OPINION

Comment l’ONU et la communauté internationale soutiennent l’Azerbaïdjan pour déminer le Karabakh

Les mines antipersonnelles font des dégâts. L'Onu déploie des efforts pour déminer le Karabakh. AFP

Après 27 ans d’occupation  par les forces pro-arméniennes, une large partie du Karabakh est revenu dans le giron de l’Azerbaïdjan, comme le souhaitaient quatre résolutions des Nations Unies depuis presque trois décennies[1]. Il faut désormais reconstruire un territoire dévasté par une occupation militaire qui a démonté, pierre par pierre, les bâtiments et rasé les forêts. Mais il faut surtout, pour permettre le retour des populations, déminer un territoire important. Entre 1991 et 2020, 2.418 personnes ont été blessées et 530 autres ont été tuées par les mines posées dans le territoire.

Sur 250 kilomètres de long et 5 km de large, la ligne de contact qui a constitué pendant presque trois décennies la dernière frontière artificielle entre les deux pays, a été l’une des zones les plus minées au monde. C’est uniquement pour la ligne de contact, mais on estime le total des mines posées, si l’on s’en réfère aux cartes très approximatives en partie fournies et avec difficulté par l’Arménie, à plus de 400 000 mines uniquement dans cette zone ! Ce sont donc des millions qui ont été posées sur tout le territoire disputé pour dissuader les Azerbaïdjanais de revenir.

Si la guerre laisse toujours des séquelles, aux personnes blessées physiquement ou psychologiquement, la résilience des Azerbaïdjanais a largement été soutenue par l’ONU.

Important travail de déminage

Ces derniers ont donc dû procéder m2 par m2 avec l’agence ANAMA[2], référencée par le GICHD à Genève[3] pour décontaminer le territoire. Malheureusement, il y a eu des explosions : plusieurs centaines de personnes civiles ont été tuées depuis 2020. 70% de ces déflagrations ont eu lieu en dehors de la zone de contact. En mai 2023, 700 km2 avaient été nettoyés, ce qui ne représente que 10% du total du territoire à déminer ! On estime encore à près de 150.000 hectares la surface hautement contaminée, et à 675.000 hectares le territoire encore suspecté de moyenne contamination. En revanche, 95% du territoire de la ville d’Aghdam ont été par exemple déminés.

Si la guerre laisse toujours des séquelles, aux personnes blessées physiquement ou psychologiquement, la résilience des Azerbaïdjanais a largement été soutenue par l’ONU, comme l’a été du côté des Arméniens, afin de « nettoyer » le territoires de mines qui ont fait de nombreux morts et blessés depuis les premières opérations de déminage à l’issue de la seconde Guerre du Karabakh.

Plus de 12 millions de dollars mobilisés par l’ONU

Ce sont principalement les Nations Unies qui ont apporté leur aide : « En 2022, l’ONU, en Azerbaïdjan, s’est associée à l’Union européenne (UE) et à la Banque mondiale (BM) pour définir sa réponse au relèvement post-conflit. La réponse comprendra une évaluation conjointe des besoins de relèvement (JRNA), une assistance technique et un soutien en matière de données et d’analyse dans les domaines (i) du soutien institutionnel et de la planification inclusive ; (ii) services sociaux et rendements durables ; (iii) un développement économique résilient ; (iv) récupération environnementale et transformation énergétique durable ; et (v) l’égalité des sexes et l’inclusion sociale. »

Cette situation constitue une grave menace pour la sécurité des communautés dans les zones touchées. L’ONU a continué à travailler avec le gouvernement azéri pour renforcer les capacités d’élimination des munitions non explosées et éduquer les communautés locales sur les risques liés aux mines. Avec le soutien des partenaires de développement, l’ONU a mobilisé plus de 12 millions de dollars pour la période 2021-2024 pour soutenir les efforts de lutte contre les mines.

Collaboration de l’Azerbaïdjan

La capacité de l’Agence nationale azerbaïdjanaise pour l’action contre les mines (ANAMA) a été renforcée en matière de gestion de l’information, y compris les données récentes et historiques sur la localisation des mines et des victimes, l’utilisation de l’imagerie satellitaire, les données de télédétection et les drones. Des profils pour sept districts touchés par le conflit ont été élaborés avec des estimations des besoins en ressources et de la durée prévue de l’action contre les mines. Des équipes de déminage entièrement équipées ont inspecté près de 1.300 km2 dans 99 villages.

Le programme gouvernemental d’éducation sur les risques liés aux engins explosifs a formé plus de 1.000 enseignants dans près de 100 écoles.

Le programme gouvernemental d’éducation sur les risques liés aux engins explosifs a formé plus de 1.000 enseignants dans près de 100 écoles et plus de 500 leaders communautaires et bénévoles dans 10 districts touchés par le conflit pour faciliter les activités communautaires et scolaires qui ont touché plus de 40.000 enfants (42 % de filles). Une campagne de sensibilisation du public promouvant un comportement sûr comprenait six panneaux d’affichage sur les autoroutes et 75 panneaux d’affichage dans les villages touchés par le conflit. 200.000 supports pédagogiques, dont des jeux, des cahiers, des livres à colorier et des autocollants, ont été imprimés et distribués pour rendre les informations facilement assimilables par les enfants.[4]

Expertise de déminage reconnue

Avec le soutien du Japon, de la France, de la Grande-Bretagne, des Nations Unies, l’Azerbaïdjan a nettoyé au mieux le Karabakh et a, par la même occasion, acquis une expertise reconnue désormais internationalement en termes de déminage. Du personnel de pays étrangers vient se former en Azerbaïdjan.

Il y a de plus en plus de femmes qui s’engagent dans ce métier risquée, et le pays a développé et généralisé l’utilisation de drones pour repérer au mieux les terrains minés. Ces drones sont turcs et israéliens et scannent chaque jour le territoire. De nouveaux engins motorisés à chenilles ultra-modernes retournent sans cesse la terre amortissant les explosions. Quoi qu’ait été fait à ce jour, ce qui est déjà énorme en moins de trois ans, il y aura toujours un risque pour les vingt prochaines années. Il suffit de voir au Vietnam, en Corée du Sud, ou même en France où l’on retrouve régulièrement lors de chantiers des missiles ou des mines de la seconde Guerre Mondiale enfouis dans le sol.

Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Résolution_884_du_Conseil_de_sécurité_des_Nations_unies#:~:text=La%20résolution%20884%20du%20Conseil,%2Dazerbaïdjanais%20au%20Haut%2DKarabakh.

[2] Azerbaidjanese National Agency for Mine Action

[3] Geneva International Center for Humanitarian Demining: https://www.gichd.org/en/organisations/detail/organisation/azerbaijan-national-agency-for-mine-action-anama/

[4] https://azerbaijan.un.org/en/205438-speech-un-resident-coordinator-vladanka-andreeva-un-day-event