EDITO

Zéro coti : mauvais timing et inopportun

BELGA

Révélé par nos confrères de La Libre, le projet de réforme de la mesure de dispense de cotisations sociales (zéro coti) suscite incompréhension et colère d’organisation comme l’Union des classes moyennes (UCM) ou du Syndicat neutre pour indépendants (SNI). A juste titre. Jusqu’à présent, cette exonération de cotisations sociales illimitée dans le temps permettait aux employeurs, principalement des TPE et des indépendants, d’engager leur premier salarié. Grâce à cette mesure, ils pouvaient concrétiser des projets de développement de leurs activités et, en même temps, contribuer à une réduction du chômage.

Répondant aux critiques de la Cour des comptes et celles des instances de l’ONSS, deux ministres socialistes, le Francophone Pierre-Yves Dermagne (PS) et le Flamand, Frank Vandenbroucke (Voruit) ont élaboré un projet de loi préconisant une limitation dans le temps de la mesure, sous prétexte notamment que cette disposition coûte trop cher à l’Etat. Donc, pour des raisons budgétaires, deux ministres socialistes proposent de réduire la portée d’une mesure qui contribue à la création de l’emploi. D’après les statistiques, plus de 50.000 indépendants y ont eu recours, ce qui n’est pas rien.

Paradoxal, diront de nombreux observateurs et ils auront raison. L’idéologie aurait-elle pesé dans la balance en voulant toucher à une mesure jugée trop libérale ? C’est oublié trop vite qu’elle a été initiée sous le Gouvernement Di Rupo (PS) en 2012 avant d’être amplifiée par l’exécutif dirigé par le libéral Charles Michel (MR) en 2016.

C’est aussi oublié qu’il y a une crise sanitaire qui a touché l’activité économique en 2020 avec une ampleur jamais vue depuis de décennies. Ses effets se font toujours  ressentir et la relance annoncée n’est, pour l’instant, que prévisions et projections. Certes, il est une bonne chose de respecter un accord gouvernemental, mais il est encore plus judicieux de choisir le bon moment et de tenir compte des circonstances. Par ailleurs, l’accord gouvernement de la Vivaldi était-il si catégorique que ça, voire si contraignant qu’il est impossible de faire autrement que de réformer aussi violemment un dispositif important pour les acteurs économiques ? Certes, il faut lutter contre d’éventuels abus ou fraudes invoqués aussi pour justifier la réforme de l’exonération des cotisations sociales. Mais d’autres voies sont possibles.

Aujourd’hui, ne doit-on pas plutôt miser sur toutes les mesures susceptibles de soutenir la création d’emploi et de donner de l’oxygène aux PME, aux TPE et aux indépendants ? Surtout quand on sait que le tissu économique belge est justement composé à plus de 90% de ces acteurs. La réforme, telle que proposée, risque de faire plus de tort que de bien. Et ce ne sont pas les adaptations annoncées par le ministre des Affaires sociales Frank Vandenbroucke à la tribune de la Chambre jeudi après-midi qui adouciront le désarroi des entreprises.

Il y a donc lieu de prêter une oreille attentive aux échos qu’envoient les premiers concernés que sont les entreprises et leurs travailleurs. C’est avec eux qu’il faut trouver les solutions pour améliorer le dispositif et le rendre plus efficace si besoin. Parfois, il faut savoir faire preuve d’écoute, de créativité, de pragmatisme et de réalisme. Ce sont aussi ces éléments qui font la réussite de notre modèle de concertation tant politique que sociale.