Professionnels et bénévoles dans l’action sociale: une entente impossible?
Le 27 mars dernier, dans le cadre d’un projet européen, la Fondation Roi Baudouin organisait un webinaire pour présenter les résultats d’une enquête pionnière sur l’estimation quantitative du sans-abrisme en Belgique. Cette enquête, menée en collaboration par l’Université catholique de Louvain et sa consoeur flamande, offre une contribution de grande qualité à toute politique visant à renforcer la cohésion sociale, dont on sait à quel point elle est chancelante, chez nous comme ailleurs.
Lors du panel qui suivait cette présentation, un intervenant s’est félicité, avec raison, des progrès réalisés depuis une trentaine d’années en matière de professionnalisation du travail social. Sans nier l’ampleur des défis et des difficultés, il s’est vigoureusement inscrit en faux contre un défaitisme trop courant, soulignant que la pauvreté n’était pas une fatalité et qu’il était possible d’aider des personnes à se remettre debout. Il n’a toutefois pu s’empêcher de glisser, dans son intervention, des propos ironiques sur ces bénévoles « bien sympathiques qui donnent une petite soupe et une tartine aux SDF qui sont dans la rue. »
A Caritas Secours, ces propos nous ont attristés. Nous sommes convaincus de l’intérêt de professionnaliser le travail social. Nous sommes également conscients de la difficulté qu’éprouvent de nombreux professionnels à collaborer avec des bénévoles, qui font parfois preuve d’un manque de reconnaissance et d’intérêt pour la qualité de leur travail. Ces derniers apportent toutefois, eux aussi, une contribution essentielle.
La lutte contre la pauvreté n’est, en effet, pas la chasse gardée des professionnels du travail social.
Tout d’abord, parce que la pauvreté résulte largement de facteurs structurels dont, en particulier, l’effritement du lien social, bien mis en lumière durant le débat en question. Protéger et réparer ce lien social est l’affaire de tous. Lorsque des bénévoles s’engagent en consacrant aux autres, selon les mots de Jean-Jacques Goldman, du « temps, du talent et du cœur », ils méritent également reconnaissance et respect.
Comme l’analysait déjà Paul Ricoeur il y a plus de 60 ans, si nous avons besoin des solidarités « froides », et parfois très « longues », nous avons aussi besoin des solidarités chaudes, même si elles sont aussi, parfois, plus « courtes ».
Ce fossé d’incompréhension, voire même, parfois, de franche hostilité entre professionnels et bénévoles est non seulement pénible, spécialement pour ceux qu’il concerne directement. Il est, surtout, lourd de conséquences pour les personnes et les groupes que, professionnels ou bénévoles, nous avons l’ambition de servir.
Peter ANNEGARN
Président de Caritas Secours francophone