiques publiques pour former et garder leurs jeunes diplômés. A la fin du siècle, cette région du continent abritera 1,5 milliard d’habitants, soit une augmentation de 284%. Ce boom démographique peut être une opportunité de développement si les dirigeants changent leur fusil d’épaules et revoient les programmes de formation des jeunes. La zone connaît un fort taux d’émigration, mais les candidats au départ restent principalement dans la sous-région. Conscients de ces enjeux, plusieurs Etats africains ont lancé de grandes politiques nationales en matière d’éducation et d’accès à l’emploi. C’est le cas de pays comme le Sénégal, le Bénin ou encore le Togo. Plusieurs organisations internationales se sont également engagées pour renforcer les capacités institutionnelles des gouvernements à mettre en œuvre des programmes pour la jeunesse.

A la fin du siècle, l’Afrique de l’Ouest comptera 1,5 milliard d’habitants. Cette hausse spectaculaire de 284% est due à son fort taux de fécondité, le deuxième plus élevé du monde. Cependant, le Programme des Nations Unies pour le Développement classe la plupart des pays de cette zone dans la catégorie « développement humain faible ». La mortalité infanto-juvénile y est encore très importante, même si elle tend à baisser d’année en année. L’âge moyen au Sénégal est de 19 ans, et plus de 60% de la population mauritanienne ont moins de 25 ans.

L’école d’aujourd’hui en Afrique ne peut plus ressembler à celle d’hier, si elle veut être l’incubatrice des jeunes acteurs inventifs apportant des solutions aux besoins de leur société.

Ce boom démographique pourrait pourtant se révéler une formidable opportunité pour l’Afrique de l’Ouest grâce au dividende démographique, c’est-à-dire la hausse de la productivité économique lorsque le ratio de la population active par rapport au nombre des personnes à charge s’accroît. Les Etats ne réalisent pas ce dividende actuellement car la jeunesse qualifiée souffre d’un manque de possibilité d’emploi. Bon nombre d’emplois proposés par certaines entreprises sont en inadéquation avec les profils disponibles : durant longtemps, le système éducatif s’est concentré sur les formations généralistes au détriment des formations plus techniques et professionnelles. Mal préparés aux réalités du marché du travail, une large part des jeunes Africains subissent donc un taux de chômage et de sous-emplois élevé.

Dans une tribune publiée l’année dernière, le politologue Francis Akindès suivait cette idée, affirmant que « l’école d’aujourd’hui en Afrique ne peut plus ressembler à celle d’hier, si elle veut être l’incubatrice des jeunes acteurs inventifs apportant des solutions aux besoins de leur société ».

De nombreux diplômés sont alors contraints de partir à l’étranger pour trouver des emplois mieux qualifiés et de meilleures opportunités économiques. En trente ans, le nombre d’émigrants a plus que doublé. Même si la plupart des émigrés originaires d’Afrique de l’Ouest restent dans cette région, ils sont de plus en plus nombreux à partir en Amérique du Nord et en Europe.

L’employabilité et l’insertion professionnelle des étudiants restent donc un défi majeur pour l’Afrique de l’Ouest.

Des politiques publiques ambitieuses

Conscients de ces enjeux, plusieurs Etats africains ont lancé de grandes politiques nationales en matière d’éducation et d’accès à l’emploi. Le Sénégal a ainsi développé un programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socioéconomique des jeunes baptisé « XËYU NDAW ÑI ». Les 450 milliards de FCFA investis ont permis de créer près de 65.000 emplois dans des secteurs aussi variés que l’éducation, le reboisement, la sécurité, l’agriculture ou le service civique national. Près de 15.000 jeunes débutants ont déjà pu bénéficier d’une convention Etat-employeur, et plus de 5.000 enseignants supplémentaires ont été recrutés. Le Président sénégalais Macky Sall, lui-même géologue et ingénieur, s’est engagé à aller encore plus loin en développant les formations liées à la future exploitation des ressources gazières et pétrolières du gisement offshore de Grand Tortue Ahmeyim.

Le Bénin a quant à lui déployé un programme décennal dans le but de « bâtir un environnement favorable au bien-être des jeunes et qui fait d’eux les principaux acteurs du développement national ». Ainsi l’action de l’Etat se concrétise par l’équipement de 47 lycées techniques dans les secteurs de l’agriculture (en particulier du coton), l’énergie, le numérique, les infrastructures, les transports et le tourisme ainsi que sept écoles de référence dans l’énergie, le numérique, le BTP, l’automobile, l’eau, le bois, l’aluminium et le tourisme.

Bâtir un environnement favorable au bien-être des jeunes et qui fait d’eux les principaux acteurs du développement national

Une coopération internationale pour l’employabilité des jeunes

Plusieurs organisations internationales se sont également engagées pour renforcer les capacités institutionnelles des gouvernements à mettre en œuvre des programmes pour la jeunesse. C’est par exemple le cas de la Banque mondiale en Mauritanie, de l’UNESCO au Burkina Faso, ou de l’OMS au Togo.

La France n’est pas en reste puisque l’Agence Française du Développement a investi plus de 5 milliards d’euros en 2021 dans une centaine de programmes sur tout le continent africain. Plus de 60 millions d’euros sont consacrés à l’amélioration structurelle du système éducatif au Sénégal, 77,3 millions d’euros à celui du Niger, et 34,03 millions d’euros à celui de la Guinée.

Promouvoir l’employabilité des jeunes est désormais un enjeu politique majeur pour l’Afrique de l’Ouest si les Etats veulent garder leurs diplômés et mettre leurs ressources au service de l’économie de leur pays.

Aliénor Barrière


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