EDITO

Revenir à la norme légale et démocratique

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) au milieu, à sa droite, le Wallon Elio Di Rupo (PS) et sa gauche, le Flamand Jan Jambon (N-VA) à l'issue d'un Codeco anti-Covid-19. BELGA

Le tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en urgence, vient de flanquer un sérieux camouflet au Gouvernement fédéral. Dans une ordonnance de 31 pages, sa présidente a estimé que les mesures restrictives des libertés constitutionnelles et des droits de l’homme,  prises dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 sur base de l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020, sont illégales. Ce faisant, la magistrate désavoue ainsi la majorité fédérale et donne raison à la Ligue des droits humains, à son homologue flamande et à un particulier qui sont à l’origine de l’action en référé.

La décision du tribunal de première instance fait écho à toutes les critiques émises tant par l’opposition politique et par d’autres associations citoyennes que par certains membres de la majorité fédérale et par des représentants du monde académique qui n’ont de cesse de réclamer une base légale aux mesures de restrictions des libertés fondamentales (liberté des cultes et liberté d’expression, liberté de l’enseignement, droit à la vie privée et familiale, etc.).

Retrouver l’adhésion des citoyens

Contrairement au conseil d’Etat, l’institution judiciaire reconnaît l’urgence des plaignantes à agir et rend ses lettres de noblesse à la séparation des pouvoirs et au pouvoir judiciaire, la mission d’exercer un contrôle indépendant sur les actes des institutions du pays. Elle renforce l’Etat de droit et rend un peu plus confiance aux citoyens dans l’institution judiciaire. Durant les 7 premiers mois de la crise, les citoyens ont fait preuve de patience et de compréhension vis-à-vis des autorités fédérales en les laissant rogner sur leurs libertés pour des raisons sanitaires et pour sauver des vies. Ils ont laissé au gouvernement fédéral le droit de s’arroger des quasi pouvoirs spéciaux dans la lutte contre le virus meurtrier. Il est temps que la légalité reprenne le dessus et que le pouvoir revienne aux représentants du peuple qui, seuls peuvent déléguer au Gouvernement fédéral le pouvoir de restreindre nos libertés en respectant un principe de proportionnalité et en limitant ce pouvoir dans le temps.

Même en faisant appel de l’ordonnance, le Gouvernement fédéral doit comprendre qu’il ne peut plus se soustraire impunément au contrôle parlementaire. Il doit aussi admettre que la peur ne peut plus être la seule jauge à brandir comme une base scientifique, ni le moteur pratiquement absolu de notre vie.
Il serait bien inspiré de revenir à la norme légale et démocratique en faisant preuve d’un peu plus d’empathie vis-à-vis de la population. Et surtout être à l’écoute des voix discordantes qui s’expriment. Ce n’est qu’ainsi qu’il retrouvera l’adhésion des citoyens aux futures mesures qu’il prendra. Il en va de sa crédibilité et même de l’avenir de notre démocratie.