NOUVELLES OFFRES DE TRAINS DE NUIT AU DEPART DE BRUXELLES

European Sleeper inaugure son train de nuit de Bruxelles vers Berlin, ÖBB va augmenter ses fréquences vers Vienne

Le ministre fédéral de la Mobilité, Georges Gilikient (au centre) entouré des fondateurs d'European Sleeper, Elmer van Buuren (à gauche sur la photo) et Chris Engelsman (à droite) Photo Thibault Lapers.

Ce vendredi 26 mai, après deux ans et demi de travail et une répétition générale plus tôt cette semaine, European Sleeper a ouvert sa nouvelle liaison ferroviaire nocturne entre les gares de Berlin Hauptbahnhof et Bruxelles-Midi en passant par Amsterdam et une escale à Anvers. Bruxelles et Berlin seront reliées 3 fois par semaine dans chaque sens. L’évènement coïncide avec le vote favorable jeudi en plénière à la Chambre d’une loi donnant un coup de pouce aux trains de nuit : le Fédéral paiera désormais l’électricité utilisée par les trains de nuit et les frais d’infrastructure ferroviaire. European Sleeper projette une autre liaison vers Prague en 2024 et une autre vers Barcelone en 2025. La société belgo-hollandaise enrichit ainsi l’offre de trains de nuit au départ de Bruxelles. L’autrichien ÖBB relie Bruxelles à Vienne depuis 2020 à raison de trois liaisons par semaine et d’après le ministre Georges Gilkinet, l’opérateur autrichien va porter les fréquences de 3 à 5 fois par semaine de Bruxelles vers Vienne en 2024.

10h11, avec un retard imprévu de 44 minutes suite à des travaux de dernière minute en Allemagne, European Sleeper a inauguré le lancement de son train de nuit reliant Berlin Hauptbahnhof (Berlin Hbf) et Bruxelles-Midi en passant par Amsterdam avec une escale à Anvers. Le convoi a quitté Berlin jeudi soir avec 150 passagers à son bord. Un premier événement presse avait déjà eu lieu jeudi soir à Berlin-Lichtenberg. Pour cause de travaux, la plupart des trains internationaux, dont l’European Sleeper, faisaient leur terminus à Berlin Gesundbrunnen. Le train ES 453 reliera Bruxelles-Midi à Berlin Hbf, les lundi, mercredi et vendredi. Il s’arrêtera à Anvers-Central, Roosendaal, Rotterdam Centraal, Den Haag HS, Amsterdam Centraal, Amersfoort Centraal, Deventer et à Bad Bentheim avant Berlin Hbf.

Des obstacles qui ralentissent la procédure

Le train ES 452 reliera Berlin et Bruxelles-Midi les mardi, jeudi et samedi en s’arrêtant dans toutes les gares à l’aller, sauf dans les gares néerlandaises d’Amersfoort Centraal et de Den Haag HS, à cause d’un manque de capacité. « C’est un rêve personnel depuis 25 ans et on y travaille depuis deux ans et demi déjà. Ceci est la première étape visible pour le public », commente Elmer van Buuren, co-fondateur de la coopérative belgo-néerlandaise European Sleeper (avec Chris Engelsman), laquelle a fusionné, il y a quelques années, avec Moonlight Express qui avait un projet similaire.

Il déplore le manque de coordination entre les pays, un obstacle qui ralentit la procédure de lancement d’un tel service ferroviaire. « Cela prendra plusieurs années avant d’avoir une coordination convenable ». C’est aussi pour une raison de limitation de capacité, à cause de travaux entre Dresde et Bad Schandau, que le service est actuellement limité à Berlin.

Un autre élément majeur se situe surtout au niveau du matériel roulant. « Il y a très peu de matériel roulant adapté, on doit le louer et pour commencer vraiment rapidement, c’est très compliqué. Investir dans de nouveau matériel est un grand investissement », dit-il.

L’offre actuelle se compose de simples sièges dans des compartiments (à partir de 49 euros par siège pour un aller simple), de couchettes (à partir de 79 euros) et de lits (à partir de 109 euros). Il y a des frais supplémentaires pour les personnes qui désirent emmener leur animal domestique ou leur vélo. Les pass Interrail ne sont pas encore compatibles avec le nouveau service, mais la société travaille activement sur le problème. Un petit déjeuner est prévu à bord, mais pour se nourrir en dehors du créneau matinal, il faudra commander le service auprès du personnel du train.

Les compartiments « sleeper », à partir de 109 euros l’aller-simple, par personne. © Thibault Lapers

European Sleeper aura ses propres trains en 2025

Le train est une composition unique avec « des voitures louées auprès de sociétés slovaque et allemandes. Nous sommes en fait l’opérateur technique de ces voitures » nous explique Elmer van Buuren, tandis que la locomotive est une Traxx de Lineas, l’ancienne filiale fret de la SNCB.

À terme, European Sleeper se dotera de ses propres voitures. « Pas avant 2025, ce seront des voitures à sièges existantes, mais il faut encore les transformer et pour ça, il faudra un financement ».

Les nouveaux trains annoncés seront en priorité affectés sur les liaisons Prague-Bruxelles prévue en mars 2024 et Amsterdam-Bruxelles-Barcelone au printemps 2025. La liaison vers Prague sera une extension de la liaison actuelle vers la capitale allemande. « Nous explorons encore différentes possibilités de partenariat pour notre liaison vers Prague, mais on pourrait l’organiser avec RegioJet (un exploitant de bus et de trains nationaux et internationaux au départ de la République Tchèque) ».

