UNE EXPO A VOIR

Runeda, le magicien du clair-obscur, à découvrir à la Villa Gallery

L'artiste français, Runeda, à côté d'une de ses oeuvres où il est son propre modèle. D.R.

La Villa Gallery a l’habitude d’accueillir des artistes et des expositions. Ce bel établissement, niché en bord de Meuse, au cœur du Parc de la Boverie à Liège, offre une belle surface et des espaces variés qui conviennent parfaitement pour mettre en valeur le travail des artistes. Rencontre avec l’artiste français, Runeda, le magicien du clair-obscur qui y expose ses œuvres. Installé dans les Cévennes gardoises, l’artiste, né en 1982, jongle avec la photographie, la poésie et la peinture. Le résultat est surprenant. Fruit d’un travail de longue haleine qui nécessite croquis préalables, acteurs, repérages de lieux parfois improbables, accessoires, etc. C’est le rendu d’une réflexion personnelle et profonde. C’est un artiste visuel qui utilise la photo, comme support principal. Les personnages, les décors les pauses, tout est minutieusement étudié pour que la lumière explose dans un éclat de clair-obscur, qui n’a rien à envier aux peintres flamands… Runeda a remporté de nombreux prix et conquis les amateurs de belles œuvres. L’artiste utilise, tour à tour, ce qui lui semble le plus judicieux pour apporter et donner du sens à son travail (surimpression, pose lente, superposition, montage, etc.). Au final, il livre une œuvre qui transporte ou emporte les pensées …

Après avoir traversé le parc de la Boverie, on entre dans un beau bâtiment blanc. Les toiles sont accrochées le long d’un mur de briques, sobre et chaleureux. D’emblée, la lumière éclaire chaque œuvre. L’artiste descend l’escalier et nous explique le travail de son œuvre « moi-peau »

Comment procédez-vous ?

Je fais du « bouche à oreille », les gens me proposent des lieux, si cela correspond à un croquis que j’ai déjà dessiné, alors j’investis les lieux. J’arrive avec mes accessoires et les acteurs, je m’installe, je pose tout mon décor et je fais la mise en scène.

En l’occurrence dans cette toile, c’est vous ?

Exactement. Sur beaucoup de travaux, c’est moi, car certains lieux, j’y ai accès une heure ou deux et après, c’est fini ! Donc les acteurs, c’est compliqué. Moi, j’aime donner ce sentiment du temps qui passe, parfois il y a certaines photos où j’ai un look différent, la barbe plus ou moins longue. Il y a un sentiment d’histoire à travers les lieux, c’est le lien qu’il y a à travers les travaux que je fais.

Il y a une ligne que l’on voit dans votre série, c’est l’importance de la lumière ?

Exactement, la lumière permet de modeler les corps, les volumes. Je pense que c’est quelque chose qui est indispensable pour captiver. C’est la première chose que les gens voient, c’est le clair-obscur. Ça parle à tout le monde, ce sont des références communes. J’utilise énormément les codes picturaux classiques italiens, flamands, etc.

Le clair-obscur est-il la ligne conductrice de votre œuvre ?

Oui, même s’il y a des thèmes sombres, la lumière reste importante dans mon travail, c’est  une forme d’élévation, on doit passer outre le sombre.

Il y a autre chose, c’est la texture, on a envie de toucher ces toiles…

Oui effectivement, c’est grâce au papier que j’utilise. Souvent, on pense la photo comme un cliché brut capturé, puis point barre ! Mais il y a la finalité, qui est le papier. La finalité de la photo n’est pas sur un écran. La finalité de la photo, c’est quand elle est encadrée et placée. Je voulais quelque chose de velouté comme la peau, vu que c’est le thème principal de mon travail, même si je ne travaille pas le nu. Ce papier très velouté donne l’impression que c’est de la 3D.

Pourtant, c’est de la peinture…

Oui c’est peint ! Le médium final c’est de la photo, mais il y a une étape où il y a de la peinture. Quand je commence, je fais un croquis très structuré, avec les accessoires bien placés, les lignes, ensuite je trouve les lieux. Sur les lieux je fais ma mise en scène par rapport au croquis. Et ensuite je rentre à la maison et je peins un abstrait de peinture sur différents support, ça peut être sur du carton, sur du verre, sur un vieux mur, que je gratte, que je griffe, que je brûle des fois selon l’effet que je veux donner, l’émotion que je veux donner, je fais la photo de cette texture que je superpose à la mise en scène et c’est ça qui donne cet effet où on ne sait pas trop si c’est de la photo, ou de la peinture.

Il y a aussi les textes et le QR code, chaque toile parle au visiteur ?

Oui c’est le but, cette poésie qui accompagne chaque œuvre a été mise en place plus tard. Quand je crée une œuvre, je fais ce croquis et en même temps je fais cette poésie. C’est ma femme qui m’a conseillé de mettre en valeur cette poésie, car cela apporte des clés de lecture intéressante et moi, j’avais l’impression que c’était ringard de lire de la poésie donc je n’osais pas. Pour moi, c’était assez intime, ça me donnait l’émotion que je voulais retranscrire dans le travail, j’ai commencé à l’intégrer et cela a beaucoup plus aux gens.

On est projeté dans une autre dimension par le tableau, avec la voix et les textes…

Exactement. C’est ce que je voulais, une pièce radiophonique, quelque chose qui reste figé, que l’on peut interpréter comme on veut, mais avec des pistes de lecture, avec cette captation sonore qu’est le QR code.

Que signifie cette série de vos œuvres ?

Un jour, j’étais devant une bibliothèque, lorsqu’un livre m’a interpelé. Ce livre s’appelle « le moi-peau », d’un psychologue français. Ce concept est autour d’une métaphore de la peau. La peau est le contenant de nos émotions et à travers cela, je me suis dit que je devais le diviser en 3 chapitres : « Ecoute ce qui se passe derrière la peau », c’est l’ensemble du projet. Le chapitre 1 s’appelle « l’enveloppe », le chapitre 2 s’intitule « la frontière » et le chapitre 3, « le lien ». Ici sont exposés les 2 premiers chapitres

L’exposition est à voir du mercredi au dimanche de 13h à 18h, jusqu’au 14 janvier à Villa Gallery,
1, Parc de la Boverie à Liège.
Tel : 0468/38 72 22
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