Loi anti-casseurs : un volte-face qui plombe encore plus la majorité fédérale
Journaliste – Rédacteur en chef.
Dans une interview accordée à nos confrères de L’Echo, le président du PS francophone, Paul Magnette, annonçait ce week-end que son parti ne voterait pas la loi anti-casseurs en discussion depuis près d’un an. Sa sortie a animé le landerneau politique belge et la polémique n’est pas près de s’éteindre. Ce faisant, celui qui est également bourgmestre de Charleroi rejoint Ecolo, le PTB, les syndicats et plusieurs associations (Greenpeace, Ligue des droits humains, Amnesty international, CNCD, etc.) qui sont vent debout contre le texte depuis qu’il a été mis sur la table.
La sortie du président du PS interpelle d’autant plus que son parti avait voté, en juin dernier en commission de la Justice, le projet de loi visant à « rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme ». Par ailleurs, le texte, porté par l’ancien ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD) avant sa démission (après l’attentat terroriste du 16 octobre), avait même fait l’objet d’un accortd au sein du Gouvernement fédéral où siège le PS.
Que s’est-il donc passé pour que le président de la première formation politique dans le sud du pays change d’avis et mette en difficulté les députés de son parti qui avaient voté le texte en première lecture ?
Que s’est-il donc passé pour que le président de la première formation politique dans le sud du pays change d’avis et mette en difficulté les députés de son parti qui avaient voté le texte en première lecture ? D’autant plus que le parti est à l’origine du texte… Est-ce le résultat d’un sincère examen de conscience ou bien juste un calcul politique opportuniste ? Il est vrai que nous sommes à moins d’un an des élections législatives, régionales et européennes de 2024 (prévues le 9 juin 2024) et que cet élément ne doit pas être ignoré dans l’analyse. Quoiqu’il en soit, le président Magnette vient de mettre une pression supplémentaire sur le Gouvernement fédéral du Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) et les autres partenaires de la majorité. La réaction courroucée du président du MR, Georges-Louis Bouchez est donc compréhensible dans la mesure où la formation libérale, fidèle à ses positions sécuritaires, soutient le projet de loi.
Sur le fond du texte, la sortie du président Magnette indique donc que les précisions apportées pour préserver les actions de grève (des syndicats) ou les actions « coups de poing » (des associations environnementalistes) n’ont pas totalement convaincu le PS. Pour rappel, le projet de loi comporte une disposition permettant au juge d’imposer une peine complémentaire d’interdiction de manifester, laquelle est dénoncée par les syndicats et les associations qui y voient une menace pour l’action syndicale.
La volonté de punir les casseurs qui viennent discréditer les actions de revendications, à l’instar des hooligans qui viennent polluer la bonne ambiance dans les stades, est une bonne chose.
Avant son adoption en première lecture, le texte a été amendé. Il est ainsi prévu qu’un juge, avant de prononcer une peine complémentaire d’interdiction de manifester (en plus d’une condamnation), mette « en balance la gravité des faits et l’atteinte aux droits et libertés fondamentales, en particulier la liberté de manifester dans un but politique, syndical, humanitaire, philosophique, environnemental ou le droit de mener des actions collective, en ce compris la grève ».
Malgré les précisions, le texte n’a pas reçu un accueil positif de la part de ses opposants de la première heure et, visiblement, le PS qui l’avait voté a changé d’avis.
La volonté de punir les casseurs qui viennent discréditer les actions de revendications, à l’instar des hooligans qui viennent polluer la bonne ambiance dans les stades, est une bonne chose. Mais vu les oppositions, il serait plus sage de revoir le texte pour mieux le calibrer afin de ne pas rater cet objectif principal. Pas de précipitation pour voter le texte au risque de cliver encore plus la société, il vaut mieux prendre le temps de dialoguer et d’analyser les propositions constructives pour l’améliorer.