Fin du statut dans la fonction publique wallonne : dialogue de sourds entre la ministre Galant et les syndicats

Journaliste – Rédacteur en chef.
Les fonctionnaires wallons ont mené une journée d'actions ce jeudi 14 novembre 2024 à Namur pour protester contre la fin du statut décidée par le nouveau Gouvernement wallon. BELGA Parallèlement à la journée d’actions observée par les fonctionnaires wallons ce jeudi 14 novembre à l’appel de la CGSP, une réunion de concertation s’est déroulée dans l’après-midi entre les syndicats et la ministre de tutelle, Jacqueline Galant (MR). Alors que la ministre wallonne parle d’une rencontre qui s’est déroulée dans un « climat apaisé et constructif », les représentants des travailleurs parlent plutôt d’un dialogue de sourds durant la réunion. Stéphane Jaumonet, secrétaire fédéral de la CGSP accuse la ministre Galant de vouloir imposer une réforme, guidée par « un acte symbolique et idéologique. On a l’impression que la nouvelle majorité veut casser du fonctionnaire. D’ailleurs, la ministre Galant, qui était en mission commandée, a rejeté toutes nos propositions ». Les syndicats laissent encore 15 jours à Jacqueline Galant pour leur transmettre de nouvelles propositions, à défaut, ils menacent de durcir les actions. Que proposent les organisations syndicales ? Explications.
A l’appel de la CGSP, les fonctionnaires wallons ont mené, ce jeudi 14 novembre 2024, une journée d’actions à Namur au cours de laquelle ils ont réservé à la ministre de tutelle, Jacqueline Galant (MR), un accueil bruyant l’après-midi avant la rencontre avec les responsables syndicaux. Les manifestants étaient environ 200, place Joséphine Charlotte à Namur, mais « ils ne sont pas restés longtemps », nous a-t-on précisé.
Nous avons donné 15 jours à la ministre Galant pour qu’elle revienne vers nous avec de nouvelles propositions. A défaut, nous irons vers un durcissement des actions.
Jacqueline Galant dit avoir rassuré les agents…
En ce qui concerne la réunion avec la ministre wallonne de la Fonction publique, elle n’a débouché sur aucun résultat concret. A l’issue de la rencontre avec le comité de secteur 16 (CSVI), les appréciations des uns et des autres sont totalement contradictoires. Alors que la ministre Galant parle d’une réunion qui s’est déroulée dans un « climat apaisé et constructif », les syndicats opposent plutôt un « dialogue de sourds ».
Dans un communiqué publié à l’issue de la réunion, son cabinet indique que Jacqueline Galant a précisé ses objectifs, l’agenda des travaux et confirmé sa volonté de travailler dans le dialogue avec les représentants syndicaux.
J’ai toujours été très transparente dans ma volonté de réformer la fonction publique. Il s’agit de la rendre plus agile et plus performante afin de mieux valoriser l’ensemble des talents qui la compose ou qui pourraient la rejoindre.
D’après le cabinet de la ministre, l’ensemble des participants se seraient même accordés sur la nécessité de travailler ensemble à la construction d’un nouveau modèle de fonction publique. « J’ai toujours été très transparente dans ma volonté de réformer la fonction publique. Il s’agit de la rendre plus agile et plus performante afin de mieux valoriser l’ensemble des talents qui la composent ou qui pourraient la rejoindre. J’ai rassuré les représentations syndicales sur le fait qu’aucun droit ne sera retiré aux agents bénéficiant déjà du statut et sur le fait que tant que la réforme ne sera pas adoptée, les bases légales en vigueur seront appliquées. Je suis très heureuse de la manière dont s’est déroulée cette rencontre : dans le respect, l’écoute et le partage d’expérience. Nous sommes d’accord pour avancer en bonne intelligence vers un nouveau modèle de fonction publique », a commenté Jacqueline Galant, cité dans le communiqué.
