POLITIQUE DE L'IMMIGRATION

Royaume-Uni : la loi sur l’immigration passe une étape, mais Rishi Sunak est en mauvaise posture

Malgré le vote de son texte sur l'immigration visant à dépoter les illégaux vers le Rwanda, Rishi Sunak n'est pas encore près de tenir sa promesse de les renvoyer dès le mois d'avril 2024. AFP

Fin décembre, nous vous rapportions comment Rishi Sunak avait alors réussi un premier tour de force pour son texte de loi sur l’immigration visant à déporter les migrants illégaux vers le Rwanda. Cest après beaucoup de débats et de tergiversations que le Premier ministre a remporté la guerre parlementaire. Le projet de loi a en effet passé l’épreuve de la troisième et dernière lecture au Parlement et est passé avec 320 votes pour et 276 contre, ce mercredi 17 janvier. Mais il reste encore l’épreuve de la Chambre des Lords à passer. En effet, la deuxième chambre du pouvoir législatif britannique a maintenant la main sur le texte de loi et prévoit d’y apporter plusieurs amendements. Enfin, Rishi Sunak a dû aussi faire face à un soulèvement de dernière minute de l’aile très à droite de son parti, qui avait voulu amender la loi pour la durcir encore plus mais n’y est pas parvenu. Rishi Sunak a donc laissé des plumes dans cette bataille pour un projet de loi devenu emblématique du mandat du Premier ministre à l’aube d’une élection générale qu’il devrait perdre, selon les sondages.

Un vote des Lords qui risque d’être long

Il en est ainsi du processus parlementaire, on ne sait jamais combien de temps il va prendre. Si le Premier ministre, Rishi Sunak, a désormais réussi à faire passer le texte de loi sur l’immigration en urgence au parlement, il n’a plus la main sur le reste du timing et ça l’inquiète.

Lui qui avait promis de « faire décoller des avions vers le Rwanda dès avril 2024 », avant donc la date fatidique de l’élection générale, il redoute aujourd’hui que l’examen du texte de loi par la Chambre des Lords prenne trop de temps et qu’il ne puisse donc pas tenir sa promesse.

Dans une conférence de presse tenue vendredi 19 janvier, il a pressé la Chambre des Lords à accélérer le processus. « La Chambre des Lords comprendra-t-elle la frustration du pays, percevra-t-elle la volonté de la Chambre élue et agira-t-elle aussi rapidement que nous pour soutenir cette législation afin que nous puissions enfin faire décoller des avions ? », observe-t-il.

Rishi Sunak, rappelle, au passage, sur le fait que la Chambre des Lords n’est pas élue, alors que le Parlement qui a validé son texte, et serait donc plus à même que les Lords de « comprendre la volonté et l’agacement du peuple britannique ». Un coup de pression qui ne dit pas son nom donc…

La Chambre des Lords comprendra-t-elle la frustration du pays, percevra-t-elle la volonté de la Chambre élue et agira-t-elle aussi rapidement ?

Cependant, le Premier ministre britannique a peut-être tort de vouloir presser les Lords à examiner le projet de loi, puisque ces derniers menacent en effet d’amender fortement le texte. Les Lords voudraient notamment que les recommandations de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) soient suivies. En effet, la CEDH, dont le Royaume-Uni fait toujours partie même après le Brexit, avait jugé le projet de loi illégal en l’état puisqu’ils avaient estimé que le Rwanda est un pays « non sécurisé » et qu’y renvoyer les illégaux porterait donc atteinte aux droits de l’homme des potentiels déportés.

Des parlementaires rebelles

Mais il n’y a pas que la Chambre des Lords qui pose problème à Rishi Sunak. En effet, même si le projet de loi a été adopté au Parlement, plusieurs parlementaires se sont rebellés, et trois d’entre eux ont même démissionné. Mais, qui sont ces rebelles et pourquoi vont-ils être une grosse épine dans le pied du locataire du 10 Downing Street ?

Les trois parlementaires démissionnaires, représentant la droite dure du parti Conservateur, avaient voulu amender le projet de loi pour le durcir, mais le parti avait été clair, aucun amendement ne devait être déposé au sein du gouvernement.

Ce n’est pas la première fois que le leadership de Rishi Sunak est mis en cause depuis son élection à la tête du parti conservateur.

Ce camouflet interne pour Rishi Sunak n’est pas nouveau, il témoigne d’une tension présente depuis toujours au sein du parti conservateur, mais qui s’est intensifiée lors du Brexit, entre l’aile très à droite qui flirte même parfois avec l’extrême droite et l’aile plus modérée, les conservateurs « One Nation » (une nation), et qui est beaucoup plus progressiste socialement, notamment en matière d’immigration.

C’est donc cet exercice de funambule auquel Rishi Sunak a raté. Il a peut-être gagné sur un plan législatif, mais ces tensions internes pourraient bien lui coûter sa position à la tête du parti.

Un vote de confiance à venir ?

Ce n’est pas la première fois que le leadership de Rishi Sunak est mis en cause depuis son élection à la tête du parti conservateur. Mais selon certaines rumeurs qui commencent à fuiter, il y aurait déjà une trentaine de lettres demandant un vote de confiance à l’encontre du Premier ministre, adressées au comité interne du parti conservateur.

L’avenir de Rishi Sunak et du parti conservateur à la tête du pays est donc de plus en plus incertain.

Si ce ne sont pour l’instant que des rumeurs et que le nombre exact de lettres ne sera pas rendu public, il faut au moins 50 lettres adressées au comité pour déclencher un vote de confiance qui verrait Rishi Sunak se confronter à son parti qu’il a de toute évidence du mal à unifier et à tenir.

En attendant, l’opposition se délecte du délitement interne qui a transparu lors du vote du texte au Parlement. L’avenir de Rishi Sunak et du parti conservateur à la tête du pays est donc de plus en plus incertain.

Léna Job (à Londres)