OUVERTURE SUR LE CAUCASE

Opinion. Azerbaïdjan, l’autre Terre Promise ?

L'Azerbaïdjan compte environ 16.000 Juifs dont près de 3.000 vivent dans la province de Quba. Photo Franck Depaifve.

On sait peu de choses de l’Azerbaïdjan. Certains auront suivi l’actualité européenne liée à la potentielle résolution d’un conflit ayant duré trop longtemps avec l’Arménie. D’autres, plus érudits, sauront peut-être que l’histoire de ce pays du Caucase est intimement liée à celle des frères Nobel qui y ont fait fortune à la fin du XIXe siècle, faisant de Bakou une place forte de l’Art nouveau. Il est un aspect que l’on connaît moins :  l’Azerbaïdjan, qui compte 97% de musulmans, héberge l’une des seules villes entièrement juives en dehors d’Israël.

Devenu indépendant en 1991 avec la dislocation de l’URSS, l’Azerbaïdjan est la seule République ex-soviétique à être majoritairement chiite et probablement le seul pays dans lequel les sunnites se mêlent à eux pour prier dans les mosquées. Le pays vante sa tradition ancienne de tolérance religieuse et revendique un attachement fort à la laïcité, héritée de l’expérience soviétique.

Azerbaïdjan abrite la « Jérusalem du Caucase

La présence juive en Azerbaïdjan remonte à plusieurs siècles. Les Juifs des montagnes, descendants de Juifs ayant migré de Perse vers les montagnes du Caucase, constituent le groupe le plus ancien et le plus important. Les Juifs ashkénazes se sont installés dans la région à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, ainsi que pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils furent rejoints ensuite par les Juifs géorgiens. Petite particularité héritée des musulmans : tous les visiteurs doivent ôter leurs chaussures avant d’entrer et de marcher sur les dizaines de tapis qui donnent une atmosphère encore plus solennelle aux synagogues.

Dans la Province de Quba (prononcer « Guba »), dans le nord du pays, vit paisiblement la plus importante communauté. Près de 3.000 juifs – sur les 16.000 que compte le pays –  vivent dans une ville pluri centenaire : Krasnaya Sloboda, « la ville rouge »  en russe. Elle est considérée comme le dernier « shtetl », la seule ville entièrement juive en dehors d’Israël.

On dit que Fatali Khan, dirigeant du khanat de Quba, appréciait particulièrement la loyauté, le dynamisme et la sagesse des Juifs des montagnes. C’est ainsi que la colonie devint, au XVIIIe siècle, la « Jérusalem du Caucase ».

Photo Franck Depaifve

Au milieu des années 1980, les Juifs des montagnes comptaient plus de 18.000 âmes. Beaucoup d’entre eux partirent, après la chute du mur de Berlin, faire fortune à Moscou, à New York ou en Israël, mais tous ont conservé un lien fort avec la ville, en investissant dans des projets communautaires et en construisant – encore aujourd’hui – de petits palais à la place de leurs anciennes maisons traditionnelles.

Une ville de tolérance et de respect mutuel

La région offre un paysage montagneux figé dans le temps. En explorant le village de Krasnaya Sloboda, vous rencontrerez des familles protégées depuis des siècles, un cimetière qui raconte l’histoire de l’Azerbaïdjan, des synagogues restaurées et offertes à la communauté par le gouvernement, ainsi que des habitants fiers de leur liberté et conscients de vivre dans une sécurité que d’autres pourraient leur envier. En parallèle, votre traducteur, probablement musulman, n’aura aucune réticence à porter la kippa en marque de respect pour ses hôtes juifs.

Photo Franck Depaifve.

Dans la capitale, pas de militaires ou de policiers devant les écoles juives ou les synagogues, les choix religieux semblant n’avoir aucune importance pour les Azerbaïdjanais, ce que nous confirmera plus tard l’ambassadeur d’Israël. Il avoue volontiers qu’il  est : « devenu un ambassadeur de l’Azerbaïdjan ! ». Trois ans et demi après son installation avec femme et enfants, il reste admiratif de la gentillesse et de la tolérance qui règnent ici. Il nous assure d’ailleurs n’avoir aucun rapport sur des actes d’antisémitisme dans le pays, ce que nous confirmera plus tard Yevgeny Brenneisen, vice-président de la communauté ashkénaze : « Je n’aime pas le mot ‘tolérance’, nous ne devrions pas avoir à nous tolérer. Ici, nous nous contentons de nous respecter… ».

Franck Depaifve
pour Atabey

Atabey est une organisation internationale spécialisée dans la diplomatie culturelle. Elle utilise le patrimoine, l’art et la culture comme prétexte pour créer du dialogue entre les peuples ou sur des questions de société. L’association est présidée par une cubaine résidente en Belgique depuis 15 ans, Yuniesxy Fajardo Fuentes et l’équipe a réalisé une centaine de projets dans plus de 30 pays ces 8 dernières années. www.atabey.be