Olivier De Wasseige (Les Engagés) lance l’idée d’un grenelle pour relancer l’industrie wallonne

Face au déclin de l’industrie wallonne, le député wallon Olivier De Wasseige plaide pour une plateforme de dialogue réunissant les différents acteurs du secteur et les différents ministres du gouvernement wallon afin de dégager rapidement des mesures de soutien. Il lance l’idée d’un Grenelle de l’industrie. Face aux charges qui handicapent l’industrie, notamment la hausse des prix de l’énergie, les lourdeurs administratives, les pénuries de métier ou encore la guerre commerciale avec les USA, l’ancien CEO de l’ex-Union wallonne des entreprises (UWE, aujourd’hui rebaptisée AKT suite au rapprochement avec les Chambres de commerce et d’industrie), suggère une sorte d’union sacrée transcendant les partis politiques. Il défend le principe des « Quick Wins » notamment en aidant les entreprises à entrer sur de nouveaux marchés ou encore dégager des incitants à la formation des métiers industriels. Olivier De Wasseige a déjà pris son bâton de pèlerin pour défricher le chantier. Il compte aussi impliquer le fédéral dans la réflexion et soutient que Bruxelles doit aussi y penser pour sauver son tissu industriel.
Pensez-vous que l’heure est grave pour l’industrie wallonne ?
Je pense que l’industrie wallonne est dans une situation vraiment difficile. La situation n’est déjà pas facile au niveau belge et européen, mais elle est préoccupante au niveau wallon et j’entends les cris d’alarme de tous les secteurs de l’industrie. Mon souhait est que les ministres du gouvernement wallon travaillent de manière transversale et pas uniquement sur l’axe économique. Il faut réagir très vite pour sauver l’industrie wallonne et empêcher qu’elle ne se délocalise ou qu’elle ne meurt. L’objectif est aussi d’éviter qu’il y ait de moins en moins de candidats qui se lancent dans l’industrie.
Comment voyez-vous cette collaboration transversale ?
Les difficultés auxquelles est confrontée l’industrie wallonne touchent toutes les compétences des ministres du gouvernement régional. On doit donc travailler ensemble. Le sujet touche certes les compétences du vice-président et ministre wallon, Pierre-Yves Jeholet (MR, Economie, Industrie, numérique, Emploi, Formation), mais il y a aussi celles de la Recherche chez le ministre-Président Adrien Dolimont (MR) et de la simplification administrative détenues par Jacqueline Galant (MR).
Les difficultés auxquelles est confrontée l’industrie wallonne touchent toutes les compétences des ministres du gouvernement régional.
La compétence de l’Environnement gérée par Yves Coppieters (Les Engagés) et celle liée à l’Aménagement du territoire et de la Mobilité qui relève de François Desquesnes (Les Engagés) ainsi que celle de l’Energie chez Cécile Neven sont aussi concernées par la démarche. Ces éléments confirme qu’il faut une stratégie pensée de manière transversale.

Olivier De Wasseige lance un appel à tous les niveaux de pouvoir pour sauver l’industrie wallonne. (Photo Philippe BOURGUET/LPost.be).
D’autres niveaux de pouvoirs ne sont-ils pas concernés ?
Bien sûr. Il est clair que la solution ne viendra pas uniquement du niveau wallon. La Fédération Wallonie-Bruxelles doit aussi apporter sa contribution eu égard à tout ce qui touche aux pénuries dans les métiers et donc à l’enseignement, à la réorientation, à l’alternance etc. qui relèvent de son domaine de compétence.
Mais il faut agir vite si on ne veut pas mettre encore plus en difficulté l’industrie qui est un secteur hyper structurant de l’économie.
Le fédéral aussi a sa part à faire dans cette démarche, car on doit travailler sur tous les handicaps de compétitivité. Sans oublier le niveau européen avec le « Gold plating » (ne pas laver plus blanc que blanc) notamment au niveau environnemental. Mais il faut agir vite si on ne veut pas mettre encore plus en difficulté l’industrie qui est un secteur hyper structurant de l’économie.
C’est donc un pilier de l’économie régionale qui a besoin de soutien…
Ça me paraît évident. Pourquoi est-ce que l’industrie est un secteur structurant de l’économie ? Un : elle est une énorme pourvoyeuse d’emplois pour le secteur des services. Sans industrie, pas de services, notamment tout ce qui concerne le catering, la comptabilité, le nettoyage, le gardiennage, etc. Ces secteurs auront moins de boulot s’il n’y a plus d’industrie. D’où un effet de levier important généré par l’industrie. On considère en général qu’un emploi dans l’industrie en crée au moins un en dehors, et ça c’est important. De la même façon qu’on dit toujours que les grandes entreprises créent des emplois dans les PME (sous-traitance, etc.), c’est vrai pour l’industrie.
On considère en général qu’un emploi dans l’industrie en crée au moins un en dehors, et ça c’est important.
Deux : l’industrie permet des gains de productivité qu’on ne trouve pas dans d’autres secteurs. Regardez par exemple la robotisation permet de faire. Il y a donc une création de valeur ajoutée, de la richesse pour la Wallonie qui permettent de financer les services publics. L’industrie engendre donc un cercle vertueux qu’il ne faut pas négliger.
Avez-vous un exemple ?
Je peux citer le secteur de la pharma. En Wallonie, il représente 11% de l’emploi de l’industrie manufacturière, mais apporte 31% de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière. Le troisième élément qui doit nous pousser à nous battre pour l’industrie est le fait qu’elle donne la possibilité d’engager des personnes de toutes qualifications. Elle offre des opportunités d’emploi pour les personnes moins qualifiées. Donc, moins on a de l’industrie, moins on a de possibilités pour les personnes qui n’ont pas eu un parcours scolaire optimal de trouver un emploi.

