NOUVELLE DECISION DE JUSTICE SUR LE TARMAC DE BRUSSELS AIRPORT

Bruit des avions à Brussels Airport : la justice flamande condamne l’Etat belge à réviser les routes aériennes dans les 2 ans

Arnaud Feist est le CEO de Brussels Airport Company, la société de gestion de l'aéroport de Bruxelles-National. BELGA

La chambre flamande de la Cour d’appel inflige un revers à l’Etat belge dans un arrêt où celui-ci n’était pas partie à la cause. Saisie en appel par les 5 bourgmestres du Noordrand, elle observe que la décision relative aux trajectoires de vol pour la période 2012-2014 n’avait pas été prise avec soin et que les trajectoires de vol existantes « ont entraîné une dispersion de la pollution sonore qui a causé une atteinte à la santé publique à un degré significativement plus grave que ce qui est réellement possible ». D’après les magistrats de la Cour d’appel, « les intérêts de la santé publique n’ont pas été correctement pris en compte, étudiés et pesés avec suffisamment de poids ». Elle condamne donc l’Etat belge à réviser les routes aériennes endéans les 2 ans. Mais elle n’impose pas d’astreintes.

Curieusement sans que certaines parties à la cause n’aient eu connaissance de l’arrêt, les 5 bourgmestres du Noordrand (Meise, Grimbergen, Machelen, Vilvorde et Wemmel) crient victoire en prétendant que la chambre flamande de la Cour d’appel leur a donné raison dans sa décision du 14 avril 2025 et imposerait plus de dispersion des vols d’avions opérant à Brussels Airport.

Un dossier qui remonte à mai 2018

Petit rappel des faits : le 30 mai 2018, un juge flamand du tribunal de première instance de Bruxelles ordonne la suspension de 5 mesures prises entre 2012 et 2014 : le non-survol du domaine royal de Laeken, les décollages de la piste 19 vers le Nord, la route de décollage vers Louvain, l’interdiction des raccourcis sur la piste 01 (piste 19 dans le sens inverse) et la route du Ring.

L’Etat belge n’est pas allé en appel de cette cessation environnementale, mais bien les communes de Crainhem et de Wezembeek-Oppem qui s’estimaient lésées.

L’Etat belge n’est pas allé en appel de cette cessation environnementale, mais bien les communes de Crainhem et de Wezembeek-Oppem qui s’estimaient lésées. Or, le juge a en effet été induit en erreur, car les décollages de la piste 19 et les raccourcis au départ de la 01 ne concernent pas le Noordrand et sont des mesures prises avant 2012. De plus, les 5 communes flamandes défendues curieusement par l’ancien ministre fédéral, Johan Vande Lanotte (Vooruit) ne démontrent pas un accroissement des nuisances depuis 2014.

Dans son arrêt du 14 avril dernier, la Cour d’appel observe que la décision relative aux trajectoires de vol pour la période 2012-2014 n’avait pas été prise avec soin et que les trajectoires de vol existantes « ont entraîné une dispersion de la pollution sonore qui a causé une atteinte à la santé publique à un degré significativement plus grave que ce qui est réellement possible ».

Une critique des juges francophones 

La chambre flamande de la cour d’appel a estimé que « les intérêts de la santé publique n’ont pas été correctement pris en compte, étudiés et pesés avec suffisamment de poids (…). Une telle approche conduit, sans le moindre doute, à un résultat qui pèse plus que nécessaire sur la santé publique ou à des atteintes inégales à l’environnement qui ne sont pas raisonnablement justifiées ».

Les intérêts de la santé publique n’ont pas été correctement pris en compte, étudiés et pesés avec suffisamment de poids.

L’Etat belge est donc condamné à revoir les procédures de vol dans les 2 ans, mais sans aucune astreinte toutefois.

L’arrêt de la Cour d’appel semble fort politique, puisque les juges flamands égratignent leurs homologues francophones qui auraient, selon eux, prononcé des jugements aléatoires sur des points précis comme les atterrissages sur la piste diagonale 01 ou les normes de vent, sans prendre le problème dans son ensemble.

Les pistes parallèles 07 et la piste 01 de l'aéroport de Bruxelles-National.

