EDITO

Un ministre ne devrait pas dire ça

AFP

L’ordonnance rendue mercredi par le tribunal de première instance de Bruxelles, jugeant illégales les mesures de restrictions de libertés des citoyens, n’a pas laissé le Gouvernement fédéral sans réaction. Il y a d’abord eu l’annonce de sa décision d’aller en appel contre la décision judiciaire, un droit ouvert à tout justiciable après une condamnation. Mais les sorties de deux ministres de l’exécutif fédéral interpellent. La plus incompréhensible est celle du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Voruit) qui, chez nos confrères du quotidien flamand « De Morgen » de ce jeudi, a déclaré fièrement qu’il n’est « pas impressionné » par la décision de justice.

Rira bien qui rira le dernier

Difficile de ne pas voir dans cette déclaration de l’arrogance, voire un double mépris. D’abord, un mépris pour le pouvoir judiciaire et les magistrats donnant l’impression que lui, et de facto le gouvernement fédéral, ne se soucie guère des décisions de justice. Son attitude peut être assimilé au proverbe arabe « les chiens aboient, la caravane passe ». Sauf qu’ici, l’institution qu’il semble fouler aux pieds est un des trois pouvoirs fondamentaux de la démocratie occidentale. C’est donc l’exécutif qui se moque du judiciaire.
Qu’en pense le législatif ? Si un responsable politique de son rang fait peu de cas d’une décision de justice, que doit-on dire à un citoyen lambda qui se comporterait de la sorte et manquerait ainsi de respect à la justice ? Comment pourrait-on le rappeler à l’ordre avec la menace d’une sanction pour outrage à magistrat ?

Ensuite c’est également un mépris pour justement le citoyen lambda qui, lui, n’a d’autre choix que de se soumettre à la décision de justice en introduisant fébrilement un appel contre la décision. Par sa sortie, le ministre Vandenbroucke crée un précédent fâcheux susceptible d’ouvrir la porte à des comportements pouvant ébranler les fondements de notre système démocratique soumis à de sérieuses attaques d’extrémistes de tous genres. Quel message leur envoie-t-il ?

Manque de respect des institutions et des citoyens

Son homologue de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD) a renchérit chez nos confrères de LN24 que l’ordonnance du 1er avril ne va rien changer et que l’Etat fédéral continuera à appliquer les mesures de restrictions des libertés jugées illégales. Il espère trouver, en 30 jours, une solution solide avec l’avant-projet de loi Pandémie en cours de discussion. Trente jours, c’est justement le délai laissé par la Justice au Fédéral pour corriger le tir, à défaut, il sera obligé de payer une astreinte de 5.000 euros par jour après cette échéance. Et c’est l’argent du contribuable qui financera le paiement de l’astreinte, c’est peut-être l’origine du mépris… Les déclarations des deux ministres a d’autant plus fait mal à beaucoup de magistrats qu’il émane de représentants du pouvoir exécutif qui décident délibérément de manquer de respect au pouvoir judiciaire, surtout que l’un des deux est ministre de la Justice. Non, un ministre ne devrait pas dire ça.

Ils misent sur l’appel introduit contre l’ordonnance pour snober l’institution judiciaire, mais oublient-ils qu’après les 30 jours de répit que celle-ci leur a accordés, le Fédéral sera redevable de l’astreinte malgré l’appel en raison du caractère exécutoire d’une décision de justice en référé reconnaissance l’urgence ? Vu le parcours législatif que doit suivre l’avant-projet de loi pandémie doit encore faire, vu l’arriéré judiciaire à Bruxelles, il est fort peu probable qu’une solution solide et stable soit trouvée endéans les 30 jours pour encadrer légalement les mesures de restrictions des libertés imposées aux citoyens. Par conséquent, on peut leur conseiller de se rappeler du proverbe « rira bien qui rira le dernier ».