LIBERTE DE LA PRESSE EN DANGER

Anani Sossou, un journaliste de L-Post, emprisonné au Togo suite à la plainte d’un ministre

Notre collègue Anani Sossou est incarcéré à la prison civile de Lomé suite à la plainte d'un ministre pour diffamation et incitation à la révolte. D.R.

Anani Sossou et Loïc Lawson, directeur de publication du journal « Le Flambeau des démocrates » sont incarcérés depuis le 15 novembre à la prison civile de Lomé (Togo) pour avoir relayé sur les réseaux sociaux l’information relative au cambriolage et le vol d’un montant de 400 millions de francs CFA (plus de 600.000 euros) au domicile du ministre de l’Urbanisme et de la Réforme foncière, Kodjo Adedze. Ce dernier, également ministre d’Etat, avait lui-même déclaré le cambriolage à la police, mais sans que le montant dérobé soit dévoilé. Il a porté plainte contre les deux journalistes qui sont poursuivis pour diffamation, atteinte à l’honneur et incitation à la révolte. Les deux journalistes ont reconnu que le montant qu’ils ont annoncé était surestimé, mais visiblement les millions dérobés chez le ministre suscitent des interrogations dans la population et fait mauvais genre dans un pays où les conditions de vie sont difficiles. Reporters sans frontières (RSF) demande la libération des deux journalistes. Anani Sossou a étudié à l’Ihecs (à Bruxelles) et a notamment travaillé à la Stib.

La main lourde des autorités togolaises vient de s’abattre sur deux journalistes dont l’un est un collaborateur de votre pure player, L-Post. En effet, Anani Sossou, qui collabore avec nous, et Loïc Lawson, directeur de publication du journal « Le Flambeau des démocrates », croupissent, depuis une semaine, à la prison civile de Lomé. Ils sont poursuivis pour « diffamation, atteinte à l’honneur et incitation à la révolte » à la suite d’une plainte du ministre du Commerce et de l’industrie, Kodjo Adedze.

La détention de ces deux journalistes depuis une semaine pour des publications sur les réseaux sociaux est en tout point abusive.

Publication d’une information sur les réseaux sociaux

Loïc Lawson a publié sur le réseau social X (ex-Twitter) l’information relative au cambriolage dont a été victime le ministre Adedze, également ministre d’Etat, en précisant que les voleurs ont dérobé chez l’ancien directeur général des douanes un montant de près de 400 millions de francs CFA, soit plus de 600.000 euros. Anani Sossou a également relayé l’information sur sa page Facebook en s’interrogeant sur la provenance de l’argent. Pour rappel, notre collègue Anani a fait ses études à l’Ihecs (Bruxelles) et a notamment travaillé à la Stib.

C’est Kodzo Adedze, ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, lui-même, qui a signalé le cambriolage dont il a été victime à la police, mais le montant dérobé n’a pas été dévoilé. Mais les deux journalistes ont révélé ce montant, tout en précisant, par la suite que le chiffre qu’ils avaient communiqué était surestimé. N’empêche que l’affaire fait grand bruit dans le pays, principalement dans la capitale Lomé, la population se demandant comment un ministre en fonction peut détenir un montant aussi élevé à son domicile. L’information égratigne d’autant plus l’image des dirigeants togolais que le pays figure sur la liste des Etats les moins avancés depuis 1980 et qu’une grande partie de sa population évolue dans des conditions de vie difficiles.

RSF appelle les autorités à libérer immédiatement Loïc Lawson et Anani Sossou. La répression contre les professionnels des médias doit cesser.

Détention abusive des journalistes

Convoqués le 13 novembre pour interrogatoire à la Brigade de recherches et d’investigation (BRI), les deux journalistes ont été incarcérés plus tard à la prison civile de Lomé. « La détention de ces deux journalistes depuis une semaine pour des publications sur les réseaux sociaux est en tout point abusive. Les délits de presse comme la diffamation ne devraient jamais être passibles d’emprisonnement. Outre cette accusation de diffamation, le recours à celle de l’incitation à la révolte est gravement disproportionné. RSF appelle les autorités à libérer immédiatement Loïc Lawson et Anani Sossou. La répression contre les professionnels des médias doit cesser », a déclaré Sadibou Marong, directeur du bureau de Reporters sans frontières (RSF) en Afrique subsaharienne.

Au Togo, les réseaux sociaux sont exclus du champ d’application de la loi relative au code de la presse. Par conséquent, en cas de poursuite pour des publications sur les réseaux sociaux, c’est le code pénal qui est appliqué aux auteurs des publications litigieuses avec à la clé des détentions préventives et des peines sévères en cas de condamnation par la justice.

Journalistes espionnés par Pegasus

L’organisation rappelle que les journalistes et les organes de presse critiques à l’égard du pouvoir togolais font régulièrement l’objet de poursuite de la part des autorités. Et de citer l’exemple du journaliste Ferdinand Ayité et d’Isidore Kouwonou, respectivement directeur de la publication et rédacteur en chef du média numérique L’Alternative. Ils avaient été obligés de quitter le pays en mars 2023 après avoir été arrêtés et intimidés par les autorités. Ils ont été condamnés par contumace à 3 ans de prison ferme pour « outrage à l’autorité » et « propagation de propos mensongers sur les réseaux sociaux » à la suite d’une plainte de deux ministres dont Kodzo Adedze. A l’instar de RSF, l’Union internationale de la presse francophone (UPF) demande aussi la libération immédiate des deux journalistes.

Ferdinand Ayité, journaliste d’investigation et lauréat du Prix international de la liberté de la presse 2023, décerné par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), est un des journalistes particulièrement ciblés par les autorités togolaises et surveillés par le logiciel espion, Pegasus.