Tête de liste du MR pour les Européennes, Charles Michel essuie des critiques tous azimuts
Journaliste – Rédacteur en chef.
Le président du Conseil européen, Charles Michel, a annoncé samedi 6 janvier qu’il conduira la liste du Mouvement réformateur (MR) pour les élections européennes du 9 juin prochain. Vu la situation, il devrait quitter ses fonctions actuelles de président de l’institution au plus tard le 16 juillet, anticipant ainsi sa fin de mandat normalement fixée à fin novembre 2024. A peine a-t-il annoncé sa décision de conduire la liste européenne des Libéraux francophone belge qu’il lui est reproché de « quitter le navire au beau milieu de la tempête » ou d’avoir pris une décision « égocentrique et irresponsable ». La question est de savoir s’il pourra mener une campagne pour les élections européennes tout en assurant les missions de président du Conseil européen. Par ailleurs, si son successeur n’est pas désigné à temps, c’est le Premier ministre nationaliste hongrois, Viktor Orban, connu pour ses envolées anti-UE, qui assurera l’intérim. Drôle de situation pour l’Union européenne…
Après plusieurs jours de suspense, le président du Conseil européen (depuis le 1er décembre 2019), Charles Michel, a annoncé à plusieurs journaux belges dont « La Libre » et « Le Soir » qu’il conduira la liste du Mouvement réformateur (MR) pour les élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin 2024. Ce faisant, il vient éclaircir le tableau des prétendants au premier rang desquels on retrouve l’actuel commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, qui avait fait part de son souhait de tirer la liste européenne.
Le capitaine quitte le navire au milieu de la tempête. Si c’est là le peu d’intérêt que vous portez au sort de l’Union européenne, quelle est votre crédibilité en tant que candidat.
Un acte de foi
Il faut dire qu’en tant que président de l’institution européenne et commissaire européen respectivement, Charles Michel (48 ans) et Didier Reynders (65ans) avaient la légitimité de prétendre à cette place sur la liste européenne du parti libéral francophone belge. Mais des calculs et des influences divers ont fait pencher la balance du côté de l’ancien Premier ministre belge (du 11 octobre 2014 au 257 octobre 2019). « 2024 est une année électorale extrêmement importante en Europe et dans le monde puisque près de la moitié de la population mondiale sera amené à voter. Quatre années après avoir pris la responsabilité de président du Conseil européen, il y a une nécessité à renforcer la légitimité européenne. Ma candidature est un acte de foi, il est de ma responsabilité de rendre compte du travail assumé ces dernières années. Je souhaite jouer un rôle actif dans ce débat démocratique européen, et porter un projet pour l’Europe 2030. Je veux continuer à me mobiliser pour l’unité et surtout pour la puissance européenne », a précisé Charles Michel à nos confrères de « La Libre ».
L’annonce de sa candidature a suscité une série de réaction sur la scène internationale, notamment en Europe, et auprès de commentateurs divers. Il faut dire que le mandat actuel de Charles Michel arrive à expiration le 30 novembre 2024. En se portant pour tirer la liste des Libéraux francophones belges pour les Européennes, il devra quitter celui-ci au plus tard le 16 juillet 2024, date de sa prestation de serment comme député européen, comme il l’a lui-même indiqué dans les médias à qui il a accordé une interview.
Décision « cynique », « égocentrique et irresponsable »
L’eurodéputée néerlandaise, Sophie in’t Veld, membre du groupe Renew Europe (il regroupe les Centristes et les Libéraux) au Parlement européen a durement critiqué la décision de Charles Michel. « Le capitaine quitte le navire au milieu de la tempête. Si c’est là le peu d’intérêt que vous portez au sort de l’Union européenne, quelle est votre crédibilité en tant que candidat », a-t-elle commenté sur X (ex-Twitter), qualifiant la décision de Charles Michel de « cynique ». Professeur de droit européen (HEC Paris, Collège d’Europe), Alberto Alemanno, a estimé sur le même réseau social que la décision de Charles Michel de quitter prématurément ses fonctions de président du Conseil européen « pour poursuivre sa propre carrière politique est non seulement égocentrique, mais aussi irresponsable ».
The Captain leaving the ship in the middle of a storm. If that is how little committed you are to the fate of the European Union, then how credible are you as a candidate? https://t.co/GGdNxeDRce
— Sophie in 't Veld (@SophieintVeld) January 7, 2024
Il faut dire que la décision de Charles Michel met les Etats membres et plusieurs de leurs dirigeants sous pression. En effet, les procédures européennes prévoient qu’en cas de fin de mandat anticipée relative à un empêchement, le président du Conseil européen soit remplacé, jusqu’à l’élection d’un successeur, par le dirigeant européen dont le pays assure la présidence tournante semestrielle du Conseil de l’Union européenne. Or, actuellement, c’est la Belgique qui préside ce dernier et au 1er juillet prochain, c’est la Hongrie qui prendra la relève et si les dirigeants européens ne trouvent pas rapidement le remplaçant de Charles Michel avant cette date, c’est le Premier ministre nationaliste hongrois, Viktor Orban, dont on connaît les positions anti-UE qui assurera l’intérim à la présidence du Conseil européen.
Par ailleurs, suite à sa décision de se présenter aux élections européennes, la question est de savoir si Charles Michel pourra valablement mener sa campagne tout en assurant sa mission de président de Conseil européen. Des observateurs pourraient voir dans sa position maintenant qu’il est candidat un conflit d’intérêt potentiel ou de confusion de genre. Et s’il doit se retirer plus tôt que prévu, poussé dans le dos par des détracteurs, c’est le Premier ministre belge, Alexander De Croo (Open VLD) qui reprendra le flambeau en tant que président ad interim du Conseil européen.