Iran : la guerre des loups fait rage après le décès du président Ebrahim Raïssi
Les rapports indiquent que l’hélicoptère transportant Ebrahim Raïssi, le président iranien disparu, s’est retrouvé piégé dans une masse nuageuse en montagne. Malgré les manoeuvres du commandant de l’hélicoptère, qui dirigeait également l’escadron, de monter en altitude pour échapper à la masse nuageuse et éviter une collision avec la montagne, il n’a pas réussi à s’élever et à sortir des nuages. Quelques secondes plus tard, l’hélicoptère s’est écrasé.
La situation actuelle du régime iranien ressemble étrangement à cet incident. Pour remplacer le président disparu, le Guide suprême iranien Ali Khamenei, peut avoir deux options :
Première option : Ali Khamenei pourrait continuer à purger le régime pour le consolider davantage avec des radicaux et résister aux vagues de soulèvements populaires. Les partisans de cette idée, comme le Guide suprême lui-même estiment qu’ils pourront ainsi mieux maintenir le régime des mollahs au pouvoir. Dans ce cas, il cherchera un Raïssi-bis pour exercer pleinement son hégémonie. C’est le postulat de toute dictature. Il pense qu’une scission au sommet du régime équivaut à un soulèvement à la base comme l’année 2008.
Même si après Ebrahim Raissi, l’équilibre du régime a été perturbé. Et comme à l’époque du Shah, lorsqu’il fut contraint de remplacer son Premier ministre après de treize ans, il ne parvint plus à maintenir l’équilibre antérieur, ce qui conduisit au renversement de son régime.
Et la deuxième : le Guide suprême envisagerait de remplacer Ebrahim Raïssi par une figure respectée sur la scène internationale, telle qu’Ali Larijani (il a présidé le Parlement pendant trois mandats consécutifs et a été vu aux côtés du Guide suprême de la révolution de l’Iran lors de la cérémonie commémorative de Raïssi). Ce dernier et bien d’autres au sein du régime pensent que pour maintenir ce régime au pouvoir, il est nécessaire d’interagir avec l’occident afin d’empêcher les soulèvements populaires. Le régime ne devrait pas être durs avec les gens sur la question du hijab etc., mais Les partisans de cette idée ne peuvent cependant pas répondre à la question de savoir comment renoncer à l’oppression du peuple même partielle, tout en préservant le Guide suprême qui est le pilier du soutien à ce régime.
Le paradoxe structurel de la République islamique
Le Guide suprême en Iran est le représentant de Dieu sur terre, et sa volonté prévaut sur celle du peuple. Cependant, le président, censé représenter un parti ou une classe sociale et, en théorie, exécuter la volonté du peuple, se retrouve, à chaque mandat, confronté à un paradoxe insoluble avec le Guide suprême. Aucun président n’a échappé à la disgrâce du Guide suprême, soit en étant écarté comme Rafsandjani, soit en étant constamment surveillé.
Ebrahim Raïssi était l’exception à cette règle car il exerçait totalement la volonté du guide suprême et était totalement soumis à Khamenei. Actuellement, les médias du régime mettent en avant la loyauté de Raïssi, particulièrement lors du massacre des prisonniers politiques de 1988, où des milliers de condamnations à mort ont été prononcées en deux mois, 90% des victimes étant des membres des Moudjahidines, ennemis jurés des mollahs. Pour sa détermination agressive à éliminer des opposant, le président disparu Ebrahim Raïssi était considéré comme le dignitaire le plus proche du guide suprême. On évoquait son nom pour succéder à Khamenei ou pour préparer la succession de Mojtaba, le fils de Khamenei. C’est pourquoi Khamenei considère sa mort comme une grande perte.
« La guerre des loups »
Depuis la disparition de Raïssi, une intense agitation règne au sein des différents clans proches de Khamenei. Officiellement, personne ne s’est encore porté candidat. Quelle que soit l’option que prendra Ali Khamenei, la « guerre des loups » s’intensifiera et le paradoxe structurel du régime s’accentuera. La présidence du Parlement est également en jeu, ce qui intensifiera encore cette lutte interne.
Ali Khamenei est confronté à une société où 95 % de la population souhaite un changement radical en Iran. Selon les statistiques du régime, lors du second tour des dernières élections législatives, seulement 7 % des électeurs éligibles ont voté à Téhéran, en tenant compte des diverses contraintes imposées.
Quatre étapes pour le renversement
Les sociologues iraniens s’accordent à dire que le régime a déjà franchi trois étapes cruciales vers sa chute : l’inefficacité, qui a conduit à des crises majeures de pauvreté, de famine, de destruction environnementale, de pénurie d’eau et de chômage ; l’illégitimité, illustrée par les massacres de manifestants en 2019 et 2022 et les exécutions quotidiennes ; et la chute psychologique, où les slogans des soulèvements de 2019 et 2022 proclamaient la fin de la dictature et de Khamenei. Des effigies et des statues de toutes les figures emblématiques du régime, y compris Ali Khamenei et Qassem Soleimani (Commandant le plus fort du CGRI tué par une frappe d’un drone américain en janvier 2020), ont été brûlées des milliers de fois à travers l’Iran ces dernières années. Il ne reste plus que la dernière étape qui est la chute matérielle et concrète.
Les jours du régime sont-ils comptés ?
À ce jour, plusieurs milliers d’unités de résistance ont émergé en Iran. Composées de membres de toutes les couches sociales et de toutes les confessions, ces unités sont formées par les habitants des mêmes villes ou villages, ce qui les rend très difficiles à identifier par les innombrables caméras de surveillance et les agents en civil.
Bien qu’elles défient constamment la mort, ce sont elles qui ont orchestré le boycott des élections de 2022. Lors du soulèvement de 2022, Khamenei a été confronté à une partie de leur pouvoir d’organisation populaire. C’est par peur de ces jeunes pousses de résistance disséminées à travers l’Iran qu’il a tenté de détourner l’attention en déclenchant la guerre de Gaza comme bouclier.
Khamenei est maintenant piégé dans une masse nuageuse, et il semble très improbable qu’il parvienne à s’en sortir cette fois-ci.
Hamid ENAYAT
Ecrivain
Politologue et expert de l’Iran basé à Paris