Société

L’archevêque de Canterbury démissionne pour avoir caché des violences sur mineurs


L’archevêque de Canterbury, Justin Welby, a annoncé sa démission sous la pression croissante liée à sa gestion controversée du scandale d’abus impliquant John Smyth. Ce scandale, mis en lumière dans un rapport accablant publié le 7 novembre 2024, il y a quelques jours, accuse l’Eglise d’avoir dissimulé les abus commis par le bénévole John Smyth, un avocat anglican, d’abord au Royaume-Uni à la fin des années 1970, puis à l’international, notamment au Zimbabwe et en Afrique du Sud. Environ 130 garçons seraient concernés. Le rapport indépendant dirigé par Keith Makin conclut que John Smyth aurait pu être poursuivi en justice si les autorités avaient été alertées à temps par l’archevêque.

Dans une déclaration publiée sur les réseaux sociaux, Justin Welby a indiqué : « Après avoir obtenu l’autorisation de Sa Majesté le Roi, j’ai pris la décision de démissionner de mes fonctions d’archevêque de Canterbury ».

Que s’est-il passé ?

Le rapport Makin a mis en lumière le silence complice concernant les abus commis par John Smyth, qui, durant les années 1970 et 1980, a abusé de manière sadique de jeunes garçons fréquentant des camps de vacances chrétiens évangéliques. Au cours de cinq décennies, le bénévole a soumis jusqu’à 130 victimes, tant au Royaume-Uni qu’en Afrique, à des violences physiques, sexuelles, psychologiques et spirituelles. Lorsque ces abus ont été découverts, John Smyth a été laissé libre de partir à l’étranger, où il a continué à agresser des victimes en toute impunité.

Après avoir obtenu l’autorisation de Sa Majesté le Roi, j’ai pris la décision de démissionner de mes fonctions d’archevêque de Canterbury.

Le rapport indique que l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, bien qu’ayant participé à ces camps dans les années 1970, a nié avoir eu connaissance des préoccupations concernant John Smyth. Cependant, il est jugé « peu probable » qu’il n’ait pas eu conscience, même partiellement, de la situation. L’enquête conclut que la dissimulation de ces abus par l’Eglise a duré trop longtemps, empêchant les victimes d’obtenir justice. Selon le rapport Makin, l’archevêque Justin Welby « aurait pu et dû » alerter la police sur les violences commises par l’avocat John Smyth dès 2013, lorsqu’il est devenu primat de l’Eglise anglicane.

L’enquête Makin : une critique accablante de l’Église

Le rapport, dirigé par Keith Makin, met en lumière l’étendue des abus commis par John Smyth, considéré comme l’agresseur en série le plus prolifique lié à l’Eglise d’Angleterre. Keith Makin dénonce l’inaction des autorités et l’inaudible complicité de l’Eglise, qui n’a pris aucune mesure adéquate pour protéger les victimes ou sanctionner les responsables. Si l’Eglise présente des excuses, la question de la responsabilité demeure, et des mesures sont désormais envisagées pour renforcer les procédures internes de protection.

John Smyth aurait soumis ses victimes à des attaques traumatisantes physiques, sexuelles, psychologiques et spirituelles. L’Iwerne Trust a mené sa propre enquête en 1982 et a révélé que John Smyth emmenait des élèves chez lui près de Winchester et effectuait des arrimages avec une canne de jardin dans son hangar.

Le rapport, dirigé par Keith Makin, met en lumière l’étendue des abus commis par John Smyth, considéré comme l’agresseur en série le plus prolifique lié à l’Eglise d’Angleterre.

Huit des garçons ont reçu un total de 14 000 coups de fouet, tandis que deux autres ont reçu, à eux deux, 8 000 coups sur trois ans. L’association caritative a qualifié cette pratique d’« horrible », mais les allégations n’ont été signalées à la police qu’en 2013, soit plus de 30 ans plus tard.

Pression croissante pour la démission de Welby

La démission de l’archevêque de Canterbury est intervenue mardi 12 novembre 2024 alors qu’une pression croissante se faisait sentir au sein de l’Eglise. Plusieurs membres du Synode général, organe législatif de l’Eglise anglicane, ont lancé une pétition demandant sa démission, arguant qu’il avait « perdu la confiance de son clergé ». En quelques jours, la pétition a récolté plus de 1 800 signatures, témoignant du mécontentement général.

Pour accentuer cette pression, Helen-Ann Hartley, évêque de Newcastle, a publiquement affirmé que la position de Justin Welby était devenue « insoutenable ». Dans une interview à la BBC, elle a souligné l’impact profond de cette crise sur l’institution et a jugé la situation ingérable.

Soulagement chez les pairs

A la suite de la publication du rapport Makin le 7 novembre 2024, Justin Welby a reconnu avoir réfléchi à sa démission « depuis assez longtemps ». Bien qu’il ait initialement résisté à cette idée, il a fini par annoncer sa démission après consultation de ses collègues. « Je suis soulagé, principalement pour les victimes, mais aussi pour l’institution elle-même », a déclaré l’ancien prêtre et évêque anglican, le Dr Gavin Ashenden. Selon lui, il est « inacceptable » que le rapport ait mis près de 10 ans à être produit.

Je suis soulagé, principalement pour les victimes, mais aussi pour l’institution elle-même.

La démission de Justin Welby, bien que tardive, marque un tournant pour l’Eglise d’Angleterre. Cette dernière se voit désormais dans l’obligation de faire face à ses responsabilités vis-à-vis des victimes et de repenser en profondeur ses protocoles internes. Cependant, une question demeure : l’Eglise pourra-t-elle un jour regagner la confiance de ceux qu’elle a trahis, et quel est avenir pour ses institutions si le silence continue de primer sur la vérité ?

De son côté, John Smyth est décédé en 2018 Afrique du Sud sans avoir été jugé.

Alexander Seale (à Londres)


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