L’imam marocain de 58 ans a été interpellé le vendredi 30 septembre dernier en région montoise. Il était recherché par la France depuis la fin du mois d’août pour s’être soustrait à une mesure d’éloignement dans l’Hexagone. Il conteste depuis son extradition. La décision est tombée ce vendredi 21 octobre. Après avoir été auditionné à huis-clos, la Chambre du Conseil du Tribunal de Tournai refuse d’exécuter le mandat d’arrêt européen ciblant Hassan Iquioussen, a annoncé son avocat belge Nicolas Cohen. Il a notamment plaidé que son client risquait, en France, « un procès inéquitable à cause de l’ampleur de la polémique ». Dans la foulée, maître Lucie Simon, l’avocate française de l’imam a saisi la justice pour diffamation à l’encontre du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour avoir qualifié, en septembre dernier sur BFMTV l’imam de « délinquant, fuyard et séparatiste ». Ce dossier virerait-il à la cabale politique ? Explications.
Si l’extradition de l’imam a été bloquée ce vendredi 22 octobre en première instance, la Justice belge ne statuait pas sur le bien-fondé de l’expulsion ni sur la menace à l’ordre public sur le territoire français, mais bien sur la légalité du mandat d’arrêt européen au regard du principe de double incrimination. L’affaire est donc purement juridique du côté belge et plus politico-juridique du côté français.
« La chasse à l’homme lancée contre Hassan Iquioussen est indigne de notre État de droit, tout comme la manière dont a été conduite son entière procédure. Ni le droit, ni les autorités de poursuite ne peuvent être instrumentalisés à des fins politiques, il fallait peut-être la Belgique pour le rappeler », a déclaré sur twitter maître Lucie Simon.
« Pourquoi le rechercher ? Pourquoi vouloir le faire revenir ? », s’était-elle interrogée début septembre. L’argument a de nouveau été brandi ce vendredi par maître Nicolas Cohen. « La soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement reprochée à l’imam par un juge de Valenciennes n’est pas une infraction en droit belge », a-t-il soutenu. Or une des conditions de l’extradition est que « les deux pays incriminent le même comportement », a-t-il ajouté. Le parquet a d’ores et déjà interjeté appel de l’ordonnance. Le dossier sera examiné par la chambre des mises en accusation sous 15 jours.
Ce même vendredi, les avocats d’Hassan Iquioussen ont saisi la justice pour diffamation publique à l’encontre de leur client par Gérald Darmanin. Ils contestent des déclarations faites par le ministre de l’Intérieur sur BFMTV le 2 septembre dernier, dans lesquelles il présentait l’imam comme « un délinquant, un fuyard et un séparatiste ».
Dans une vidéo postée juste avant son arrestation, le prédicateur, mis en cause en France pour des propos jugés contraires aux valeurs de la République, s’explique et répond aux accusations du Ministère de l’Intérieur Français. « Malgré la tentative de me faire passer pour un intégriste islamiste, un fondamentaliste odieux qu’il faut absolument abattre, un ennemi de la République (…) Ces accusations ne tiennent pas, je ne cesserai jusqu’à la fin de mes jours de prôner. La violence est aux antipodes de ma spiritualité. Le ministre fabule sur ma personne, mais je suis parti de moi-même, la tête haute et fière (…) ».
Toujours sur BXFM, maître Lucie Simon rappelait aussi le 2 septembre dernier : « le politique ne peut devenir tribunal populaire. Il faut s’en tenir au droit et amener de la nuance. Gérard Darmanin est en train de faire une politique spectacle. Il veut que mon client respecte la décision d’expulsion, mais il veut qu’il le fasse sous les caméras. C’est du buzz indigne d’un Etat de droit. Il crée un ennemi public numéro 1 pour servir un agenda politique et là, ce n’est pas du droit. C’est un détournement de procédure. Il commet une erreur judiciaire ».
Rappelons que le mandat d’arrêt européen est une procédure qui est judiciaire, contrairement à l’extradition qui est juridico-politique. La France ferait-elle (re)rentrer le politique dans un mandat d’arrêt européen ? Affaire à suivre dans 15 jours devant la chambre des mises en accusation. Hassan Iquioussen demeure entretemps en détention.
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