Olivier De Wasseige fustige le phénomène Nimby qui subsiste toujours dans les communes et handicape l’implantation d’entreprises.
Que préconisez-vous pour sauver l’industrie wallonne ?
Je constate que l’industrie wallonne perd du terrain en termes de valeur ajoutée et les indicateurs ne sont pas bons. C’est la raison pour laquelle je tire la sonnette d’alarme. Je pense donc qu’il faut organiser un Grenelle de l’industrie. J’ai récemment posé une question d’actualité au ministre Jeholet (Economie, Industrie, etc.), il m’a dit que la Déclaration de politique régionale (DPR) prévoit la mise en place d’une plateforme industrielle.
L’objectif est que dans les 3-4 mois qui viennent, on puisse arrêter, de manière transversale, des mesures rapides pour aider les entreprises.
Je n’ai aucun problème avec le terme utilisé pour initier la démarche du moment qu’on l’organise rapidement. D’ailleurs, c’est quoi la définition d’un Grenelle ? C’est un lieu de rencontre entre un pouvoir exécutif et les acteurs concernés, le monde industriel dans ce cas-ci. Nous devons nous mettre autour de la table pour dégager des Quick Wins. L’objectif est que dans les 3-4 mois qui viennent, on puisse arrêter, de manière transversale, des mesures rapides pour aider les entreprises.
C’est-à-dire…
Regardez par exemple les décisions du président Trump imposant des taxes qui vont limiter les exportations des entreprises wallonnes vers les Etats-Unis. Dans ce cas-ci, il faut aider les entreprises industrielles à conquérir de nouveaux marchés, notamment avec des aides financières spécifiques, un accompagnement adapté et des études de marché. Nous devons aussi lutter contre les pénuries de main-d’œuvre qui pénalisent fortement l’industrie.
Non seulement les ministres wallons doivent travailler de manière transversale, mais il faut aussi faire intervenir les autres niveaux de pouvoir.
Ici, on peut réfléchir à des incitants pour la formation aux métiers industriels ou encore prendre des actions fortes et rapides de sensibilisation des élèves en matière d’orientation. L’idéal serait de mettre ces actions de sensibilisation en place dès la rentrée de septembre 2025. Et comme je le disais, non seulement les ministres wallons doivent travailler de manière transversale, mais il faut aussi faire intervenir les autres niveaux de pouvoir (fédéral, Fédération Wallonie-Bruxelles, Europe).
Quels sont les autres thèmes qui seront abordés lors de ce Grenelle de l’industrie ?
Il y a toute la problématique du taux d’emploi et du taux d’activité en Wallonie. Nous devons absolument résoudre le problème des pièges à l’emploi, de salaire net poche, etc. pour inciter pousser les jeunes ou les moins jeunes à venir travailler. Il y a toujours ce paradoxe en Wallonie où nous avons 220.000 demandeurs d’emploi et 40.000 emplois vacants.
Il y a toujours ce paradoxe en Wallonie où nous avons 220.000 demandeurs d’emploi et 40.000 emplois vacants.
Par ailleurs, il y a 106 métiers en pénurie et 56 fonctions critiques qui ne trouvent pas des candidats. Il y a par exemple des postes d’opérateurs de production de matériaux, d’électromécaniciens de maintenance, de responsables de contrôle de qualité, de soudeurs, de conductrices ou de conducteurs d’équipement de conditionnement, etc. On doit absolument travailler sur les pénuries.

