LES FRANCAIS PAS TRES EMABLLES PAR LES JO

J-100 pour Paris 2024 : les JO naviguent entre enthousiasme relatif et problème de sécurité

Premier porteur de la flamme, médaillé d'or olympique en aviron 2020, Ste-fanos Ntouskos (à droite) allume le flambeau tenu par la deuxième nageuse olympique française, Laure Manaudou (à gauche), alors qu'elle entame sa course avec la flamme olympique après la cérémonie d'allumage de la flamme de Paris 2024. AFP

La veille en matinée, le feu surgit à Olympie, sur le site d’Héra. La flamme, symbole des Jeux olympiques, fut allumée. Ce mercredi 17 avril, c’est J-100 pour Paris 2024 et ses Jeux olympiques et paralympiques. Le vendredi 26 juillet prochain, soit dans cent jours, c’est promis juré, Paris sera une fête. La fête du sport mondial, le rendez-vous de la paix comme l’avait voulu le baron Pierre de Coubertin qui avait lancé les Jeux modernes en 1896, sur le modèle des Jeux de la Grèce antique. Paris sera une fête, on y allumera le feu, du moins comme l’affirment tant le CIO (Comité international olympique) présidé par l’Allemand Thomas Bach que le président de la République Emmanuel Macron, le gouvernement avec la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra et le Cojop (Comité organisateur des Jeux olympiques et paralympiques) présidé par Tony Estanguet… Mais à 100 jours de l’évènement, les JO de Paris ne suscitent pas un enthousiasme délirant dans la population.

A cent jours de l’ouverture de Paris 2024, nombre d’engagements promis dans le dossier de candidature déposé en 2015 par la France présidée alors par François Hollande ont été tenus. Ce que ne manque pas de dire et de répéter Tony Estanguet, le maître d’œuvre de l’affaire, rappelant que ce rendez-vous parisien sera exemplaire sur le sujet de l’indice carbone (deux fois moindre que lors des précédents Jeux à Rio de Janeiro en 2016 et Tokyo en 2021).

L’organisation a tenu ses engagements

Tony Estanguet affirme que 95% des équipements étaient déjà existants ou seront éphémères et que seulement deux lieux ont été construits pour l’occasion : l’Adidas Arena (une salle de 8 000 places) et le Centre Aquatique Olympique (CAO) face au Stade de France. Que le Village des Athlètes, qui accueillera 14 000 personnes sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Île-Saint-Denis, a été achevé un mois avant la date prévue de fin des travaux, tout comme le Village des Médias (où sont attendus près de 15 000 journalistes).

Ces Jeux doivent redonner beaucoup de fierté aux Français, tant ils illustreront ce que nous sommes, ce qui nous singularise.

Que le budget est pour l’essentiel financé par des partenaires privés, ce qui, théoriquement, n’aura aucune conséquence sur les impôts des Français… Donc, à J-100 chez les officiels, on entretient l’optimisme, à l’exemple d’Emmanuel Macron, inaugurant le Grand Palais rénové à proximité des Champs-Elysées et où seront organisées les épreuves de taekwondo et d’escrime : « Ces Jeux doivent redonner beaucoup de fierté aux Français, tant ils illustreront ce que nous sommes, ce qui nous singularise, mais aussi ce dont nous sommes capables… La France est nation de bâtisseurs ». Et de Tony Estanguet : « Nous sommes prêts pour cette dernière ligne droite ; les temps de passage sont respectés ».

