Me Titinga Pacéré, cofondateur d’Avocats sans forntières et ardent défenseur de la culture africaine, a tiré sa révérence
Avocat, homme de culture et de lettres, Me Frédéric Titinga Pacéré, le premier avocat burkinabé et premier bâtonnier de l’ordre, est décédé le 8 novembre 2024 à Ouagadougou, selon une note de l’ordre des avocats. Il était âgé de 81 ans. L’homme est un écrivain prolifique et a décroché plusieurs prix internationaux pour son œuvre. Ses obsèques se dérouleront dès ce mardi 12 novembre jusqu’au 14 novembre 2024 dans son village. L’homme de loi est aussi membre fondateur avec Me Mario Stasi (France) et des confrères belges, Xavier Magnée et Carl Bevernage, de l’OG internationale « Avocats sans frontières ».
Descendant du côté paternel des chefs traditionnels du pays Mossi et celui maternel des Gnun- Ossé, premiers habitants des terres Mossi, il est né en 1943 à Manega, une localité de la Province de l’Oubritenga dans la Région du Plateau-central. Après une partie de ses études effectuées en ex-Haute Volta (aujourd’hui Burkina Faso), il s’inscrit notamment en médecine, droit et lettres à l’Université Félix Houphouët-Boigny à Abidjan en Côte d’Ivoire, au Sénégal puis à Rennes en France. Frédéric Titinga Pacéré émis le vœu d’être avocat « pour défendre l’Afrique contre toutes les menaces possibles ».
Premier bâtonnier de l’ordre des avocats du Burkina Faso
Premier avocat du Burkina Faso, Me Frédéric Titinga Pacéré fut doyen de l’ordre des avocats de l’ex-Haute Volta de 1973 à 1992 dans le rôle de bâtonnier entre 1990-1992. Il s’est battu pour la justice et les droits de l’Homme. Egalement premier bâtonnier de l’ordre des avocats de son pays, il est membre fondateur avec Me Mario Stasi (France) et des confrères belges, Xavier Magnée et Carl Bevernage, d’« Avocats sans frontières » dont l’acte fondateur remonte au 24 janvier 1992 lors de la rentrée solennelle de la Conférence du jeune barreau de Bruxelles.
Les avocats sans frontières ne seront pas des gendarmes d’un monde sans loi, pour régir des hommes sans droits.
« L’avocat héros, n’a pas de frontières, il descend dans les fonds pour retrouver l’homme enfoui, oublié ; il va à l’absolu, la justice ou au minimum, pour l’homme, la dignité, le droit sur la terre et à un procès équitable. Les avocats sans frontières ne seront pas des gendarmes d’un monde sans loi, pour régir des hommes sans droits. (…). Ils seront l’espoir des pauvres sous baillons et sous chaînes, victimes des législations impossibles ou introuvables, prétextes de l’arbitraire, de salut à caractère général. Ils seront des chevaliers au service de la garantie du droit et des droits dans les menaces graves ou paralysées des forces internes de la défense ».
Ainsi s’était exprimé Me Pacéré avant la déclaration sous la forme de la Charte d’« Avocats sans frontières » signée solennellement par les bâtonniers de plusieurs barreaux du monde réunis sous les auspices de la Conférence internationale des barreaux de tradition juridique commune et de l’Union Internationale des Avocats.
Les racines africaines de l’ONG internationale
Me Pacéré, a toujours revendiqué les racines africaines de l’Organisation non gouvernementale (ONG) internationale, « Avocats sans frontières ». En 1993, il fut le porte-parole d’un collège de 25 avocats dans le procès pour crimes de sang à Bamako au Mali. Il a également officié comme avocat principal des Nations Unies au Tribunal pénal international (TPI) pour le Rwanda de 1998-2014, avocat principal pour la même juridiction à Arusha en Tanzanie et Expert indépendant de l’Onu sur les Droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC) entre 2004 et 2008…
Ardent défenseur de la culture africaine, Me Frédéric Titinga Pacéré était un homme de lettres et de culture avec « une plume engagée » internationalement reconnue. Auteur d’une kyrielle d’ouvrages et Grand Prix littéraire d’Afrique noire pour deux de ses travaux : Poèmes pour l’Angola (1982) et La poésie des griots (1982), il a reçu en 1991, la médaille d’honneur de l’Association des écrivains de Langue Française (ADELF).
Par l’immensité de son œuvre, il a non seulement contribué à l’édification du droit et de la justice dans notre pays et sur le continent.
Après avoir lancé le 15 juin 2019 l’« Appel de Manéga » destiné à restaurer la paix et la cohésion sociale, Me Frédéric Titinga Pacéré a été intronisé le 6 décembre suivant chef coutumier de Zitenga sous le nom de Naba Panantugri avec une autorité sur 28 villages.
Un écrivain prolifique
Auteur de nombreux écrits littéraires (Ça tire sous le Sahel, 1976), (Quand s’envolent les grues, couronnées 1976), (Le langage des tam-tams et des masques en Afrique, 1992) (Saglego, la poésie du tam-tam, 1994), mais aussi d’essais et témoignages (Problématique de l’aide aux pays sous-développés, 1976, Ainsi on a assassiné tous les Mossé, 1979) et d’ouvrages de sociologie et de droit (La famille voltaïque en crise, 1987), (L’avortement et la loi, 1983).
Me Frédéric Titinga Pacéré a porté la voix du Burkina Faso, mais aussi contribué à faire rayonner la poésie africaine sur la scène internationale
En dehors du Grand Prix littéraire d’Afrique Noire obtenu en 1982, il a obtenu le titre de docteur Honoris Causa de l’Académie des Arts, des Lettres et des Sciences du Languedoc et de membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer en 2009. Il est également récipiendaire du Grand Prix de la poésie Léopold Sédar Senghor 2013 et de nombreux titres honorifiques (Grand officier de l’Ordre national en 2015, Chevalier de la Légion d’honneur française en 2016). Me Frédéric Titinga Pacéré a, par ses écrits multiformes, « porté la voix du Burkina Faso, mais aussi contribué à faire rayonner la poésie africaine sur la scène internationale ».
« Par l’immensité de son œuvre, il a non seulement contribué à l’édification du droit et de la justice dans notre pays et sur le continent, mais aussi à l’enrichissement du patrimoine culturel national et à la reconnaissance des expressions artistiques africaines », ont indiqué les autorités du Burkina Faso pour saluer la mémoire de l’éminent avocat. Ses obsèques sont prévues du 12 au 14 novembre 2024 avec l’inhumation en toute intimité par les coutumiers à Manega.
Ekoué Satchivi