Les hypermarchés Cora baissent définitivement pavillon et condamnent près de 2.000 emplois - L-Post
BAIN DE SANG SOCIAL DANS LA distribution

Les hypermarchés Cora baissent définitivement pavillon et condamnent près de 2.000 emplois

BELGA

Les dirigeants de l’enseigne Cora ont annoncé aux représentants des travailleurs la fermeture et la disparition des 7 hypermarchés en Belgique. L’annonce de l’intention de fermeture déclenche la procédure de la loi Renault dans la mesure où il est question d’un licenciement de près de 2.000 travailleurs. La direction avance plusieurs raisons pour justifier sa décision. Les syndicats se mobilisent notamment le Setca qui « demande à la direction de trouver des solutions pour autres que la fermeture ». L’équation est d’autant pour plus compliquée à résoudre que les propriétaires de l’enseigne Cora ont déjà trouvé une solution avec le groupe Mitiska Reim pour lui céder les galeries et les espaces des hypermarchés. Cora traînerait une perte cumulée de près de 180 millions d’euros. Propriétaire de Cora, le groupe Louis Delhaize avait déjà injecté 30 millions d’euros en 2024 et, selon des sources proches du dossier, il en faudrait encore 30 millions cette année… Les responsables politiques sortent du bois, mais n’est-il pas déjà trop tard ? Le ministre-Président wallon, Adrien Dolimont (MR) annonce une rencontre avec le patron de Cora ce mardi à 16h à Namur.

Redoutée depuis des mois, la fermeture des 7 hypermarchés Cora a été annoncée aux représentants des travailleurs ce mardi 8 avril lors d’un conseil d’entreprise extraordinaire. Cette mauvaise nouvelle n’est pas vraiment une surprise puisqu’elle courait depuis des mois, même dans le milieu syndical. Le couperet est donc tombé et le coup est dur pour les travailleurs. « La décision est d’autant plus difficile à encaisser qu’il y a des familles entières qui travaillent chez Cora. A Rocourt, il y a 250 travailleurs, sans compter les étudiants et les intérimaires chez Cora », nous a confié Patrick Masson, permanent syndical Setca à Liège.

Depuis plusieurs années, la grande distribution fait face à de nombreux défis et s’est heurtée à la montée en puissance de plusieurs phénomènes conjoncturels et structurels.

La direction de Cora avance diverses raisons pour justifier sa décision de fermeture des hypermarchés Cora. « Depuis plusieurs années, la grande distribution fait face à de nombreux défis et s’est heurtée à la montée en puissance de plusieurs phénomènes conjoncturels et structurels. Pour faire face à l’érosion du pouvoir d’achat, les consommateurs adoptent une approche plus vigilante en matière de dépenses et s’orientent vers des enseignes discount, en particulier dans le secteur non-alimentaire. La montée en puissance du commerce en ligne impacte également considérablement les parts de marché de la grande distribution, de même que les consommateurs sont aussi de plus en plus nombreux à se rendre dans des magasins de proximité et spécialisés. De plus, les magasins limitrophes sont plus attractifs pour les clients belges dès lors qu’ils vendent certains produits similaires à des prix 30 à 40% inférieurs à ceux pratiqués en Belgique. Ces évolutions amènent les clients à délaisser la formule du « tout sous le même toit » caractéristique de l’hypermarché », a-t-il précisé dans un communiqué.

En décidant de fermer les 7 hypermarchés, Cora condamne au moins 1.779 collaborateurs en direct. La fermeture des magasins est attendue pour au plus tard fin 2025.

Situation financière précaire de Cora

La situation financière est loin d’être florissante. Selon nos informations, l’enseigne, propriété du groupe Louis Delhaize (à ne pas confondre avec Delhaize, propriété d’Ahold), traînerait une perte cumulée de 180 millions d’euros. Il avait injecté 30 millions dans Cora en 2024 pour lui permettre de tenir et, selon des sources proches du dossier, il en faudrait encore 30 millions cette année. Les actionnaires ont donc pris la décision de fermer le robinet.

Malgré tous les efforts consentis par les équipes et les actions menées pour redresser la situation, les résultats s’avèrent très insuffisants dans un contexte de crise majeure du secteur de la distribution en Belgique.

