De nouveaux et violents heurts secouent aujourd’hui la Serbie et, principalement, sa capitale, Belgrade, dont la mairie ainsi que le parlement ont été pris d’assaut par des milliers de manifestants s’opposant à l’actuel régime, policier et corrompu, du président de ce pays, Aleksander Vucic, et de son Gouvernement, soumis totalement à sa pesante botte. La répression, par ailleurs, y est en train de s’abattre, à l’heure actuelle, à l’encontre de dizaines d’étudiants, arrêtés manu militari et emprisonnés tout aussi arbitrairement, parmi ces protestataires, qui ne font pourtant que lutter, à juste titre, pour la liberté d’expression, complètement muselée, depuis bien trop longtemps, sous une chape de plomb politico-idéologique.
Des élections législatives truquées
La raison de cette légitime, juste et compréhensible hostilité à l’encontre de ce perfide dictateur, doublé d’un dangereux mafieux, qu’est effectivement Vucic ? Le fait que les récentes élections législatives, qui ont eu lieu il y a une dizaine de jours, le 17 décembre dernier, et qui ont vu l’abusive et frauduleuse victoire du parti (parti viscéralement nationaliste, par-delà sa façade « progressiste ») de cet indigne Président, aient été visiblement truquées, manipulées, voire achetées auprès d’électeurs qui, s’ils ne répondaient pas favorablement aux intimidations des autorités en place, ont même été souvent menacés existentiellement, subissant d’intolérables pressions, comme me l’ont confirmé bon nombre de mes amis serbes, sous peine de perdre soudain leur emploi ou de se voir carrément confrontés à divers et graves problèmes : sociaux, familiaux, financiers, matériels, administratifs, et autres encore.
Bref : une vaste fraude électorale, où des centaines d’urnes ont été artificiellement bourrées par une multitude de votes en faveur de ce même parti d’Aleksander Vucic (le SNS), dont de nombreux observateurs internationaux, mandatés majoritairement par l’OSCE, ont été les crédibles et incontestables témoins !
Opportunisme, corruption et trahison : les vieux démons d’un dictateur nommé Vucic
C’est dire si la Serbie, ses manigances politiques comme son extrémisme idéologique, se voit à nouveau hantée par ses vieux démons : ceux-là mêmes que la communauté internationale, et l’Union Européenne en particulier, croyaient naïvement révolus depuis l’historique chute, le 5 octobre 2000, de feu Slobodan Milosevic, mort cinq ans et demi plus tard, le 11 mars 2006, dans la prison de Scheveningen, où il avait été incarcéré, accusé de « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » et « génocide » lors des sanglantes guerres en ex-Yougoslavie, par le Tribunal Pénal International (TPI) !
Vucic, le judas des Balkans
Comment, du reste, faire véritablement confiance, et accorder le moindre crédit moral, à un système politique, dont ce Vucic est l’incarnation la plus maléfique, capable, dans le même temps, d’élever au rang de héros de présumés « criminels de guerre », avant de les livrer ensuite, croyant en recueillir ainsi quelques maigres gains politico-économiques, et sauver surtout, par-là, sa propre peau, à ce même Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie précisément ?
Le Président serbe, Aleksander Vucic, sans foi ni loi, que certains surnomment le « Judas des Balkans », aura décidément tout trahi, sans scrupules ni remords.
Oui : ce Vucic, sans foi ni loi, que certains surnomment le « Judas des Balkans », aura décidément tout trahi, sans scrupules ni remords, pour accéder et se maintenir au pouvoir, y compris feindre de renier ses propres convictions au gré des circonstances ou ne pas hésiter à traîner dans la boue ceux-là mêmes qu’il avait pourtant, et toujours en fonction de ses seuls intérêts, portés précédemment aux nues ! La diabolisation de ses adversaires n’est-elle pas, du reste, une des armes préférées, comme à l’obscur temps des pires procès staliniens, des dictatures ?
Et, de fait, beaucoup de gens, parmi nos hommes et femmes politiques actuels, semblent avoir oublié un peu trop vite, épris là d’on ne sait quelle candeur, qu’en cette sombre époque, et lors de la guerre du Kosovo de manière plus spécifique encore, de mars à juin 1999 donc, ce même Aleksander Vucic était alors, du haut de sa place de numéro deux au sein du très extrémiste, sinon fascisant, Parti Radical Serbe d’un certain Vojislav Seselj, l’impitoyable, ambitieux et puissant ministre de l’Information – que peu osaient contester au vu de son autoritarisme – de Milosevic en personne ! Pis : celui-là même qui, en plein Parlement serbe, n’hésita pas alors à proférer ces paroles, lourdes de sens tragique pour les autres composantes ethnico-religieuses (Croates, Bosno-Musulmans, Kosovars…) de l’ex-Yougoslavie en ces douloureuses années-là : « là où il y a un Serbe, c’est terre serbe ; et pour un mort serbe, il y aura cent autres morts bosniaques ou kosovars ! »
Un maître en double jeu de dupes
Mais l’implacable et roué Vucic, qui ne voit dans l’Union Européenne qu’une gigantesque machine à sous, un énorme vache à lait en forme de jackpot, sait faire mine de changer de position, voire de retourner opportunément sa veste, lorsque les circonstances le requièrent, fût-ce, pour cela, au prix des pires volte-face.
