Culture

Chronique :”Bibliothèque de survie”, de Frédéric Beigbeder


Nous terminerons l’année par ce livre de Frédéric Beigbeder, comprenant cinquante comptes rendus de livres publiés ou réédités ces dernières années, principalement en 2020 et 2021. “Bibliothèque de survie”, tel est son titre. Une idée parmi d’autres, pour l’été.

Pour donner de l’appétit au lecteur, livrons quelques titres : Le Grand Meaulnes (Alain-Fournier), California Girls (Simon Liberati), Serge (Yasmina Reza), Romans et récits de Romain Gary (à l’occasion de son entrée dans la Pléiade), Les Destinées sentimentales (Jacques Chardonne), Le Lambeau (Philippe Lançon), Tendre est la nuit (Francis Scott Fitzgerald), La Montagne magique (Thomas Mann), Le Malade imaginaire (Molière) etc. Les œuvres sont classées, on peut le supposer, selon les préférences du critique. Que cette recension devienne pour vous un programme de lecture. Bien qu’ayant lu environ la moitié des ouvrages évoqués, nous n’avons pas l’intention d’écrire une chronique sur des chroniques. Disons que, pour cette moitié, grosso modo, nous partageons les goûts de Frédéric Beigbeder. Nous voudrions ici commenter brièvement d’une part l’introduction, le « bréviaire d’incorrection littéraire», d’autre part le chapitre sur Milan  Kundera.

Le livre commence par une profession de foi en faveur de la liberté du romancier, bien utile en ces temps de « politiquement correct ». La littérature, note-t-il, ne doit pas être édulcorée, purifiée, un romancier n’est pas là pour donner des leçons de morale, il est moraliste, non moralisateur. Va-t-on interdire Lolita par souci de la lutte contre la pédophilie, Autant en emporte le vent ou les romans de Kipling, de Faulkner…pour sous-entendus racistes ? Un livre de qualité est parfois écrit par un monstre, un psychopathe, perd-il en cela sa valeur littéraire ? L’œuvre d’art, qu’elle soit littéraire, picturale, musicale, cinématographique… doit être appréciée sans avoir égard à la vie de son auteur (c’est le sujet du Contre Sainte-Beuve, de Proust).
Nous nous rappelons personnellement un débat qui nous a opposé à un membre de notre club littéraire et qui a mi-parti l’assemblée : il prétendait que toute l’œuvre de Woody Allen était viciée ab initio et devait être bannie de nos cinémas depuis que nous savions  (quoi d’ailleurs ?), tandis que nous soutenions que nous n’avions que faire de la vie privée d’un créateur et que seules ses œuvres nous importaient. Chacun resta sur ses positions, sans changer d’avis.

Nous ne résistons pas, pour en terminer sur ce point, au plaisir d’une citation qui, gageons-le, amusera le lecteur : « Finalement, la fermeture des librairies, des théâtres, des cinémas et des discothèques ne fut pas un hasard : par un glissement somme toute logique, la bienveillance sanitaire devenue bien-pensance sécuritaire aboutit à la haine de la liberté de se rassembler, de se serrer la main et de danser, mais aussi de débattre et de réfléchir. (…), il ne fallait pas de discussion, pas de culture, pas d’intelligence, uniquement de la discipline. Quand il s’agit de sauver des vies, on n’a plus le luxe de douter. (…) Même les restaurants sont des endroits de conversation : à proscrire, donc. L’hygiénisme n’est pas un humanisme » (p.24).

Dans sa notice sur La lenteur, de Milan Kundera, Frédéric Beigbeder nous stimule l’esprit quant à ce que pourrait être, selon lui, la littérature de demain, mi-roman, mi-essai. Milan Kundera, dans ce livre comme dans d’autres, « a ouvert la narration romanesque à toutes sortes de considérations philosophiques, sociologiques…… » (p. 151). Il cherche « les bifurcations et les chemins de traverse » (ibid). Nous avouons apprécier cette évolution du genre romanesque, que l’on constate chez des auteurs comme Philippe Sollers, Benoît Duteurtre, Yasmina Reza…, le roman fait peu à peu place au récit.

Nous interrompons ces chroniques durant le mois de juillet et comptons les reprendre dans le courant du mois d’août, pour la rentrée littéraire. Qu’au moment de prendre leurs vacances, nos lecteurs n’oublient pas qu’il suffit d’ouvrir un bon livre pour se retrouver dans un pays lointain, à la recherche de Kurz ou de la substantifique moelle chère à Rabelais. « Y a de grand’soirées sur la Voie lactée… », sans masque ni quarantaine.

Bibliothèque de survie, Edition de l’Observatoire, 161 p., (18 €)

 

     Jacques MELON

 

 

 

 


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