« Malgré tous les efforts consentis par les équipes et les actions menées pour redresser la situation, les résultats s’avèrent très insuffisants dans un contexte de crise majeure du secteur de la distribution en Belgique. Les projections économiques futures montrent, par ailleurs, qu’un redressement à court et moyen terme n’est plus possible. Cette situation n’étant plus viable à long terme, la Direction a exploré plusieurs options dont la réalisation de nouveaux plans de relance, l’adaptation de son organisation de travail ou la révision du format de magasins. Toutefois, aucune de ces options n’apporte de solution durable pour Cora », précise la direction.

Elle dit avoir aussi explorer l’alternative d’une « cession des 7 hypermarchés à un ou plusieurs repreneurs de la grande distribution a également été étudiée mais aucun d’entre eux ne s’est montré intéressé par une reprise d’hypermarchés intégrés dans les conditions actuelles de marchés ».

Le Setca rejette la fermeture pure et simple

Du côté syndical, la mobilisation est forte. « Le Setca demande à la direction de trouver des solutions autres que la fermeture. Le Setca demande également aux politiques de prévoir des solutions de départs adoucies si celle-ci devait être confirmée. Selon les informations reçues, les fermetures des magasins seraient échelonnées dans le temps. Tel l’orchestre du Titanic, les travailleurs resteront donc sur le pont jusqu’à la fin du naufrage social. Le Setca sera à leurs côtés pour les soutenir et se battra jusqu’au bout afin de trouver les solutions les moins préjudiciables possible », indique Myriam Delmée, présidente du Setca dans un communiqué.

Le Setca demande à la direction de trouver des solutions autres que la fermeture. Le Setca demande également aux politiques de prévoir des solutions de départs adoucies si celle-ci devait être confirmée.

Elle précise que « que la moitié des travailleurs Cora a plus de 20 ans d’ancienneté et que 61% d’entre eux sont âgés de plus de 45 ans. A nouveau, ce sont aussi des familles complètes qui travaillent chez Cora et donc le drame de la perte d’emploi sera souvent multiplié par deux ou par trois. Nous ne tolérons pas et n’accepterons jamais que ces travailleurs, dans deux ans, aillent vers les CPAS ».

Myriam Delmée rappelle que malgré le contexte difficile, les travailleurs de Cora n’ont jamais démérité. « Ils se sont toujours adaptés entre flexibilité, polyvalence et précarité des contrats. Toutes les formules ont été essayées pour sauvegarder l’emploi », rappelle-t-elle.

Mobilisation politique

Au niveau politique, les réactions fusent. « L’annonce de Cora Belgique est un coup dur pour les 2000 travailleuses et travailleurs concernés. Nous exprimons tout notre soutien au personnel impacté par cette très mauvaise nouvelle ainsi qu’à leur famille. Les gouvernements doivent se mobiliser pour garantir un accompagnement social fort. Nous devons aussi renforcer la résilience du commerce de détail face aux mutations profondes du secteur et trouver rapidement des solutions pérennes pour les travailleurs et éviter la création de chancres économiques. Je rencontrerai les différents acteurs dans les plus brefs délais », a indiqué sur X (ex-Twitter), Yvan Verougstraete, président par intérim (et futur président effectif) des Engagés.

Les gouvernements doivent se mobiliser pour garantir un accompagnement social fort. Nous devons aussi renforcer la résilience du commerce de détail face aux mutations profondes du secteur.

Le ministre-Président wallon, Adrien Dolimont (MR) annonce une rencontre avec le CEO de Cora, en présence des vice-Présidents François Desquesnes (Les Engagés), et Pierre-Yves Jeholet (MR).

Les actifs immobiliers de Cora vendus à Mitiska Reim

Pour les solutions, elles viendront d’ailleurs car pour Cora, il n’y a plus d’alternative. En effet, l’actionnaire de Cora et de la société Galimmo (qui possède les galeries attenantes aux hypermarchés Cora et gère les centres commerciaux) va céder les galeries et les espaces Cora (actifs immobiliers) à Mitiska Reim.

Le projet de l’acquéreur est de rénover les espaces actuellement occupés par Cora et de les subdiviser en unités plus petites afin de les louer. Il permettra aux centres commerciaux de poursuivre leurs activités et de préserver l’emploi direct et indirect des zones de chalandise. « Cette opération est aussi indispensable pour permettre le financement des obligations sociales et diverses liées à la potentielle transformation envisagée », conclut la direction de Cora.