EDITO

Génocide arménien : un devoir de mémoire salutaire

BELGA

En reconnaissant le génocide arménien perpétré par l’empire ottoman entre avril 1915 et juillet 1916, le président américain Joe Biden emboîte le pas de plusieurs pays qui ont déjà réalisé ce devoir de mémoire. Mais il apporte aussi tout le poids du pays de l’Oncle Sam à cette reconnaissance.

Trente pays ont déjà reconnu le génocide arménien, c’est encore trop peu

Malgré les menaces et les invectives des autorités turques avec le président Recep Tayyip Erdogan en tête, il y a fort à parier que les Etats-Unis soient suivis par d’autres pays du monde qui attendaient ce geste comme un signal pour braver le géant du Bosphore. Et ce ne sera que justice faite pour la population de 1,2 million d’Arméniens massacrés par les gendarmes et soldats ottomans, il y a plus de 100 ans. C’est un génocide, car l’initiative procède d’un massacre planifié et exécuté méthodiquement dans le but d’exterminer une population, en l’occurrence les Arméniens vivant à l’époque sur ce qui correspond au territoire actuel de la Turquie. Difficile de comprendre cet aveuglément du président Erdogan et de ses soutiens qui refusent de regarder avec sérénité et humilité ce passé sombre de la Turquie qui ne peut être détaché de l’histoire du pays.

Pourquoi nier des faits historiques aussi flagrants et bien documentés ? Reconnaître ce génocide et ne pas jouer sur les mots (la Turquie d’Erdogan préfère parler de massacres) ne pourront qu’apporter apaisement aux descendants des victimes de ce génocide, au peuple arménien tout entier et redoreront un peu l’image du président Erdogan. Son entêtement sur ce dossier arménien fait du tort à son pays et vient allonger encore un peu plus la liste des reproches qui lui sont faits et qui mettent de plus en plus ce grand pays au ban des mauvais élèves en matière de démocratie, des droits et de respect des libertés fondamentales. Or, la Turquie est une puissance ayant un rôle à jouer sur la scène internationale. Elle pourrait peser sur des décisions susceptibles de contribuer à renforcer la paix dans le monde. Avec une population de plus de 82 millions d’habitants, c’est aussi une puissance économique de poids qu’il serait dommageable d’ignorer et de traiter avec mépris à cause d’un président mégalomane, autocrate et têtu.

Et pourtant, bien nommer les choses et regarder son passé en face, fut-il sombre à certains moments, sont une garantie pour avancer plus léger et avec confiance vers son futur. C’est une démarche libératrice qui permet d’être en paix avec soi-même et avec les autres. Trente pays ont déjà reconnu le génocide arménien, c’est encore trop peu. Il est temps que d’autres dirigeants prennent la même initiative que le président américain Joe Biden, et d’autres avant lui, pour que la commémoration de ce drame qui a lieu chaque 24 avril soit un moment de recueillement apaisé, en premier lieu pour nos frères Arméniens, et pour tous ceux qui voudront communier avec eux.

Le président Erdogan pourrait aussi s’inscrire dans cette démarche s’il veut vraiment marquer favorablement l’histoire de son pays et laisser une trace positive dans la mémoire collective occidentale et dans le reste du monde. Reconnaître simplement le génocide des Arméniens serait un bon début.