Coûteuse gare Calatrava à Mons : quelle suite au cinglant rapport de la Cour des comptes ?
Journaliste – Rédacteur en chef.
En attendant une inauguration prévue le 31 janvier 2025, la SNCB a mis en service ce mercredi 18 décembre 2024 la gare dessinée par l’architecte de renom, Santiago Calatrava. L’infrastructure est belle, mais elle frise la démesure et sa gouvernance interpelle. Tout le processus ayant conduit à la concrétisation du projet comporte de nombreuses zones d’ombres et la Cour des comptes a rendu un rapport assassin relevant de nombreux manquements dans le dossier dont certains auraient dû alerter la justice ou justifier une dénonciation à la justice.
Il y a notamment la désignation de l’architecte qui, d’une manière ou d’une autre a participé à l’élaboration du cahier des charges du projet. Et qui, de surcroît, a été désigné sans une vraie procédure de marché public. Et pourtant, le montant du projet aurait dû nécessiter une mise en concurrence afin de désigner un bureau d’architecture demandant un montant raisonnable pour un projet non pharaonique. Il était question au départ de construire une passerelle permettant aux navetteurs et aux cyclistes de pouvoir relier le centre historique de Mons au quartier des Grands Prés. Le coût du projet était de 37 millions d’euros.
Que s’est-il donc passé pour qu’à l’arrivée, la cité du Doudou hérite d’un paquebot d’acier et de verre présentant une facture (provisoire ?) de 480 millions d’euros ?
Que s’est-il donc passé pour qu’à l’arrivée, la cité du Doudou hérite d’un paquebot d’acier et de verre présentant une facture (provisoire ?) de 480 millions d’euros ? Sans oublier, par la suite, un coût d’entretien de près d’un million d’euros par an. Le tout pour une gare qui va accueillir moins de 10.000 voyageurs par jour. A côté, la gare d’Ottignies (qui laissera la place, dans quelques années à une nouvelle gare), affiche environ 20.000 voyageurs quotidiens…
Diplomate et soucieux de ménager les susceptibilités, la Cour des comptes indique dans son rapport que « la désignation du lauréat du concours est entachée de lacunes en termes de transparence, d’égalité et de mise en concurrence ».
Deux avenants au contrat d’architecture comportent des indices du caractère substantiel des modifications apportées au marché initial qui auraient pu justifier le lancement d’une nouvelle procédure de passation.
Elle enfonce le clou en soulignant que « deux avenants au contrat d’architecture comportent des indices du caractère substantiel des modifications apportées au marché initial qui auraient pu justifier le lancement d’une nouvelle procédure de passation ».
Lors d’un nouvel examen du dossier en commission de la Chambre, on aurait pu penser que les députés allaient faire œuvre utile en transmettant le dossier à la justice afin qu’elle puisse faire son travail pour éclaircir les zones d’ombre. Ils auraient ainsi pu exercer leur mission de contrôle de l’action publique et de l’argent. Mais tout est passé comme une lettre à la poste.
Il n’est pas encore trop tard pour corriger le tir et demander l’intervention de la justice. Le contribuable belge mérite ce devoir de transparence pour retrouver confiance en l’action publique. Et si la justice se saisit d’initiative du dossier?