REVOLUTION DE PALAIS AU GABON

Gabon : le général Brice Oligui Nguema s’installe officiellement au palais présidentiel du bord de mer

Le nouvel homme fort du Gabon, le général Oligui Nguema (à gauche) et son épouse Zita Nyangue Oligui Nguema (à droite) assistent au défilé militaire suivant son investiture en tant que nouveau président du Gabon. AFP

Dans une salle du palais du Bord de mer en liesse et acquise à sa cause, devant tout le corps diplomatique accrédité au Gabon et en présence des membres du gouvernement déchu, des membres d’Alternance 2023 la plate-forme qui rassemble les principaux partis de l’opposition, le général Brice Oligui Nguema a pris ses fonctions de président de transition ce 4 septembre 2023. Il a prêté serment devant les membres de la Cour constitutionnelle en s’engageant à respecter la charte de la transition et en promettant des élections « libres et transparentes », mais sans donner de calendrier. Et ceci cinq jours après avoir pris le pouvoir à Libreville le 30 août dernier. Le nouveau Président du Gabon est un homme du sérail. D’après un rapport du consortium d’investigations « Organized Crime and Corruption Reporting Project » en 2020, le général Oligui se serait constitué un patrimoine immobilier aux USA où il a acheté trois propriétés en 2015 et 2018 dans le Maryland pour un montant total de plus d’un million de dollars, payés en espèces.

De patron de la garde républicaine à président de transition

Impeccable dans sa tenue rouge vif de la garde républicaine bardée de tous ses grades et décorations, le général Nguema a juré non pas sur la constitution qu’il a suspendue, mais sur « la Charte de la transition » dont le contenu est pour l’instant méconnu de tous. Il a juré fidélité à la démocratie, à son peuple et au Gabon, promis une nouvelle constitution qui sera adopté par « référendum » et de « rendre le pouvoir aux civils » à travers des élections « libres, transparentes et crédibles ». « Je jure devant Dieu et le peuple gabonais de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la charte de la transition et la loi » a tonné le nouvel homme fort du Gabon avant d’affirmer « préserver les acquis de la démocratie » devant les membres de la Cour constitutionnelle à l’exception de sa présidente Marie-Madeleine Mborantsuo maintenue en résidence surveillée.

La présence de tous les dignitaires de l’ancien régime déchu d’Ali Bongo Ondimba à la cérémonie de prestation de serment du général Oligui Nguema est le fruit de plusieurs jours de concertation avec l’ensemble des forces vives du Gabon. Ainsi, on pouvait observer dans la salle la présence des présidents des deux chambres dissoutes (Parlement et Sénat), de l’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze, de la vice-présidente Rose Christiane Ossouka Raponda, une manière pour ces derniers de se rallier derrière les nouvelles autorités de transition regroupé au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).

Le processus électoral était inique, l’armée a pris ses responsabilités et le peuple a adhéré. Les militaires n’ont fait que respecter leur serment.

Parmi les absents, il y a le candidat de la plate-forme de l’opposition Alternance 2023, Albert Ondo Ossa qui réclame toujours sa victoire aux élections du 26 août dernier. Un membre de cette plate-forme présent à la cérémonie d’investiture, justifie cette absence par le fait que « le leader » doit garder « une liberté et sera un lanceur d’alerte de la démocratie ». Et de conclure : « la page blanche, on ne peut pas laisser d’autres l’écrire. Ça nous coûte mais c’est une nécessité ». Le président du Centre gabonais des élections (CGE), Michel Stéphane Bonda, et le ministre de l’Intérieur, Lambert Noël Matha, soupçonnés d’être les artisans du « processus biaisé » dénoncé par le nouveau président de la transition n’ont pas assisté à la cérémonie.

Un discours et des promesses

A défaut d’un calendrier clairement établi pour la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema a égrené un chapelet de promesses et est revenu sur les raisons qui ont guidé « un coup d’état en beauté ». « Le processus électoral était inique, l’armée a pris ses responsabilités et le peuple a adhéré. Les militaires n’ont fait que respecter leur serment » a-t-il déclaré. Le général de 48 ans a estimé que « la Constitution a été bafouée, le mode d’élection lui-même n’était pas bon. Donc l’armée a décidé de tourner la page ».

Il promet très prochainement un gouvernement « avec de l’expérience et des compétences » ainsi qu’une nouvelle Constitution adopté par référendum et devant déboucher sur des « institutions fonctionnelles ».

Sur l’esplanade de la mosquée Hassan II qui jouxte le palais présidentiel, chacune des déclarations de Brice Oligui Nguema était entrecoupée d’applaudissements et de cris de joie d’une foule en liesse qui ne voulait en rien rater ce « moment historique » qui a permis de « mettre fin à la dynastie des Bongo » entend-on dans la foule.

Le général Oligui Nguema, un riche homme du sérail

Le 30 août 2023, quelques minutes après la proclamation des résultats des élections générales qui annonçaient la victoire du président Ali Bongo Ondimba à l’issue d’un scrutin contesté, les militaires avaient pris le pouvoir et suspendu toutes les institutions. Le président sortant briguait un troisième mandat après avoir été frappé par un AVC en octobre 2018.

Brice Oligui Nguema est le quatrième président gabonais après Léon Mba, Omar Bongo Ondimba et Ali Bongo Ondimba. L’homme est issu du sérail au regard de son pedigree et son parcours. Il est le fils d’une cousine de feu Omar Bongo, le père de celui qu’il a destitué. Il a été un fidèle et dévoué aide de camp d’Omar Bongo qui dirigea le Gabon pendant 41 ans avant sa mort en 2009. Il a été formé » à l’académie militaire de Meknès (Maroc). Il se serait aussi enrichi sur le dos des Gabonais dans l’ombre du clan Bongo. D’après un rapport du consortium d’investigations « Organized Crime and Corruption Reporting Project » en 2020, le général Oligui se serait constitué un patrimoine immobilier aux USA où il a acheté trois propriétés en 2015 et 2018 dans le Maryland pour un montant total de plus d’un million de dollars, payés en espèces.

Anani Sossou, Correspondant en Afrique de l’ouest