LA SITUATION DEGENERE AU MOYEN-ORIENT

Une frappe israélienne sur Damas pourrait déclencher l’escalade entre Téhéran et Jérusalem

Le personnel d'urgence et de sécurité inspecte le site des frappes qui ont touché un bâtiment annexé à l'ambassade iranienne à Damas, la capitale syrienne, le 1er avril 2024. AFP

En début d’après-midi, lundi 1er avril, deux F-35 israéliens ont tiré six missiles sur un bâtiment du secteur diplomatique de Damas. Il s’avère que c’est l’immeuble qui abritait le consulat iranien. Dans la soirée, le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien a confirmé que l’un de ses cadres les plus importants avait été tué, en même temps que son adjoint et cinq autres officiers du CGRI. Des représailles iraniennes sont inévitables, la seule question étant de déterminer la forme qu’elles prendront.

Mohammad-Reza Zahedi, l’un des chefs les plus importants de la Force al-Quds – l’unité spéciale des Pasdaran en charge des opérations à l’étranger – devait diriger, lundi après-midi, 1er avril, une réunion entre les représentants du CGRI, le Hezbollah et le Jihad islamique de Palestine. Au Programme : les derniers développements de la guerre à Gaza et la coopération entre les trois organisations.

Vers 17h (heure locale), deux F-35 venus d’Israël ont entièrement détruit le consulat iranien qui devait abriter la rencontre. Une dizaine de personnes ont été tuées. En fin de journée, le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) déclarait que sept de ses membres – deux généraux et cinq officiers – avaient été tués dans l’attaque et que le général de brigade Mohammad Reza Zahedi, figurait parmi les morts.

Le plus haut responsable iranien tué depuis 2020

Le général Zahedi avait rejoint le CGRI en 1979 et avait été nommé au Liban en 1998 avec pour mission de conseiller le Hezbollah et de lui fournir des armes. Il a participé à l’offensive de la milice libanaise contre les forces israéliennes au Sud-Liban au printemps 2000. Il a également organisé diverses opérations de haut niveau contre l’Etat hébreu et joué un rôle important dans le soutien au régime de Bachar el-Assad durant la guerre civile syrienne. Il était, à ce titre, l’un des plus éminents chefs des Forces Quds et est le plus haut gradé du CGRI à avoir été tué depuis l’élimination de Qasem Soleimani par les Etats-Unis,  à l’aéroport de Bagdad, en janvier 2020. Son adjoint, le général Mohammad Hadi Hajriahimi, a également été tué lors de la frappe.

Ces éliminations ciblées montrent la vulnérabilité du « premier cercle » des décideurs iraniens. L’opération a nécessité des renseignements précis qui ne pouvaient provenir que de sources internes de haut niveau au CGRI ou au Hezbollah : Zahedi était réputé pour sa paranoïa (manifestement justifiée) et tous ses déplacements étaient organisés avec minutie et dans le plus grand secret.

Cet assassinat récent va très certainement  désorganiser les activités iraniennes en Syrie et au Liban. D’autant qu’il intervient après celui du général de brigade, Razi Mousavi, tué dans une frappe israélienne le 25 décembre dernier. Mousavi était responsable de l’« Unité 2250 », responsable de la logistique iranienne en Syrie et au Liban. D’autres officiers iraniens, moins connus mais jouant un rôle importants dans les livraisons d’armes au Hezbollah, ont également été touchés depuis le 7 octobre.

Un succès pour le renseignement israélien, mais les représailles sont inévitables

Pour les services de renseignement israéliens, en revanche, c’est un coup de maître qui leur permet de redorer leur blason après avoir été incapables de prédire et d’empêcher le pogrom du 7 octobre.

Mais chacun sait que cette victoire aura un prix. Par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Téhéran a déclaré qu’il se réservait le droit de mener des actions de représailles contre « le régime sioniste ».

Lundi soir, des sources israéliennes nous confirmaient que Tsahal était en alerte maximale sur le front nord, à la frontière du Liban. L’état-major israélien s’attend, à minima, à une intensification des attaques du Hezbollah dans la zone frontalière, voire à une attaque de grand envergure qui obligerait l’ouverture d’un « vrai » front dans le nord. Jusqu’à présent, même s’ils ont fait des morts, les échanges de tirs réguliers entre la milice chiite et l’armée israélienne restaient limités. Par ailleurs, bien qu’ayant poussé le Hezbollah et les rebelles Houthis du Yémen à participer à la guerre, l’Iran prenait garde de ne pas y être directement entraîné. L’attaque israélienne de lundi pourrait tout changer.

 

Pour qui connaît les méthodes de l’Iran et du Hezbollah, il est également possible, voire probable que des attaques soient menées ou tentées contre des intérêts israéliens dans des pays tiers, y compris en Europe. Elles pourraient par exemple viser des ambassades de l’Etat hébreu.

A Gaza, quatre travailleurs humanitaires tués par erreur

Sur le front de Gaza, pendant ce temps, une autre frappe israélienne a tué plusieurs personnes qui livraient de l’aide alimentaire à la population. L’organisation américaine « World Central Kitchen » (WCK, l’une des deux ONG qui coordonnent les efforts visant à acheminer l’aide par bateau depuis Chypre),  à laquelle appartenaient les travailleurs humanitaires dont la voiture a été détruite par un missile, a confirmé le décès de quatre de ses volontaires et de leur chauffeur palestinien. Le Hamas a déclaré que les victimes étaient de nationalités britannique, australienne et polonaise.

L’armée israélienne, qui affirme avoir voulu viser un véhicule transportant des armes a déclaré qu’elle ouvrait une enquête « pour comprendre les circonstances de cet incident tragique », ajoutant qu’elle « travaillait en étroite collaboration avec WCK » dans le but de fournir de l’aide aux Palestiniens.

Hugues Krasner