Oleksyi Arestovych, l’homme qui veut remplacer Zelensky et en terminer avec la guerre
Deux ans après le début de la guerre déclenché par Vladimir Poutine contre son pays, Volodymir Zelensky est de plus en plus contesté au sein même de son pays. Des élections présidentielles sont prévues le 31 mars prochain en Ukraine mais il y a fort à parier qu’elle soient annulées ou décalées. Or, son principal opposant, qui était l’un de ses premiers conseillers, il y a encore un an, proteste contre le président ukrainien et souhaite prendre sa place. Oleksyi Arestovych est très populaire dans un pays dévasté où la population est traumatisée et fatiguée. Passé dans l’opposition et actuellement en exil, l’homme critique l’autoritarisme de Zelensky, ses choix politiques et sa façon de conduire le pays dans l’impasse face à la Russie. Diplômé en psychologie, il a collaboré dans les renseignements ukrainiens. Très suivi sur les réseaux sociaux, il se pense à même de sauver son pays, en proposant des négociations directes avec Moscou. Arestovych est ainsi le premier à briser le tabou dans le pays et proposer une alternative politique, même s’il sait que les Ukrainiens ne sont peut-être pas encore tous prêts à entendre de tels propos.
En effet, il est une petite musique qui monte au sein des opinions européennes, musique qui était encore totalement inaudible il y a quelques mois. Nous faisions probablement partie des rares à affirmer que la réponse occidentale à l’agression russe en Ukraine, le suivisme jusqu’au-boutiste de Zelensky n’était peut-être pas forcément la meilleure des solutions à apporter pour éviter les morts. Il n’y a plus de guerre qui se gagne durablement aujourd’hui par les armes et la diplomatie doit être mise sur le tapis le plus rapidement possible. C’est en réalité peut-être la seule option pour éviter les morts et les drames par milliers. C’est ce que Arestovych reproche à Volodymir Zelensky.
C’est fini, il n’y aura jamais de reconquête du Donbass et de la Crimée.
Zelensky a commis des erreurs
Mais pas seulement. Il l’accuse d’avoir raté les pourparlers d’Istanbul qui présentaient une porte de sortie honorable pour Kiev. Aujourd’hui, le président ukrainien essaie de vendre un plan de sortie de guerre en dix points, qui prévoit un retour aux frontières de 2014, ce qui veut dire le retour de la Crimée dans l’escarcelle ukrainien.
Pour l’opposant, c’est totalement inconcevable, car il pense que Poutine ne lâchera jamais ça. Pour lui, c’est fini, il n’y aura jamais de reconquête du Donbass et de la Crimée. D’autant qu’il estime à deux ans la capacité maximale de l’Ukraine pour tenir bon face aux Russes. La mobilisation possible touchera à sa fin alors que la Russie pourra continuer à mobiliser pendant de nombreuses années.
A ses yeux, la victoire de l’Ukraine semble hors d’atteinte, d’autant que Zelensky porte directement et indirectement la responsabilité de l’échec de la fameuse contre-offensive tant attendue l’été dernier.
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche (…) pourrait bien précipiter la fin de la guerre
Poutine a tout son temps
Arestovych a compris que Poutine avait le temps pour lui car, sauf erreur de parcours, il est en place pour des années. Il sera même conforté par les élections sans surprise programmées cette année. Arestovych est ainsi le premier à briser le tabou dans le pays et proposer une alternative politique, même s’il sait que les Ukrainiens sont peut-être pas encore tous prêts à entendre de tels propos.
Mais il sait aussi qu’en Europe, on semble se lasser de cette guerre, de la financer également. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, à la suite des élections présidentielles de novembre prochain, pourrait bien précipiter la fin de la guerre et le retour à la diplomatie pour finir au plus vite ce conflit. Alors, Oleksyi Arestovych, lui, préfère anticiper.
Vers un retour de la diplomatie?
Une inconnue demeure à ce stade : Poutine accepterait-il alors une négociation ? Car pour négocier, il faut être deux, et le chef du Kremlin ne semble guère décidé, après avoir plongé son pays dans l’économie de guerre totale, à couper court à un conflit qu’il pourrait préférer voir durer longtemps. A moins que cela ne soit peut-être une opération politique pour montrer les dents?
Mais si Trump faisait plier l’Ukraine en promettant notamment une non adhésion à l’OTAN, alors pourquoi pas ? Les cartes risquent d’être rebattues rapidement car Trump a fait de ce dossier une priorité de son mandat s’il devait être réélu. D’autant que sa relation à Poutine a été jusqu’ici bien meilleure que celle entretenue jusqu’à présent par Biden avec le maître de Russie.
Sébastien BOUSSOIS
Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS, associé au CNAM Paris (Equipe Sécurité Défense) et du NORDIC CENTER FOR CONFLICT TRANSFORMATION (NCCT Stockholm).