Covid-19 : Medista accuse le SPF Santé publique de fraude et de faux dans un marché public de 50 millions d’euros
Journaliste – Rédacteur en chef.
Dans un courrier adressé au Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), Sarah Taybi, directrice générale de Medista accuse le SPF Santé publique d’avoir truqué un marché public pour le stockage et la distribution des vaccins anti-Covid-19 ainsi que pour la gestion du stock stratégique de médicaments et de matériel d’essai, afin l’attribuer à sa concurrente, Movianto. Il s’agit d’un contrat de 50 millions d’euros. C’est un dossier qui dure depuis juillet 2022 (https://lpost.be/2022/07/08/covid-19-interrogations-sur-loctroi-du-contrat-de-distribution-des-vaccins-au-groupe-movianto/). Elle dit détenir les preuves de ses affirmations et demande l’intervention du chef de gouvernement pour un règlement du dossier. Elle a adressé une copie de son courrier, éventé par nos confrères du « Het Laatste Nieuws », au ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit) et à la présidente de la Chambre, Eliane Tillieux (PS). Elle accuse l’administration de la Santé d’avoir produit des faux dans le cadre de la procédure devant le conseil d’Etat. Contactée par nos soins, Sarah Taybi entend aller jusqu’au bout de sa démarche pour faire éclater la vérité. Ira-t-elle jusqu’à déposer une plainte au pénal ? En attendant, le ministre Vandenbroucke invite Medista à produire les preuves de ces accusations.
Rebondissement dans le dossier d’attribution d’un marché public relatif au stockage et la distribution des vaccins anti-Covid-19 ainsi qu’à la gestion du stock stratégique de médicaments et de matériel d’essai que nous évoquions dans nos différentes éditions. Selon nos confrères du quotidien flamand, « Het Laatste Nieuws », Sarah Taybi, la directrice générale de la PME, Medista, basée à Zaventem, vient d’envoyer un courrier au Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD), pour attirer son attention sur une fraude organisée au sein du SPF Santé publique afin d’attribuer ce contrat d’une valeur de 50 millions d’euros à sa concurrente.
Les autorités étaient très contentes de notre travail.
Alexander De Croo comme dernier recours
Il faut dire que plusieurs éléments du dossier interpellent et que toutes les tentatives menées, jusqu’à présent, par les dirigeants de Medista pour faire la lumière sur cette affaire n’ont pas été concluantes. Et que c’est pratiquement en désespoir de cause que Sarah Taybi se tourne vers le chef du Gouvernement fédéral belge. Contactée par nos soins, Sarah Taybi confirme l’envoi du courrier suite à la sourde oreille du ministre Vandenbroucke qui ne répondait pas aux sollicitations de Medista. « Nous avons essayé d’informer le ministre (Frank Vandenbroucke, ndlr), mais sans succès », nous a-t-elle assuré.
Aujourd’hui, elle veut attirer l’attention du Premier ministre sur le traitement réservé à une entreprise belge qui faisait bien son travail. « Il ne peut pas accepter que l’on s’en prenne comme cela à une société belge qui a aidé le gouvernement pendant le Covid. Les autorités étaient très contentes de notre travail », indique-t-elle dans son courrier daté du 4 décembre 2023. Sarah Taybi y rappelle qu’à l’époque, un rapport de l’inspecteur des Finances recommandait d’ailleurs de rejeter l’offre de Movianto, tout comme celle de deux autres soumissionnaires, qui avaient été jugées « incomplètes et irrégulières ». Et il ne restait que celle de Medista…
Montrer les preuves pour déclencher une enquête judiciaire…
Le marché relatif à la logistique du vaccin anti-Covid (stockage, transport et livraison, etc.) était assuré par Medista et courait jusqu’en 2025. Celui de la gestion des stocks stratégiques était arrivé à échéance en mars 2022. Mais sans crier gare, l’administration avait mis fin au contrat sans aucune forme de procès : aucun constat de carence n’avait été fait, pas de plainte d’acteurs impliqués dans la lutte contre la pandémie du Covid-19.
Mais à l’issue d’un nouveau marché public, le contrat avait été attribué en 2022 à l’entreprise Movianto, filiale du groupe français, Walden Group, suscitant l’interrogation de Medista. A l’époque, Movianto n’avait aucun client lorsqu’elle a décroché le gros contrat. Le dossier avait d’ailleurs atterri sur la table du conseil d’Etat qui n’avait rien trouvé à y redire. Aujourd’hui, Sarah Taybi accuse l’administration de la Santé publique d’avoir produit un faux dans le cadre de cette procédure.
Sur la base de ces informations, une enquête judiciaire pourra alors être menée pour déterminer s’il y a effectivement un nouvel élément dans ce dossier.
Contacté par nos soins, le cabinet du ministre Vandenbroucke maintient la ligne observée par le Vice-Premier ministre, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. « Il a invité Medista et les dénonciateurs à divulguer pleinement les preuves, ainsi que le contexte dans lequel elles ont été réalisées. Sur la base de ces informations, une enquête judiciaire pourra alors être menée pour déterminer s’il y a effectivement un nouvel élément dans ce dossier. Jusqu’à présent, il n’y a eu qu’une plainte de Medista auprès du conseil d’État, avec des allégations d’irrégularités dans l’attribution du contrat que Medista a perdu », nous a rétorqué le cabinet Vandenbroucke.
Règlement à l’amiable possible
Sarah Taybi rappelle dans le courrier que Medista avait assuré le transfert des produits (vaccins, etc.) vers les installations de Movianto avec une facture qui reste impayée à ce jour. En tenant compte des intérêts, l’ardoise s’élèverait à environ 5,4 millions d’euros. Elle commence d’ailleurs son courrier par cet épisode en faisant allusion au nouveau livre que vient de sortir le Premier ministre, Alexander De Croo : « Pourquoi le meilleur reste à venir » pour l’économie belge, alors que Medista attend toujours d’être payée pour ses prestations. D’après elle, il s’agit d’une stratégie visant à pousser Medista vers la faillite pour s’assurer que les preuves vont disparaître.
Mais la question est de savoir si Medista ira jusqu’à porter plainte au pénal pour dénoncer la fraude et les faux. En tout cas, Sarah Taybi n’entend pas se laisser faire, mais elle est disposée à un règlement à l’amiable du dossier.