Selon European Sleeper, il faudra que la demande augmente un petit peu et que le prix du matériel d’occasion soit plus abordable afin d’espérer l’augmentation des fréquences sur la liaison existante.

La Pologne figure sur le tableau de bord du transporteur belgo-néerlandais, mais le temps de parcours depuis Berlin demeure un souci. « Le marché polonais est très intéressant, mais c’est loin : il faudrait vraiment un horaire adapté. Dans le cas de Berlin, cela ferait arriver le train bien trop tôt pour que l’arrivée dans la capitale polonaise ne soit pas trop tard, bien que Berlin se trouve à 4h30 de Prague, Varsovie est à 6 heures. Notre ambition à terme serait d’avoir un train supplémentaire à part qui ne s’arrête pas à Berlin à cause de l’horaire, mais qui passe par la région allemande de la Ruhr (Duisbourg et Dortmund pour les villes les plus connues) parce qu’il y a beaucoup de Polonais qui vivent dans cette zone et qui se scinde pour rejoindre d’un côté Varsovie, la capitale, et de l’autre côté, la Silésie : Katowice et Cracovie ».

La Panne plutôt qu’Ostende vers le Royaume-Uni

Un train à Ostende ? « La réalité est que faire rouler un train coûte très cher, il faut qu’il y ait une demande importante. La raison principale de notre ambition d’étendre le réseau vers l’Ouest est d’offrir une connexion rapide avec des bus vers le tunnel sous la Manche. L’idée serait de rejoindre plutôt La Panne, car c’est la gare belge la plus proche du tunnel. Mais on doit encore y réfléchir, car il faut beaucoup de temps de « turnaround » qui permette de nettoyer le train et d’effectuer le service ».

Et le Royaume-Uni alors ? « Une ambition, j’aimerais bien voir des trains de nuit dans le tunnel, mais ce n’est pas notre priorité, c’est un certain défi, pas seulement du point de vue technique, mais aussi du point de vue de la douane », parce que le Brexit a compliqué les choses. En effet, les autorités britanniques refusent toujours d’effectuer un contrôle des passeports dans les trains Eurostar entre l’Europe continentale et Londres, c’est ce que note dans un tweet Jon Worth, à l’initiative de #EUBorderRail.  Le Royaume-Uni est en pleine renationalisation de ses chemins de fer. TransPennine Express en a récemment fait les frais, la compagnie ferroviaire a été nationalisée il y a plusieurs semaines.

Les compartiments couchettes places assises, à partir de 79 euros l’aller-simple, par personne. © European Sleeper

Le partenariat avec Sunweb, un voyagiste néerlandais, semble au point-mort. « Tant qu’on n’a pas de nouveau matériel roulant, nous ne ferons pas de nouveau projet. Nous préférons l’introduire sur des liaisons opérées 3 fois par semaine plutôt qu’une fois par semaine. C’est plus notre priorité que de l’introduire sur des trains d’été ou d’hiver », conclut notre interlocuteur.

Des coups de pouce

European Sleeper peut se réjouir de deux initiatives, celle de la Commission européenne. Il y a plusieurs mois, elle a sélectionné des projets à soutenir financièrement pour l’accès à l’infrastructure ou encore pour le matériel roulant. Il y a le vote à la Chambre en séance plénière d’une loi visant à subsidier le coût de l’énergie et de l’infrastructure pour les trains de nuit.  « C’est une loi qui permettra à European Sleeper d’avoir ses coûts d’énergie et d’infrastructure payés par l’État fédéral, c’est une première mondiale et je suis très fier de cette innovation du Gouvernement belge. J’espère que mes collègues d’autres pays européens prendront la même initiative. (…) Le train de nuit n’est pas seulement romantique, c’est aussi une réelle histoire économique, une vraie histoire européenne, c’est la meilleure façon de construire l’Europe », a commenté le ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo).

 Les NightJet d’ÖBB au départ de Bruxelles

Le lancement quelque peu mouvementé d’European Sleeper confirme les trains de nuit sur le rail belge. L’opérateur belgo-hollandais ainsi une deuxième ligne à l’offre nocturne au départ de la Belgique, aux côtés de l’autrichien ÖBB qui propose, depuis 2020, des trains confortables entre Bruxelles et Vienne trois fois par semaine.

Le ministre Gilkinet nous a indiqué qu’ÖBB ne lancera probablement pas sa liaison NightJet vers Berlin à la fin de l’année, à cause du manque de matériel. Mais l’opérateur autrichien augmentera la fréquence actuelle vers Vienne de 3 à 5 fois par semaine dans l’horaire 2024, d’application dès décembre prochain.

L’association Back On Track, qui milite notamment pour le retour de trains de nuit et l’instauration d’un hub à Bruxelles (où plusieurs liaisons ferroviaires nocturnes se rencontrent), nous a confié que le NightJet vers Berlin via Mannheim ne viendra pas avant décembre 2024 (pour l’horaire 2025). On assiste à un renouveau de l’offre des trains de nuit, alors que les liaisons EuroNight vers la Suisse de la SNCB n’existent plus depuis 2003.

Thibault Lapers