Aleksandar Vucic, un cynique, mais efficace maître, derrière son apparent visage de poupon, en double, voire triple, jeu de dupes : il vendrait son âme au diable et écraserait tout sur son passage, y compris au mépris des intérêts de son propre peuple, pour conserver, à l’instar de tous les dictateurs de sa trempe, une misérable once de pouvoir !
Là où il y a un Serbe, c’est terre serbe ; et pour un mort serbe, il y aura cent autres morts bosniaques ou kosovars !
Rien d’étonnant, en d’aussi pénibles conditions, si le très corrompu régime de Vucic demeure effectivement aujourd’hui un Etat de violence, voire de terreur s’avançant masquée, comme le proclame en effet, à juste titre toujours, l’actuelle opposition démocratique serbe : une opposition que, pour ma part, je soutiens pleinement, en demandant instamment, en outre, la libération immédiate de tous ces jeunes injustement emprisonnés, ces jours-ci, à l’occasions de ces manifestations !
Une opposition bâillonnée et une liberté d’expression réduite au silence
Je la soutiens d’autant plus volontiers que cette même opposition, et ses organes de presse en particulier, se voient ainsi aujourd’hui, sous l’impitoyable férule de cet infâme régime de Vucic, honteusement bâillonnée, violemment réprimée, arbitrairement réduite au silence, avec une liberté d’expression, de parole et de pensée, quasiment inexistante, tant elle est, depuis de trop longues et cruelles années, aussi bridée que brimée.
Pis encore : il arrive même souvent que ce même Vucic, grand ami d’un certain Vladimir Poutine, recoure, en guise de riposte face à ses « ennemis », au plus ignoble des moyens : porter atteinte à leur honneur d’honnête citoyen, les diffamer médiatiquement et donc les discréditer publiquement, à défaut de pouvoir toujours les éliminer physiquement, par de vils mensonges, cabales orchestrées de toutes pièces ou sordides machinations, à faire pâlir d’envie l’ancien régime, tant décrié, de Milosevic lui-même !
Liberté, paix et démocratie
A cette nouvelle, jeune et courageuse opposition donc, toute ma sympathie, au beau nom de la liberté, et mon indéfectible soutien, au nom des inaliénables droits de l’homme : il en va de l’avenir même, au sein de l’Europe libre, moderne et démocratique, de ce magnifique peuple serbe, qui, n’en déplaise à ses actuels et belliqueux dirigeants politiques, n’aspire, en vérité, qu’à la paix !
A cette nouvelle, jeune et courageuse opposition donc, toute ma sympathie, au beau nom de la liberté, et mon indéfectible soutien, au nom des inaliénables droits de l’homme.
Reste à espérer que cette énième tricherie – celle de trop, peut-être – de Vucic, qui a finalement tombé le masque, laissant ainsi apparaître au grand jour son inquiétant, mais pourtant vrai visage, sera en effet, grâce à l’ampleur de ces manifestations d’aujourd’hui, la dernière, et que, une fois ce dictateur déchu, la Serbie, dès lors, trouvera enfin la sérénité, la stabilité politique tout autant que le progrès social et la réussite économique, qu’elle mérite assurément !
Ainsi entrera-t-elle alors de plain-pied, s’y réintégrant méritoirement, dans le véritable, grand et libre concert des nations, dont celui, au premier rang, de l’Europe !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, dont « Requiem pour l’Europe – Zagreb, Belgrade, Sarajevo », « Les Intellos ou la Dérive d’une caste – De Dreyfus à Sarajevo » (publiés tous deux aux Editions L’Âge d’Homme), « Les Ruines de l’intelligence – Les intellectuels et la guerre en ex-Yougoslavie » (Editions Wern, enrichi d’entretiens avec Elie Wiesel et Simon Wiesenthal), « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France), « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (publiés tous deux chez Gallimard-Folio Biographies), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher), « Divin Vinci – Léonard de Vinci, l’Ange incarné » (Editions Erick Bonnier), directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie » (Editions de l’Aube/Fondation Jean Jaurès) et « Repenser le rôle de l’intellectuel » (Editions de l’Aube). A paraître, sous sa direction toujours, « L’humain au centre du monde – 30 intellectuels pour un humanisme des temps présent et à venir » (Editions du Cerf).
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