EDITO

Visite du maire de Téhéran à Bruxelles : une faute qui brouille l’engagement de la Belgique

Le candidat présidentiel iranien Alireza Zakani prend la parole lors d'une conférence de presse à l'agence de presse Mehr dans la capitale Téhéran, le 29 mai 2021. AFP

La présence d’Alireza Zakani, maire de Téhéran à Bruxelles ces derniers jours suscite, à juste titre, incompréhension, révolte et colère. Comment peut-on expliquer que la Belgique ait déployé de nombreux efforts pour sortir notre compatriote Olivier Vandecasteele des geôles d’Iran, où il était incarcéré dans des conditions insoutenables pendant 455 jours, pour le ramener auprès des siens et ensuite découvrir que des autorités du pays ont invité un dignitaire du régime des Mollahs à Bruxelles ? L’action de la Belgique a également permis d’obtenir la libération de trois autres détenus européens dont deux prisonniers ayant la double nationalité autrichienne et iranienne et un Danois, renforçant au passage son crédit sur la scène internationale.

C’est tout ce bénéfice diplomatique que vient ruiner la présence controversée du maire de Téhéran à Bruxelles, arrivé sur invitation du secrétaire d’Etat bruxellois, Pascal Smet (Vooruit). Ce dernier a bravé l’avis négatif du ministère des Affaires étrangères pour faire venir dans la capitale européenne un haut dignitaire d’un pays, l’Iran, qui pratique la politique des otages, mène une répression sanglante et aveugle contre son peuple qui demande plus de liberté. La seule justification avancée est qu’il était invité pour participer au « Brussels Urban Summit » et au congrès mondial de l’association Metropolis (elle regroupe des villes de plus d’un million d’habitants). Cette justification ne résiste pas à l’analyse des éléments du dossier au regard de la politique de violation des droits humains en Iran et du pédigrée de l’intéressé. Alireza Zakani est un membre du Corps des Gardiens de la Révolution islamique. Pire encore,  il a dirigé en 1999 la section des étudiants du Basij, la « réserve opérationnelle » des Gardiens de la Révolution qui sont une organisation paramilitaire dépendant directement du chef de l’Etat iranien. Le Basij aurait participé à la répression meurtrière d’une révolte estudiantine à Téhéran en 1999. Les Gardiens sont d’ailleurs inscrits sur la liste des organisations considérées comme terroristes par les USA. Et même s’il ne faut pas suivre aveuglément les autorités américaines dans leurs décisions, le Parlement européen a demandé en janvier au Conseil de l’Union européenne d’inscrire le Corps des Gardiens et le Basij sur la liste des organisations terroristes. Alireza Zakani a été candidat à l’élection présidentielle de 2021 en Iran.

L’incident doit ouvrir la voie à une réflexion chez les autorités belges pour que les avis négatifs des Affaires étrangères soient, dans certains cas, contraignants.

Aujourd’hui, c’est cet homme que les autorités bruxelloises invitent dans la capitale européenne et qui est reçu à l’Hôtel de Ville de Bruxelles où il a d’ailleurs pris la parole. Quel message la Belgique envoie-t-elle aux démocrates iraniens et à leurs soutiens de par le monde ? Et ce, alors que d’autres otages européens ou bi-nationaux sont toujours détenus en Iran et que le pays continue sa politique de violation des droits humains et de torture. S’il a vraiment ignoré l’avis négatif des Affaires étrangères belges, le secrétaire d’Etat Pascal Smet a commis une faute ou, à tout le moins, une maladresse qui appelle au minimum des excuses. Mais cet incident doit ouvrir la voie à une réflexion chez nos différentes autorités pour que les avis négatifs des Affaires étrangères soient, dans certains cas, quand l’intérêt supérieur du Royaume est en cause, contraignants pour éviter la cacophonie observée autour de la présence d’Alireza Zakani à Bruxelles et où chacun se renvoie la balle.