Critiques du régime statutaire
La ministre Galant a confirmé aux responsables syndicaux sa volonté de concrétiser l’accord du Gouvernement wallon en ce qu’il met fin à la statutarisation des agents. « Aujourd’hui, le statut engendre de nombreux dysfonctionnements, outre sa lourdeur administrative qui empêche de valoriser les bons éléments ou de sanctionner rapidement ceux qui fautent, il empêche les talents contractuels d’atteindre des fonctions à responsabilité, car ils ne possèdent pas le statut. Il est tout à fait clair que nous voulons remédier à cela et éviter les injustices. Le SPW (administration wallonne, ndlr) doit se doter d’une politique de gestion des talents agile et attractive, ce que le statut empêche aujourd’hui », justifie la ministre Galant.
Je veux que les années d’ancienneté dans le secteur privé puissent être prises en compte lors des engagements.
D’après elle, la fin du statut permettra d’attirer des talents du privé au sein de l’administration publique wallonne, ce qui ne peut qu’être bénéfique. « Je veux que les années d’ancienneté dans le secteur privé puissent être prises en compte lors des engagements. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et qui nous empêche de recruter à l’extérieur. Je suis convaincue que le changement ne se fait pas contre le personnel du SPW mais avec lui. Conviction partagée par les interlocuteurs syndicaux. Je rappelle ma pleine disponibilité pour continuer à travailler dans le dialogue. Cette rencontre fût fructueuse et je compte bien continuer sur cette lancée positive », conclut-elle.
BELGA La ministre de la Fonction publique wallonne, Jacqueline Galant (MR) entend mettre fin au statut comme indiqué dans la Déclaration de politique régionale (DPR), mais le projet engendre un bras de fer avec les syndicats. (BELGA PHOTO BRUNO FAHY).
Rejet des propositions syndicales
Du côté syndical, le son de cloche est plutôt différent. « Il est vrai que l’ambiance était détendue, mais la ministre Galant a rejeté toutes les propositions que nous lui avons faites. Elle était en mission commandée et veut à tout prix mettre fin au statut. C’est un acte symbolique et idéologique comme si la nouvelle majorité (MR, Engagés) veut juste casser du fonctionnaire », rétorque Stéphane Jaumonet, secrétaire fédéral à la CGSP. Il rappelle que le système actuel (délégation de signature aux administrations garantie par le texte quater 119) a permis de faire passer sous statut 3.800 agents contractuels ces deux dernières années.
Il est vrai que l’ambiance était détendue, mais la ministre Galant a rejeté toutes les propositions que nous lui avons faites. Elle était en mission commandée et veut à tout prix mettre fin au statut.
Au chapitre des propositions, les syndicats suggèrent que les agents des OIP (Organisme d’intérêt public) soient statutarisés et transférés vers le SPW avant d’être détachés pour des missions dans les OIP (Forem, Aviq, Société wallonne du logement, Société wallonne des eaux/SWDE, Société wallonne du crédit social/SWCS, etc.). Une autre solution serait que le SPW absorbe les OIP. Les OIP représentent environ 7.500 agents dont près de 60% de statutaires, le SPW totalise environ 10.500 agents dont plus de 70% sont sous statut.
Durcissement des actions en vue
Les syndicats proposent aussi de garder les barèmes et de faire bénéficier les agents des OIP de la pension publique ou encore d’obtenir la liberté de négocier les salaires comme dans le privé. En ce qui concerne la création d’un deuxième pilier de pension envisagée par le nouveau Gouvernement wallon, elle pourrait ne pas tenir sur le plan juridique ou dépendrait plutôt du Fédéral. « Le conseil d’Etat s’est déjà penché sur la question et a conclu qu’il s’agit d’une matière fédérale », observe Stéphane Jaumonet.
Le conseil d’Etat s’est déjà penché sur la question et a conclu qu’il s’agit d’une matière fédérale.
Les deux parties se sont donc quittées jeudi en fin d’après-midi sans qu’aucun accord n’ait été conclu. Mais les syndicats n’ont pas dit leur dernier mot. « Nous avons donné 15 jours à la ministre Galant pour qu’elle revienne vers nous avec de nouvelles propositions. A défaut, nous irons vers un durcissement des actions », lance le responsable syndical de la CGSP.
