POLEMIQUE AU ROYAUME-UNI

Royaume-Uni : pour la ministre de l’Intérieur « dire que la migration de masse est insoutenable n’est pas xénophobe »

Le Premier ministre Rishi Sunak (à gauche sur la photo) et la secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Suella Braverman (à droite). Le discours de cette dernière sur l'immigration déclenche une vive polémique au Royaume-Uni. AFP

La secrétaire d’Etat britannique à l’Intérieur, Suella Braverman, d’origine indienne, a lancé un avertissement sévère contre une migration de masse et rapide qu’elle considère comme insoutenable pour le pays. Ce lundi 15 mai, lors de son discours à la conférence sur le national-conservatisme à Londres, organisée par un groupe de réflexion américain de droite, elle a abordé des questions telles que la migration, la race et le genre. Par ailleurs, elle a appelé son parti, les conservateurs au pouvoir, à renouveler leur engagement à réduire l’immigration.

La ministre du cabinet soutenant le Brexit a souligné qu’il était temps pour le Royaume-Uni de former davantage de travailleurs nationaux afin de réduire la dépendance envers les travailleurs étrangers. Elle a affirmé que dire que la migration de masse et rapide était insoutenable en termes de fourniture de logements, de services publics et de relations communautaires n’était pas xénophobe. « Bien que la migration illégale soit notre priorité compte tenu des défis auxquels nous sommes confrontés dans la Manche, nous ne devons pas perdre de vue l’importance de contrôler également l’immigration légale », a déclaré Suella Braverman.

La secrétaire d’Etat, dont les parents sont d’origine indienne, a mentionné leur arrivée au Royaume-Uni par le biais d’une migration légale et contrôlée pour souligner que les personnes issues de minorités ethniques avaient le droit de faire de tels arguments. « Ils parlaient la langue. Ils se sont impliqués dans la communauté, ont adopté les valeurs britanniques. Lorsqu’ils sont arrivés, ils se sont engagés à faire partie de notre projet commun car le Royaume-Uni avait une signification distincte. L’intégration faisait partie de l’équilibre », a poursuivi la ministre britannique de l’Intérieur, lors de la Conférence sur le national-conservatisme à Londres, organisée par un groupe de réflexion américain de droite. Elle a précisé que l’engagement de ses parents à faire partie du projet commun britannique « ne signifiait pas effacer leur héritage, mais adopter une identité britannique ».

 

Bien que la migration illégale soit notre priorité compte tenu des défis auxquels nous sommes confrontés dans la Manche, nous ne devons pas perdre de vue l’importance de contrôler également l’immigration légale

Partisane du Brexit

Suella Braverman a déclaré que son vote en faveur du Brexit était motivé par sa volonté de contrôler l’immigration et de contribuer aux décisions qui fonctionnent pour le pays. « Les travailleurs hautement qualifiés soutiennent la croissance économique. Et là où le marché du travail connaît des pénuries aiguës ou structurelles, comme c’est le cas pour le NHS (système de santé britannique, ndlr), il est bien sûr juste que nous ayons un système d’immigration suffisamment flexible pour combler ces manques. Mais nous devons réduire le nombre total d’immigrants », dit-elle.

Son discours est perçu par de nombreux observateurs comme une pression exercée sur le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, afin qu’il se concentre sur la réduction des chiffres élevés de l’immigration nette, qui dépassent les 500.000 personnes par an depuis le Brexit. La promesse de Rishi Sunak de « stopper les bateaux » pour réduire la migration illégale est l’une de ses principales priorités avant les élections générales.

Critique de la politique d’identité et de multiculturalisme

La préservation du mode de vie britannique à travers l’intégration semble pour elle être une priorité. En effet, la secrétaire d’État à l’Intérieur a vivement critiqué la tendance à favoriser le multiculturalisme dans un discours vu comme une tentative de se positionner pour l’avenir à la tête du Parti conservateur. Suella Braverman a affirmé que les immigrants devaient apprendre l’anglais et « comprendre les normes sociales britanniques ». Elle a déclaré que l’immigration devait aller de pair avec une politique ferme sur l’intégration afin de préserver le mode de vie britannique.

Lors de la Conférence sur le national-conservatisme à Londres, elle a abordé des questions telles que la migration, la race et le genre. Suella Braverman a affirmé qu’une campagne croissante cherchait à imposer une « politique d’identité » au reste du pays, ce qui menaçait également la cohésion sociale ainsi que la tradition libérale et tolérante de la Grande-Bretagne. Pour elle, « il s’agit d’une politique de ressentiment et de division, qui est illibérale. Elle définit les individus en fonction de leurs caractéristiques externes plutôt que du contenu de leur caractère ou de leurs capacités naturelles ».

La politique d’identité définit les individus en fonction de leurs caractéristiques externes plutôt que du contenu de leur caractère ou de leurs capacités naturelles.

Le projet de loi sur l’immigration illégale du gouvernement, qui vise à assurer que les personnes arrivant au Royaume-Uni sans autorisation seront détenues et rapidement renvoyées dans leur pays d’origine ou dans un pays tiers comme le Rwanda, est actuellement examiné au Parlement malgré les critiques suscitées par certaines de ses dispositions controversées. Récemment le chef spirituel de l’Église anglicane, l’archevêque de Canterbury Justin Welby, a vivement critiqué le projet de loi sur l’immigration illégale du Gouvernement britannique, le qualifiant de « moralement inacceptable ». S’adressant à la chambre des Lords, dont il est membre, Welby a appelé le Premier ministre conservateur Rishi Sunak à reconsidérer ce projet de loi.

Hamid CHRIET, éditorialiste, L-Post (Londres)