« Le plus grand défi en termes de transport des vaccins est derrière nous », se félicitait à la mi-janvier 2021, Medista, en charge de la distribution des vaccins à travers le pays, un transport qui exige une organisation très pointilleuse. En très peu de temps, des procédures et protocoles ont été efficacement développés en concertation avec des fabricants, des experts et des hôpitaux, jusqu'aux administrations à différents niveaux de pouvoirs. « La collaboration avec l'AFMPS, le commissariat coronavirus et la Task Force vaccination afin d'assurer la distribution se passe très bien », précisait alors l’entreprise. Un an plus tard, le torchon brûle. Rien ne va plus entre la société de services pharmaceutiques et le SPF Santé publique. Sans raison apparente, à quelques semaines du début d'une nouvelle campagne de vaccination, le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) change de prestataire. Une décision que Medista conteste. Dans un courrier adressé au ministre, et dont nous avons pu prendre connaissance dans le cadre de nos investigations, médicaments abandonnés dans la rue, vermine et insectes dans les colis, produits livrés périmés ou contrefaits, l’entreprise balance une liste de manquements et de pratiques illégales qui mériteraient, à tout le moins, l’ouverture d’une enquête en interne, estime-t-elle.
Une nouvelle vague de contamination n’est pas à exclure à l’automne prochain. Dès le 12 septembre, le Fédéral lance une nouvelle campagne de vaccination, en particulier, à destination des personnes à risques. A priori, pas de panique. Les campagnes précédentes, la gestion des vaccins, le stockage stratégique et la distribution, en collaboration avec Medista, se sont très bien déroulés. Sauf que la situation a changé.
Cela fait près de 18 mois que la relation entre le SPF Santé publique, qui a pris le relais de l’Agence du médicament (l'AFMPS), et Medista s’est dégradée. Le prestataire a été récemment écarté dans le cadre d’un nouvel appel d’offres, alors que son contrat court toujours. Une décision contestée par Medista qui a introduit, le vendredi 15 juillet, un recours en suspension devant le Conseil d’Etat contre la décision de (ré)attribution de la gestion du stock stratégique, pour les années 2022-2025, aux sociétés Raes et Movianto.
Faute de place, l’armée belge, à qui avait été confiée à l’origine la garde des produits médicaux, à Peutie, a littéralement laissé les réserves de produits médicaux de l’Etat belge dans la rue.
Parallèlement, ce 21 juillet, la société de services pharmaceutiques a également transmis ces doléances, par voie de courrier recommandé, au ministre Frank Vandenbroucke Vooruit). Concernant le stock stratégique et les réserves de l’Etat belge, Medista fait le constat d’un certain nombre de manquements.
Pas de vue sur son propre stock stratégique
« L’Etat belge n’avait aucune idée de ses propres réserves et des marchandises qu’il avait lui-même achetées. Le gouvernement n’avait aucun aperçu des commandes qu’il avait effectuées. Le contenu des livraisons était inconnu et les inscriptions sur les colis étaient (littéralement) en chinois. Il en allait de même pour les produits provenant d’Ukraine », pointe Medista.
La société a alors été dans l’obligation d’identifier les produits, avant d’y apposer des labels compréhensibles. Medista a, en outre, « élaboré un catalogue, qui a ensuite été transmis à l’État belge, ce qui est le monde à l’envers. Normalement, ce sont les autorités qui devraient partager un catalogue de ce genre avec le prestataire de services », précise l’entreprise.