EDITO

Affaire Haouach : la prudence a fait défaut

BELGA

L’affaire Haouach, du nom de l’ancienne commissaire du Gouvernement auprès de l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes,  a connu son épilogue vendredi avec la démission de la jeune femme. Le dossier pollue l’ambiance au sein et autour du Gouvernement fédéral, la Vivaldi, depuis juin, alors que d’autres dossiers plus importants devraient requérir toute son attention (grève de la faim des sans-papiers, quelle stratégie face au variant Delta du Covid-19, adaptation des aides aux entreprises confrontées à la crise sanitaire, quid de l’ouverture des milieux culturels, etc.).

L’affaire Haouach pourrait fragiliser le parti Ecolo et la secrétaire d’Etat Sarah Schlitz au sein de la coalition gouvernementale fédérale.

Ces derniers jours, la pression est devenue trop forte dans le dossier de la commissaire du Gouvernement Ihsane Haouach. Son interview chez nos confrères du quotidien « Le Soir » dans laquelle elle donnait sa vision de la neutralité de l’Etat a plutôt jeté de l’huile sur le feu et a rendu sa position de commissaire du Gouvernement auprès de l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes intenable. « La discussion n’est pas : est-ce qu’on remet en cause la séparation de l’Eglise et de l’Etat ? C’est : comment la décline-t-on avec un changement démographique », indiquait notamment Ihsane Haouach dans l’entretien accordé au quotidien bruxellois.

A l’entendre, il faut faire évoluer les valeurs fondamentales de nos sociétés démocratiques en fonction de l’évolution démographique de ses différentes composantes. En clair, si une catégorie de la population arrive à augmenter suffisamment son poids démographique au point de surclasser les autres, il faudrait revoir les valeurs qui fondent la société en l’adaptant à celles du groupe devenu important démographiquement. Avec son analyse, Ihsane Haouach alimente (à son corps défendant) les thèses de l’extrême-droite qui fait sa propagande en soutenant à tort que toute politique d’accueil des étrangers ou de leur intégration comporte une menace grave pour la société occidentale. Cette menace, les extrémistes, porteurs de discours de haine, l’ont baptisé le grand remplacement. Ils l’utilisent pour refuser tout projet de société multiculturelle et riche de ses différences.

Devant le remous suscité par sa sortie, Ihsane Haouach a tenté un rétropédalage sur Facebook en reconnaissant avoir communiqué de façon maladroite, mais le mal est fait et la méfiance à son égard n’a fait que se renforcer. Sa sortie dans la presse a anéanti les efforts déployés quelques jours plus tôt au Parlement par le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD, photo) et la secrétaire d’Etat, l’Ecolo Sarah Schlitz (qui l’a nommée commissaire du Gouvernement, photo) pour défendre sa désignation.

En démissionnant d’initiative, l’ex-commissaire du gouvernement espère avoir clôt le débat. Mais son souhait risque d’être un vœu pieux. Car sa nomination même a remis encore plus en lumière l’un des dossiers clivants dans notre société : la question du voile islamique, sa présence dans l’administration publique et dans les entreprises ainsi que dans certaines fonctions ou certains mandats.

L’affaire Haouach met aussi sous pression Ecolo et sa stratégie. En effet, il semble aujourd’hui que d’autres éléments ont pu entrer en ligne de compte dans la démission d’Ihsane Haouach. Il s’agit notamment d’un rapport de la sûreté de l’Etat qui indique un lien entre elle et les Frères musulmans. Elle aurait côtoyé, dans son entourage, des membres de cette organisation islamique considérée comme une organisation terroriste par certains Etats (Egypte, Arabie Saoudite, Russie, Emirats Arabes Unis, etc.). Aucune preuve de son affiliation à cette organisation n’est apportée.

Dans un dossier aussi délicat comme celui-ci, pourquoi de tels éléments n’ont-ils pas été apportés ou demandés avant sa nomination ? Pourquoi ces éléments ne sortent-ils que maintenant, plusieurs semaines après sa désigantion ? Le parti Ecolo et la secrétaire d’Etat, Sarah Schlitz ont-ils manqué de prudence dans la désignation de la candidate ? Pourquoi n’ont-ils pas tenté de questionner davantage son positionnement sur la neutralité de l’Etat, même si on ne peut pas ignorer sa position sur la question du voile ? Faisant partie d’une coalition, Ecolo et Sarah Schlitz n’auraient-ils pas été mieux inspirés en sondant discrètement leurs partenaires de gouvernement avant sa nomination pour savoir ce qu’ils pensent plutôt que d’avoir pris le risque de la confrontation, voire de la provocation en les mettant devant le fait accompli ? On peut se demander si les Verts n’ont-ils pas voulu faire du militantisme (voire du communautarisme ?) sur un dossier aussi délicat avec le secret désir d’en récolter des fruits au niveau électoral. L’affaire Haouach pourrait fragiliser le parti Ecolo et la secrétaire d’Etat Sarah Schlitz au sein de la coalition gouvernementale fédérale. Reste à espérer que désormais ils se souviendront du proverbe très instructif « prudence est mère de sûreté ».