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« Frontnacht » ou le refus de l’évolution normale de notre société : sanctionner et sensibiliser

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La mobilisation des uns et des autres a finalement eu raison du festival d’extrême droite Frontnacht », prévu le samedi 27 août prochain à Ypres. Il s’annonçait comme le prélude aux manifestations nationalistes flamandes de la « Veillée de l’Yser ». Celle-ci est une dissidence du « pèlerinage de l’Yser », le rassemblement organisé en mémoire des soldats belges tués au front pendant la Première Guerre mondiale.

L’annulation du festival est une décision à saluer, car l’événement allait donner lieu à un rassemblement de groupes, en provenance d’Italie, d’Allemagne, de Pays-Bas et même flamands qui se revendiquent ouvertement de l’extrême droite radicale avec tout ce que cela comporte comme refus et rejet de la différence, de la diversité et de la mixité des peuples. Il a fallu attendre l’indignation du musicologue Thorsten Hindrichs à l’Université de Mayence, chez nos confrères du Standaard pour réveiller les consciences, notamment celles des autorités communales qui avaient pourtant autorisé l’organisation du festival. Le musicologue s’étonnait du fait qu’on ait autorisé un événement où défileront sur scène des chanteurs et des groupes néonazis et néofascistes comme l’italien Bronson, l’allemand Sacha Korn et d’autres encore. Ce qui lui a fait dire qu’il déconseillait « aux personnes de couleur ou aux personnes LGBTQ par exemple de s’approcher d’Ypres ce week-end-là ».

Comment peut-on accepter qu’au 21ème siècle des groupes ou des individus se revendiquent ou propagent ouvertement des idées nazies et fascistes sans être inquiétés par la justice?

L’annulation du festival est une bonne chose, mais elle ne suffit pas. Car la première question à se poser est de savoir pourquoi les autorités communales avaient-elles autorisé un tel festival ? N’auraient-elles pas dû demander et attendre un rapport de police ou l’avis de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (Ocam) avant de se prononcer sur l’organisation d’un tel spectacle. L’annulation arrive d’ailleurs un peu tard, car les groupes néonazis et néofascistes qui devaient se produire à « Frontnacht » ont en partie atteint leur objectif. Ils ont eu la publicité qu’ils voulaient. Mais cet épisode suscite la peur et l’indignation. Comment peut-on accepter qu’au 21ème siècle des groupes ou des individus se revendiquent ou propagent ouvertement des idées nazies et fascistes sans être inquiétés, alors que de tels propos sont punis par la loi ? Or ces idées peuvent donner lieu à des actions violentes. Les parents d’enfants nés de métissages doivent-ils désormais avoir peur chaque fois que leurs progénitures mettent un pied dehors en se demandant si ces racistes ou xénophobes ne vont pas s’en prendre à elles parce qu’elles sont différentes ? Les personnes LGBTQ doivent-elles se sentir menacées et se dire qu’il y a des endroits de la Belgique qui leur sont interdits ?

La lutte contre le racisme, la xénophobie, l’homophobie et l’antisémitisme doit faire partie des priorités des gouvernants.

La lutte contre le racisme, la xénophobie, l’homophobie et l’antisémitisme doit faire partie des priorités des gouvernants. Les cours et tribunaux doivent sanctionner ces actes et propos faisant l’apologie de ces idées. Mais il faut aussi investir dans la sensibilisation pour changer les mentalités. Car qu’on le veuille ou non, notre société évolue et le métissage s’inscrit dans son évolution normale. Au-delà de se mettre hors-la loi, les groupes ou les individus prônant ouvertement des idées racistes et xénophobes veulent tout simplement s’opposer à cette marche inexorable de la société vers davantage de mixité et de métissage.

Mais la lutte doit dépasser les frontières nationales et s’étendre au niveau européen. Il n’est pas normal qu’un pays comme la Hongrie dirigé par un Premier ministre Viktor Orban ouvertement raciste continue à profiter de la manne européenne comme si de rien n’était. De tels dirigeants propagent des idées de haine et de rejet de l’autre et font des émules. La preuve aujourd’hui, c’est la dirigeante, Giorgia Meloni et son parti d’extrême droite, Frères d’Italie, qui caracolent en tête des sondages pour les élections anticipées du 25 septembre prochain. Or, elle est réputée pour ses saillies xénophobes, homophobes, etc.