Pour Olivier De Wasseige, Bruxelles aussi doit réfléchir à des mesures pôur relancer son tissu industriel. (Photo Philippe BOURGUET/LPost.be).
Avez-vous déjà entamé les démarches pour l’organisation du Grenelle de l’industrie ?
Chez Les Engagés, j’ai déjà commencé des réunions en interne notamment avec mes collègues du fédéral et de l’Europe pour préparer ce grand rendez-vous que j’appelle de mes vœux. Il faudra aussi contacter les acteurs industriels. Je n’ai pas envie de précipiter les choses, parce qu’il faut le faire convenablement.
Si les ministres wallons ne veulent pas jouer le jeu et préfèrent continuer à travailler chacun dans son coin, ce serait dommage. Au moins, j’aurais essayé.
Il faut qu’il y ait une adhésion. Je n’ai pas la solution miracle non plus, mais il faudra que le gouvernement wallon ait la volonté d’avancer et me suive dans cette voie. Si les ministres ne veulent pas jouer le jeu et préfèrent continuer à travailler chacun dans son coin, ce serait dommage. Au moins, j’aurais essayé.
Pensez-vous que le monde industriel sera intéressé par votre initiative ?
Ce serait surprenant que le monde industriel ne soit intéressé par cet espace de dialogue que je propose. Tous les secteurs industriels sont en train de tirer la sonnette d’alarme, je ne fais qu’y répondre.
Le but n’est pas de faire un nouveau « Get up Wallonia » avec trois groupes de travail matamoresques cornaqués par des consultants en tous genres qui vont durer 6 mois.
Le but n’est pas de faire un nouveau « Get up Wallonia » (initiative lancée par le gouvernement précédent après la crise sanitaire du Covid-19 et qui a fait long feu, ndlr), avec trois groupes de travail matamoresques cornaqués par des consultants en tous genres qui vont durer 6 mois. Je préfère une organisation plus simple qui est un espace de dialogue d’où sortira rapidement des résultats et non commencer à demander 10 études, 50 études partout, à gauche à droite.
C’est donc une initiative des Engagés…
Oui, mais je souhaite qu’elle devienne une initiative de la majorité. Je suis ouvert à des discussions aussi avec les autres partis. S’ils sont prêts à soutenir des idées qui vont booster l’emploi wallon et l’industrie wallonne sans faire une opposition stérile, alors, ils sont les bienvenus.

Les zonings industriels seraient de moins en moins acceptés dans certaines communes wallonnes. (BELGA PHOTO JEAN-LUC FLEMAL).
Avez-vous pensé à Bruxelles ?
Oui. Le jour où il y aura un gouvernement bruxellois, il faudrait qu’il se pose la même question. A titre d’exemple, récemment, la FGTB bruxelloise estimait qu’il faut arrêter de reconvertir les friches industrielles en logement. J’ai toujours dit la même chose quand j’étais à l’UWE. Il faut arrêter d’aménager des endroits de balade avec de l’herbe et des fleurs. Je trouve très intéressant que la FGTB à Bruxelles dise la même chose.
S’ils sont prêts à soutenir des idées qui vont booster l’emploi wallon et l’industrie wallonne sans faire une opposition stérile, alors, ils sont les bienvenus.
Qu’attendez-vous du fédéral ?
Il ne faudrait pas qu’il attende 6 mois pour s’attaquer au problème du prix de l’énergie. On réclame depuis longtemps une norme énergétique. Il va falloir que le nouveau ministre de l’Energie (le libéral Mathieu Bihet, ndlr) aille vite sur ce sujet. Tant le monde industriel que les entreprises en général ainsi que les PME sont pénalisés par des tarifs de l’énergie très élevés.
Et le niveau communal ?
Je devrais pratiquement inclure aussi les communes, car elles sont le premier maillon pour l’industrie. Il y a encore le phénomène Nimby, il faut le stopper. Il y a 30-40 ans, un bourgmestre était super content d’avoir ce qu’on appelait un zoning industriel à l’époque dans sa commune. C’était une fierté. On se disputait pour en avoir un. Aujourd’hui, c’est la méfiance. Des bourgmestres invoquent la pollution ou des problèmes de bruit des camions pour refuser la délivrance des permis.
Il y a encore le phénomène Nimby, il faut le stopper. Il y a 30-40 ans, un bourgmestre était super content d’avoir ce qu’on appelait un zoning industriel à l’époque dans sa commune.
Sous la précédente législature, beaucoup de dossiers ont été recalés par des bourgmestres suite à des réclamations de 2 ou 3 riverains proches de parcs d’activité économique comme on les appelle plus intelligemment aujourd’hui. Il faut donc travailler avec les communes pour les conscientiser. Elles ont encore parfois trop tendance à croire qu’elles gagneront plus d’argent en accueillant des logements. Or, ce n’est pas vrai. C’est un mauvais calcul. Les citoyens déménagent dans une commune parce qu’ils ont leur boulot à proximité. Donc, en accueillant des entreprises, y compris de l’industrie, les communes réaliseront de meilleures affaires, car elles attireront de facto des habitants. Ainsi, elles gagneront en termes de précompte et d’additionnels à l’IPP (impôt sur les personnes physiques, ndlr).
Entretien : Philippe Lawson