Par ailleurs, les juges flamands font également le reproche que les instructions ministérielles seraient trop techniques et trop détaillées, par conséquent, personne, sauf des experts aéronautiques, ne peut les comprendre. « C’est curieux, car quand ces instructions sont trop courtes et sans explications, ces mêmes juges les suspendent ou les annulent », analyse une source qui connaît bien le dossier.

Le Noordrand crie victoire, et ses bourgmestres exigent plus de dispersion des 4 trajectoires de décollages qui les survolent. Pourtant à bien lire l’arrêt, l’énoncé du juge est tout à fait différent. Il est clairement jugé que la dispersion a entraîné plus de pollution sonore, et pèse plus sur la santé publique en provoquant des atteintes inégales à l’environnement.

La dispersion des vols retoquée par les juges francophones

Si comme le prétendent les 5 bourgmestres (ce qui n’est pas du tout notre lecture dans l’état actuel des choses), le juge ordonnait un principe de dispersion, on se retrouverait face à un dilemme : un juge peut interdire, mais il ne peut pas imposer la voie à suivre. Si le juge impose réellement plus de dispersion des trajectoires des avions, il enfreindrait le principe élémentaire du pouvoir discrétionnaire de l’Etat belge dans sa manière d’organiser les vols à l’aéroport de Bruxelles-National.

De plus, si le juge flamand avait confirmé la dispersion dans l’arrêt du 14 avril (il est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation), il se heurterait aussi à deux autres décisions de justice exécutoires qui ne sont plus susceptibles d’être réformées et qui … interdisent toute forme de dispersion.

Les décisions de justice francophones constatent que l’activation sans réel motif d’autres pistes aéroportuaires que les pistes principales sans mesures d’accompagnement préalable est un principe fautif au sens de l’ancien article 1382 du Code civil.

Certes il s’agit de jugements francophones, du tribunal de première instance et de la Cour d’appel, mais l’Etat belge n’est pas allé en appel non plus. Ces décisions de justice francophones constatent que l’activation sans réel motif d’autres pistes aéroportuaires que les pistes principales sans mesures d’accompagnement préalable est un principe fautif au sens de l’ancien article 1382 du Code civil. L’Etat a d’ailleurs fortement indemnisé les riverains à cet effet.

Donc la chambre francophone de la Cour d’appel estime qu’une dispersion sans mesures préalables d’accompagnement (isolation, expropriation) est un principe fautif. Dans un Etat de droit, les gouvernants ne peuvent pas gérer les décisions de l’Etat en maintenant une faute. On ne peut pas gouverner fautivement.

BELGA

D’après des observateurs, il faut mettre la pression sur les transporteurs cargo pour qu’ils renouvellent leurs flottes d’avions. (BELGA PHOTO HATIM KAGHAT).

S’attaquer au vrai problème du bruit des avions de Brussels Airport

Mais la vraie solution n’est pas de jouer au yo-yo avec les procédures de vol, mais bien de s’attaquer à la source du problème : le bruit des avions. Dans sa note de politique générale qui sera débattue la semaine prochaine, le ministre Fédéral de la Mobilité Crucke (Les Engagés) l’a bien compris : il faut revoir les niveaux de bruit individuels des avions à la baisse, étendre la durée de la nuit et surtout s’attaquer à éliminer de nuit tous les avions anciens et bruyants.

La solution est donc d’abord de maîtriser le bruit et les nuisances par de sévères restrictions opérationnelles aux avions lourds, anciens et bruyants des compagnies cargo et de fret express.

On a bien imposé un renouvellement du parc automobile belge avec l’introduction de la LEZ dans certaines villes, mais contrairement à ce que prétend l’aéroport, les avions cargos qui volent la nuit sont en majorité produits avant l’an 2000 (soit 70%). Un avion de vieux de plus de 42 ans a même opéré en 2024à Bruxelles-National.

La solution est donc d’abord de maîtriser le bruit et les nuisances par de sévères restrictions opérationnelles aux avions lourds, anciens et bruyants des compagnies cargo et de fret express. Car les compagnies de transport de passagers belges ont déjà fait cet effort de rajeunissement de leur flotte. Toutes les compagnies savent depuis 2009 qu’elles doivent renouveler leur flotte, les passagers l’ont fait, les compagnies cargo qui desservent Bruxelles-National n’ont strictement rien fait depuis 2009…

Ph. Law.