APPROVISIONNEMENT ENERGETIQUE

Energie : « Prolonger deux réacteurs nucléaires est insuffisant et l’accord arrive trop tard »

BELGA

Spécialiste reconnu des questions d’énergie, le professeur Damien Ernst (Université de Liège) estime que l’accord de principe pour  prolonger les deux réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3 est un pas dans la bonne direction, mais précise-t-il « il faudrait les prolonger de 20 ans plutôt que 10 ans ». Il soutient qu’il ne faut démanteler les réacteurs nucléaires qui seront arrêtés et continuer à discuter avec Engie et l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) pour obtenir une prolongation de tout le parc nucléaire belge. Il tacle le mouvement anti-nucléaire européen qu’il considère comme étant le responsable, en grande partie de la crise énergétique. Pour Pierre Pirson, président de la Confédération nationale des cadres (CNC), la prolongation de prolonger de deux réacteurs nucléaires est insuffisante et la décision arrive tardivement. Il rappelle que rien cette prolongation n’est pas encore totalement acquise, car Engie parle plutôt, de son côté, « de lettre d’intention non engageante ».

Spécialiste reconnu de la question énergétique, Damien Ernst, professeur à la faculté des Sciences appliquées à l’Université de Liège (ULiège), département d’électricité, électronique et informatique (Institut Montefiore) suit de près le dossier de la sortie du nucléaire en Belgique. Actuellement en mission à l’étranger, nous l’avons contacté pour une première réaction sur l’accord de principe pour la prolongation des réacteurs nucléaires, Doel 4 et Tihange 3, intervenu entre le Gouvernement fédéral et l’énergéticien français, Engie. Il salue l’accord, mais se montre très critique sur plusieurs points du dossier. « C’est un pas dans la bonne direction qui est plus que nécessaire. On rappelle que c’est le mouvement anti-nucléaire européen qui est responsable en grande partie de cette crise énergétique que l’on traverse et qui conduit à des prix du gaz et de l’électricité très élevés », nous a-t-il confié.

L’Europe paye aujourd’hui et lourdement le prix de sa politique anti-nucléaire, elle réalise que suivre la politique énergétique des mouvements anti-nucléaires a été une catastrophe.

Ne pas démanteler les centrales nucléaires condamnées

Il estime que la prolongation de 10 ans supplémentaires est insuffisante et plaide plutôt pour que la durée d’exploitation des deux réacteurs soit étendue sur une période beaucoup plus longue. « Il faudrait déjà prolonger ces deux-là de 20 ans plutôt que de 10 ans et tout doit être fait pour prolonger les autres. A cet égard, il est dès lors important de ne pas démanteler les réacteurs qui seront  arrêtés et de continuer à travailler avec Engie et l’AFCN (Agence fédérale de contrôle nucléaire, ndlr) pour essayer de prolonger tout le parc nucléaire belge », poursuit-il.

Damien Ernst est amer face à la politique énergétique de l’Europe et tacle les mouvements anti-nucléaires du continent. « L’Europe paye aujourd’hui et lourdement le prix de sa politique anti-nucléaire, elle réalise que suivre la politique énergétique des mouvements anti-nucléaires a été une catastrophe. Il est inutile de les écouter à nouveau », conclut-il, tout en rappelant au passage que les Japonais ont d’ailleurs décidé de rallumer les réacteurs mis à l’arrêt après l’accident de Fukushima en mars 2011. Les autorités de l’île ont annoncé récemment le rallumage de 9 centrales nucléaires.

Du côté de la Confédération nationale des cadres (CNC), les commentaires sont tout aussi mitigés sur l’accord de principe de prolongation. « Je pense que c’est une étape indispensable, mais insuffisante et trop tardive. Insuffisante, car deux centrales, ce sera beaucoup trop peu comme le montre la situation du gaz en Europe. Trop tardive, car chaque mois qui passe est un mois perdu. La question étant : quand va-t-on remettre les équipes au travail », nous indiqué Pierre Pirson, président de la CNC.

Il relève que rien n’est encore acquis en ce qui concerne la prolongation, car Engie parle plutôt « lettre d’intention non contraignante », d’après le site zonebourse en attendant la conclusion d’un accord juridique contraignant d’ici le 31 décembre 2022.

L’ancienne ministre de l’Energie, Marie-Christine Marghem (MCC/MR) estime aussi que l’accord de principe arrive trop tard, que la durée d’exploitation de 10 ans supplémentaires est trop peu, de même que le nombre de réacteurs nucléaires à prolonger. « On attendait un accord global pour juin et on est en juillet avec un accord principe qui sera finalisé d’ici décembre. Par ailleurs, il faut une prolongation d’au moins 20 ans. A l’heure où l’Allemagne s’apprête à relancer des centrales nucléaires, la Belgique veut fermer deux tiers de sa capacité. De plus, l’Allemagne dispose de 125 gigawatts d’énergie renouvelable et va relancer 4 GW de nucléaire, ce qui n’est pas le cas de la Belgique », dit-elle. Actuellement, députée fédérale, Marie-Christine Marghem précise toutefois qu’il y a un élément positif dans l’accord de principe signé avec Engie: la création d’une co-entreprise au sein de laquelle Engie et Electrabel partageront les risques et les bénéfices sans que l’Etat belge soit un exploitant.

Ph. Law.

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Energie : premier accord de principe avec Engie pour la prolongation de deux réacteurs nucléaires – L-Post (lpost.be)