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Des ouvriers se tiennent à côté du chantier de construction du stade de la Tour Eiffel qui accueillera les compétitions de beach volley et de cécifoot masculin lors des prochains Jeux olympiques de Paris 2024, au jardin du Champ-de-Mars à Paris, le 16 avril 2024. (Photo par STRINGER / AFP)

Pas vraiment d’engouement dans la population

Toutefois, malgré ces bons points et l’optimisme chez les responsables pour ce troisième rendez-vous olympique à Paris après les éditions de 1896 et de 1924, l’adhésion des Français à cent jours de Paris 2024 est loin d’être une évidence. Ainsi, tout récemment, un sondage réalisé pour « La Tribune Dimanche » par Ipsos a révélé que 47% des Français sont confiants en la capacité du pays à organiser les Jeux olympiques, soit 8 points de moins que six mois plus tôt, en octobre 2023. Moins d’un Français sur deux donc, un chiffre que ne reconnaît pas Tony Estanguet : « Je suis régulièrement sur le terrain, et ce n’est pas ce que je perçois… mais il est de bon ton de pratiquer le ‘’bashing JO’’ ».

A ce peu d’enthousiasme, on peut trouver plusieurs raisons. Ainsi, le budget qui est passé de 6,7 milliards d’euros dans le dossier de candidature à 8,8 milliards d’euros. « Les Jeux coûtent en général deux fois plus cher qu’annoncé », commente d’un économiste du sport.

Je suis régulièrement sur le terrain, et ce n’est pas ce que je perçois… mais il est de bon ton de pratiquer le bashing JO.

Ainsi, le dossier de la sécurité et de la cérémonie d’ouverture avec la parade sur la Seine est soumis à des changements incessants. Certes, le contexte international (invasion de l’Ukraine par la Russie, attentat à Moscou, guerre entre Israël et le Hamas, menaces de l’Etat islamique sur, entre autres, la Ligue des Champions de football…) est extrêmement tendu, mais le ministère de l’Intérieur ne cesse de changer dans sa stratégie sécuritaire. Au point que, ce lundi 15 avril, le Président de la République lui-même a, pour la première fois, évoqué la possibilité de plans B ou C pour la cérémonie d’ouverture sur la Seine qui pourrait être déplacée au Trocadéro ou au Stade de France…

Protection particulière pour les Ukrainiens et les Israéliens

A J-100, toutes les délégations dont celle d’Israël ont fait savoir qu’elles participeraient à la cérémonie d’ouverture, mais au ministère de l’Intérieur, on confie que les délégations ukrainiennes, israéliennes et américaines bénéficieront d’une « protection particulière » pendant les Jeux. N’empêche ! à ce jour, le volet sécurité est loin d’être réglé puisque les sociétés privées qui viendront en soutien à la police et à la gendarmerie peinent à recruter. France Travail (ex-Pôle Emploi) en est même arrivé à contacter des chômeurs et des retraités pour intégrer, le temps des Jeux, les rangs des services de sécurité…

Il faut changer sa façon de voyager. Et la marche à pied n’a jamais fait de mal.

Autre point noir : le préavis de grève lancé par deux syndicats, FO (Force ouvrière) et la CGT (Confédération générale du travail), avec des mouvements entre les 15 avril et 15 septembre dans la fonction publique. On y ajoute le dossier des transports en Île-de-France, là où sera disputé l’essentiel des compétitions, alors que sont attendus pour ce rendez-vous olympique pas moins de 15 millions de touristes. Sur ce sujet des transports (train, métro, bus), c’est la région Île-de-France qui, avec IDFM (Île-de-France Mobilités), qui a la main sur le dossier. Or, tant la région francilienne qu’IDFM sont présidées par Valérie Pécresse, membre du groupe Les Républicains (LR), qui n’a jamais caché son peu d’estime tant pour le Président de la République, Emmanuel Macron que pour la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo.

Pour preuve, sa décision de jeter par-dessus bord l’engagement du dossier de candidature de Paris pour les transports gratuits durant la période des Jeux olympiques et paralympiques : en ce début d’année, Valérie Pécresse a gommé la gratuité des transports et, mieux, elle a doublé le prix du ticket de métro et du bus, en glissant ce message aux usagers : « Il faut changer sa façon de voyager. Et la marche à pied n’a jamais fait de mal »… Comme disait un chroniqueur télé : vive le sport !

Serge Bressan (correspondant à Paris)