L'ISRAEL ENVAHIT LE LIBAN

La Communauté internationale mobilise un milliard d’euros en faveur du Liban à Paris. Sans réel impact sur la guerre…

De la fumée s'échappe du site d'une frappe aérienne israélienne sur la ville libanaise de Baalbeck, dans la vallée de la Bekaa, le 23 septembre 2024, qui abrite les ruines romaines antiques et les six colonnes encore debout du temple de Jupiter. AFP

A l’invitation du Président de la République Emmanuel Macron, pas moins de 70 chefs d’Etat ou de gouvernement et les responsables de 15 organisations non gouvernementales (ONG) ont participé à Paris ce jeudi 24 octobre à une Conférence internationale en soutien à la population et à la souveraineté du Liban. But envisagé : un objectif immédiat de mobiliser au moins 400 millions de dollars (environ 370 millions d’euros). A l’issue de la conférence, les pays donateurs ont réussi à mobiliser près d’un milliard d’euros en faveur du Liban dont 100 millions de la part de la France et 2 millions débloqués par la Belgique. Le Premier ministre libanais Najib Mikati demande un cessez-le-feu suivi de la mise en œuvre de la résolution internationale 1701. Celle-ci stipule que seuls les casques bleus et l’armée libanaise doivent être déployés dans le sud du Liban frontalier d’Israël. Plus de 150 ONG, donc Oxfam, Médecins du monde ou le Danish Refugee Council, ont dénoncé « le mépris flagrant de la communauté internationale pour le droit international ».

A l’issue de cette conférence, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot annonçait : « Nous avons répondu à l’appel lancé par les Nations unies en annonçant des contributions substantielles, 800 millions de dollars (environ 740 millions d’euros) auxquels s’ajoutent d’importantes contributions en nature, dont 200 millions de dollars (environ 180 millions d’euros) d’aide pour l’armée ». Et de préciser : « La communauté internationale a été à la hauteur de l’enjeu ». La France va débloquer 100 millions d’euros (environ 95 millions d’euros) et « contribuer à l’équipement de l’armée libanaise » ; l’Allemagne, 96 millions d’euros et la Grande-Bretagne, 18 millions d’euros.

La petite aide de la Belgique

De son côté, la Belgique a annoncé un soutien de 2 millions d’euros par la voix du ministre démissionnaire de la Coopération au développement, Frank Vandenbroucke (Vooruit). « Les fonds sont destinés à faire face aux chocs les plus graves dus à l’invasion du pays par Israël dans le cadre de la « Lebanon Crisis Response and Stabilization Package Proposal. Cette contribution vient s’ajouter à l’important soutien humanitaire déjà apporté par notre pays aux différents partenaires humanitaires » du Programme de développement PNUD de l’ONU », a précisé le cabinet du ministre Vandenbroucke.

La communauté internationale a été à la hauteur de l’enjeu.

Quant à l’Union européenne, par la voix de son chef de la diplomatie Josep Borrell, elle fournira 20 millions d’euros cette année pour l’armée libanaise et 40 millions l’année prochaine. Un diplomate n’a pas manqué de rappeler qu’« il y a un an, une conférence similaire organisée par Paris sur Gaza avait mobilisé 1 milliard de dollars… ».

Appliquer la résolution internationale 1701

Le Premier ministre libanais Najib Mikati a, de son côté, précisé : « Les armes doivent être uniquement aux mains de l’armée libanaise et de l’Etat libanais. Nous souhaitons déployer les forces armées libanaises plus largement au sud du fleuve Litani (la zone visée par les frappes israéliennes pour déloger les milices du Hezbollah, ndlr). Le plus important aujourd’hui est (…) un cessez-le-feu puis la mise en œuvre de la résolution internationale 1701 ». Cette dernière stipule que seuls les casques bleus et l’armée libanaise doivent être déployés dans le sud du Liban frontalier d’Israël.

Le Liban est en danger de mort.

