Energie : après la prolongation de Doel 4 et Tihange 3, cap sur d’autres réacteurs à prolonger ?
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Journaliste – Rédacteur en chef.
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Le Gouvernement fédéral et Engie/Electrabel ont officiellement signé, ce mercredi 13 décembre, l’accord prolongeant l’exploitation des réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3 de 10 ans supplémentaires, soit jusqu’en 2035. D’après la ministre fédérale de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), cette prolongation est désormais traduite dans un accord juridique approuvé par le Gouvernement fédéral. Spécialiste des questions énergétiques, Damien Ernst, professeur à l’Université de Liège, estime qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais précise que le prochain Gouvernement fédéral devra s’occuper du redémarrage de Tihange 1, Tihange 2 et Doel 3. Il relève un élément positif dans l’accord : la fixation du prix des déchets, car dit-il, cette fixation permettra aux porteurs de projets nucléaires d’avoir une idée précise des investissements à faire. L’accord qui vient d’être signé entérine aussi la création de Hedera, un établissement public qui recueillera les 15 milliards d’euros que versera Engie pour la gestion des déchets nucléaires. Le vice-Premier ministre, David Clarinval (MR) précise que le Gouvernement s’est donné la possibilité de développer les réacteurs nucléaires modernes (SMR) et qu’aucune mesure susceptible d’empêcher la prolongation d’autres réacteurs nucléaires n’a été prise.
Après des mois de tractations, le Gouvernement fédéral et Engie/Electrabel ont entériné ce mercredi 13 décembre l’accord de prolongation des réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3. Concrètement, l’accord offre 10 ans de vie supplémentaires aux deux réacteurs après 2025, donc il prolonge leur exploitation jusqu’en 2035. D’après le cabinet de la ministre fédérale de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), la prolongation des réacteurs nucléaires pour 10 ans est désormais traduite dans un cadre juridique, approuvé par le Gouvernement fédéral.
Nous sommes très heureux d’annoncer la signature définitive de cet accord qui permet un partage de risques équilibré pour la prolongation des deux unités nucléaires.
Cap sur d’autres prolongations ?
Pour des observateurs, l’accord signé ce mercredi est un bon pas dans la bonne direction, mais il est insuffisant au regard des défis à relever en matière de transition énergétique et d’indépendance énergétique de la Belgique. « On peut dire qu’enfin, ils sont arrivés à boucler le dossier, mais il reste encore du travail à faire. Il faut maintenant travailler pour sauver les réacteurs nucléaires Tihange 1, Tihange 2 et Doel 3. Ces deux derniers sont en cours de démantèlement, mais rien d’irréversible n’a encore été fait. Le prochain Gouvernement fédéral devra impérativement mettre cet objectif à son agenda », nous a confié Damien Ernst, spécialiste des questions énergétiques et professeur à l’Université de Liège (ULiège).
Le prochain Gouvernement fédéral devra impérativement mettre la prolongation d’autres réacteurs nucléaires à son agenda.
La satisfaction prévaut aussi au sein de l’exécutif fédéral. « Nous avons aussi prévu la possibilité d’installer des SMR (réacteurs nucléaires de dernière génération, les fameux Small modular reactors, ndlr) en Belgique. Et nous ne prenons aucune mesure qui empêcherait la prolongation d’autres centrales dans le futur », a précisé le vice-Premier ministre, David Clarinval (MR) sur le réseau social X (ex-Twitter).
Feu vert de l’Europe
Du côté de l’énergéticien, la signature de l’accord est aussi accueillie avec satisfaction. « Nous sommes très heureux d’annoncer la signature définitive de cet accord qui permet un partage de risques équilibré pour la prolongation des deux unités nucléaires et élimine pour le Groupe ENGIE les incertitudes concernant l’évolution des provisions liées aux déchets nucléaires. Nos équipes sont à pied d’œuvre pour mettre en place les LTO dans les meilleurs délais, afin de renforcer la sécurité d’approvisionnement en électricité de la Belgique », a commenté Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie, la maison-mère d’Electrabel.
Le groupe précise que l’accord est non seulement soumis à l’approbation de la Commission européenne « auprès de laquelle une consultation est en cours », mais aussi aux modifications législatives qui doivent être votées par les députés belges. Le feu vert de l’Europe est attendu en 2024…
Le groupe donne des détails sur l’accord. En effet, la prolongation des deux réacteurs nucléaires nécessitera un investissement estimé entre 1,6 milliard et 2 milliards d’euros. Leur redémarrage est prévu dès novembre 2025. L’accord prévoir la création d’une structure juridique qui chapeautera Doel 4 et Tihange 3, elle sera détenue à parts égales par l’Etat belge et Engie.
Forfait pour le traitement des déchets nucléaires : 15 milliards
Par ailleurs, l’accord prévoit aussi une fixation pour un montant forfaitaire des coûts futurs liés au traitement des déchets nucléaires provenant de toutes les installations nucléaires d’Engie en Belgique, soit 15 milliards d’euros. Ce montant sera payé en deux fois : un premier versement (11 milliards) est annoncé pour fin 2024 après le feu vert de la Commission européenne et un second (4 milliards) sera effectué suite au redémarrage des deux réacteurs nucléaires. « C’est la première fois qu’on fixe un tel prix pour les déchets et c’est une très bonne chose. Le fait de l’avoir fait permet aux développeurs de projets nucléaires d’avoir une idée précise des investissements à faire et bien calibrer leurs business plan », nous a commenté Damien Ernst (ULiège).
Concrètement, pour éviter toute mauvaise surprise, un établissement public a été créé pour gérer les 15 milliards d’euros que versera Engie pour la gestion des déchets. Ce montant comprend une prime de risque de 4,5 milliards d’euros.
Cet établissement public sera responsable de la gestion financière et du contrôle des dépenses liées à l’ensemble des charges nucléaires supportées par l’État fédéral.
L’établissement public est dénommé Hedera. « Cet établissement public sera responsable de la gestion financière et du contrôle des dépenses liées à l’ensemble des charges nucléaires supportées par l’État fédéral. Cela inclut les passifs nucléaires d’un côté, et les 15 milliards d’euros qui seront transférés à l’État belge dans le cadre de l’accord conclu avec Engie sur la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 de l’autre côté », avait annoncé la ministre Tinne Van der Straeten à la Chambre en octobre dernier. Elle avait précisé que l’établissement public devra, grâce à des investissements, générer suffisamment de revenus pour couvrir toutes les dépenses liées à la gestion à long terme des déchets radioactifs et des combustibles usés.
Elle avait précisé l’origine du nom Hedera. Il s’agit d’un mot latin désignant le lierre, « une plante à feuillage persistant symbolisant une croissance robuste ».