OPINION

“Notre système alimentaire aux soins palliatifs!”

Les agriculteurs ont mobilisé vendredi 26 janvier une centaine de tracteurs au rond-point des Vaches à Battice. bePress Photo Agency / BOURGUET

CARTE BLANCHE : Mobilisation du Gratin de la Colère

Dans le cadre du Festival de la transition alimentaire Nourrir Bruxelles, le Collectif du Gratin de la Colère organise une mobilisation le 11 avril pour mettre en lumière les défaillances de notre système alimentaire, malade et relégué aujourd’hui aux soins palliatifs. Tout le mois de mars, un marathon des lettres a été organisé par le Collectif pour recueillir les témoignages et revendications des Bruxellois qui subissent les inégalités générées par un système alimentaire à bout de souffle.

Quand le quotidien de nombreux agriculteurs est fait de précarité et d’endettement, et que 68 % des fermes belges ont disparu en 40 ans  ; quand les travailleurs de l’industrie agroalimentaire doivent faire face à une détérioration de leurs conditions de travail ; quand plus de 38 % des Bruxellois vivent sous le seuil de pauvreté et se voient contraints de couper dans leur budget alimentaire pour survivre ; quand plus de 600.000 personnes ont recours à l’aide alimentaire, on ne peut pas dresser d’autre constat : d’un bout à l’autre de la chaîne, notre système alimentaire est aux abois.

Il faut donner les moyens aux agriculteurs de produire durablement, sans perte de revenu et augmentation du temps de travail.

Dans un contexte d’inflation marquée, les industries agroalimentaires engrangent des bénéfices indécents. Les agriculteurs demeurent sous-payés, et la société doit faire face aux coûts cachés de ce système agro-industriel mondialisé sur l’environnement :

perte de biodiversité, déforestation, consommation d’eau, contribution au dérèglement climatique … les exemples sont nombreux. La santé est également fortement impactée par le système alimentaire actuel. Manger ne devrait pourtant jamais être synonyme de risque pour la santé, mais force est de constater qu’en Belgique, environ la moitié de la population est en surpoids ou obèse et qu’en 2020, 11% des décès étaient liés à un facteur de risque alimentaire.

Depuis, la situation n’a fait qu’empirer. Producteurs, travailleurs du secteur social et de la santé, société civile, mangeurs, tous tentent de remédier à un système mortifère, sans que de réels moyens politiques et économiques ne soient dégagés pour y parvenir structurellement. À l’heure actuelle, le droit à l’alimentation est complètement bafoué en Belgique et les initiatives en place ne font que pallier les effets du système sans s’attaquer aux causes profondes.

L’agriculture est une activité stratégique et essentielle : les agriculteurs sont à la base de notre système alimentaire. Pourtant, ils sont de moins en moins nombreux et font face à des conditions de vie et de travail difficiles. Cette situation dure depuis si longtemps que certains ont perdu de vue qu’il s’agit là aussi bel et bien d’une crise.

Il est aujourd’hui indispensable de poursuivre la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) pour soutenir les petites fermes et les paysans plutôt que les grandes exploitations. Il faut donner les moyens aux agriculteurs de produire durablement, sans perte de revenu et augmentation du temps de travail, et permettre aux citoyens d’acheter une alimentation de qualité et choisie. Les politiques agricoles et alimentaires actuelles sont indignes et relèvent de la non-assistance à personnes en danger!

La précarité est un cercle vicieux. Elle frappe aussi à la porte des travailleurs du secteur alimentaire, qu’ils ou elles travaillent dans les champs, aux caisses, dans les hangars, dans l’HORECA… La pression sur les prix bas va de pair avec la pression sur les travailleurs, et une hausse vertigineuse des profits. L’hypertension, ça suffit!

L’aide alimentaire, qui ne devrait être qu’une aide ponctuelle d’urgence, est devenue un dépannage structurel. Les organisations de terrain doivent composer avec différentes sources de denrées alimentaires qui les rendent souvent complices d’un système industriel injuste. Il est important de libérer des soutiens financiers suffisants permettant l’achat d’approvisionnements de qualité et d’élargir les collaborations qui se nouent entre l’aide alimentaire, les producteurs et entreprises locales. Contre l’insécurité alimentaire, nous voulons une vraie protection sociale!

Nous exigeons la mise en place d’un accès digne et autonome à une alimentation suffisante et de qualité pour tous. Accéder à une alimentation de qualité est un droit humain fondamental qui nécessite une transformation cohérente et transversale du système alimentaire pour qu’il soit respectueux de l’environnement, de la santé et des travailleurs.

Marre des piqûres de rappel ! Nous ne tolérons plus que notre système alimentaire soit cantonné aux soins palliatifs!

Les Signataires

Collectif du Gratin de la Colère, Agroecology in Action, Association pour la Solidarité Étudiante en Belgique, ATD Quart Monde, City Zen Quartier Durable et Citoyen, Comité de la Samaritaine, Cuisines de Quartier, Cultureghem, Epi St-Gilles, Espace Social Télé-Service, Fédération des Services Sociaux, FIAN Belgium, KOM à la maison, Nourrir Bruxelles, Rencontre des Continents, Service Social de Cureghem et des citoyens engagés.