La veille encore de l’événement parisien, les diplomates ne manquaient pas de rappeler que, débutée le 23 septembre 2024, l’offensive israélienne contre le Hezbollah dans le sud du Liban entamait sa cinquième semaine et le bilan des affrontements approchait les 1.500 morts. « Le Liban est au bord de la guerre civile », expliquait le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu. De son côté, Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères et actuellement « envoyé personnel du président Emmanuel Macron pour le Liban », chargé de contribuer à la formation d’un consensus politique au Liban pour l’élection d’un nouveau président de la République estime que « Le Liban est en danger de mort ».

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La photo à distribuer montre un avion de la Défense belge qui rapatriera 250 civils du Liban, avant de décoller de Cologne, le mercredi 09 octobre 2024. L’avion transportera du matériel médical d’une valeur de 150.000 euros, destiné aux hôpitaux. Il s’agit notamment de bandages, de thermomètres et d’équipements respiratoires. (PHOTO  BELGIAN DEFENCE/BELGA)

L’Israël continue de pilonner Beyrouth

En fin de journée de ce 25 octobre 2024, au-dessus de la capitale libanaise Beyrouth volaient des nuages de fumée, conséquence d’envois de missiles par Tsahal, l’armée israélienne. Interrogés par une télévision française, des Beyrouthins accusent Israël et son Premier ministre Benjamin Netanyahou de ne pas faire de différence entre les civils libanais et les membres du Hezbollah…

La guerre doit cesser au plus vite. Je ne suis pas sûr qu’on défend une civilisation en semant soi-même la barbarie.

En ouverture de la Conférence internationale en soutien à la population et à la souveraineté du Liban, Emmanuel Macron a prononcé des mots durs : « La guerre doit cesser au plus vite ». Et d’ajouter : « Je ne suis pas sûr qu’on défend une civilisation en semant soi-même la barbarie ». Il fait ainsi référence au discours de Benjamin Netanyahou qui affirme défendre la civilisation judéo-chrétienne dans le combat israélien à Gaza ou au Liban. Réaction immédiate en Israël où un député du Likoud explique que le Président français se trompe d’histoire. De son côté, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé « les dirigeants libanais à prendre des mesures résolues pour assurer le bon fonctionnement des institutions de l’Etat ». Il a invité les partenaires du Liban à « renforcer leur soutien à ces institutions étatiques, y compris les forces armées libanaises ».

Enfin, dans un appel commun, plus de 150 ONG, donc Oxfam, Médecins du monde ou le Danish Refugee Council, ont dénoncé « le mépris flagrant de la communauté internationale pour le droit international », qui a permis « l’impunité totale du Gouvernement israélien à Gaza, en Cisjordanie et maintenant au Liban ».

Trois absents de taille

Lors de cette conférence à Paris, trois absences ont été remarquées : deux qui peuvent paraître justifiées (Israël et l’Iran), une qui pose question. En effet, aucun représentant des Etats-Unis n’était présent : Joe Biden boucle son mandat présidentiel, Kamala Harris est en pleine campagne électorale et le chef de la diplomatie US était au Qatar pour trouver une solution concernant la bande de Gaza. Alors, on peut se demander à quoi va servir la conférence parisienne ?

Emmanuel Macron cherche à exister. Au niveau national, il n’a plus aucune influence. Il lui reste l’international, mais ce n’est pas gagné.

Certains politiques français glissent : « Emmanuel Macron cherche à exister. Au niveau national, il n’a plus aucune influence. Il lui reste l’international, mais ce n’est pas gagné. Sa cote a sacrément baissé, ces temps derniers ». Un expert diplomatique confie : « Sur le volet politique et diplomatique, il ne fallait pas s’attendre à des avancées notables ».

Le colonel Michel Goya, auteur de « L’Embrasement. Comprendre les enjeux de la guerre Israël-Hamas » paru en mars 2024, est catégorique : « Cette conférence de Paris débouche sur une action humanitaire, mais c’est tout. La guerre va continuer… »

Serge Bressan (correspondant à Paris)