EDITO

Quand les politiques sèment les graines de la mésentente avec les citoyens

Le Vice-Premier ministre, Georges Gilkinet (Ecolo) nie l'évidence du conflit d'intérêt au sein de son cabinet et contribue ainsi à saper le crédit du politique auprès du citoyen. BELGA

« Nous savons qu’ils mentent. Ils savent qu’ils mentent. Ils savent que nous savons qu’ils mentent. Nous savons qu’ils savent que nous savons qu’ils mentent. Et pourtant, ils persistent à mentir ». Cette citation du romancier et dissident russe, Alexandre Soljenitsyne, décédé à près de 90 ans en 2008 résume bien l’image que renvoie la majorité politique belge. Pas un jour ne passe sans que la presse ne fasse des révélations sur les manquements de certains gouvernants qui, tantôt frôlent la ligne rouge, tantôt la dépassent ou encore se moquent, « à l’insu de leur plein gré », des règles basiques de la morale.

Dans un passé très récent, il y a d’abord le scandale au Parlement wallon déclenché par les accusations visant le greffier, Frédéric Janssens, et l’ancien président de l’hémicycle wallon, Jean-Claude Marcourt (PS), tous deux forcés de quitter leurs postes respectifs. Dans la foulée de ce scandale sont sorties les révélations sur les marchés publics du Parlement wallon dont on découvre aujourd’hui qu’au moins l’un d’entre eux, en particulier celui du mobilier, aurait été taillé sur mesure pour une entreprise soumissionnaire précise.

Pourquoi limiter l’interdiction des détachés dans les cabinets ministériels aux entreprises cotées, alors que d’autres entreprises publiques comme la SNCB, Infrabel ou encore skeyes sont également concernées ?

Puis s’en est suivie la découverte des détachés de bpost chez la ministre fédérale des Entreprises publiques, Petra De Sutter (Groen), qui, tout en étant payés par le groupe postal, intervenaient sur des dossiers concernant directement leur employeur initial (bpost). Après avoir nié l’existence de tout conflit d’intérêt dans le chef de ses experts, la ministre reconnaît désormais avoir « fait une erreur », assurant que les intéressés vont retourner chez bpost tout en annonçant de nouvelles règles visant à interdire, à l’avenir, le détachement d’experts venant d’entreprises cotées. Pourquoi limiter l’interdiction uniquement aux entreprises cotées, alors que d’autres entreprises publiques comme le transporteur ferroviaire SNCB, le gestionnaire d’infrastructure ferrée Infrabel ou encore le contrôleur aérien skeyes sont également concernées ?

Skeyes est également concerné par une situation de conflit d’intérêt similaire à celle relevée chez bpost avec un de ces cadres détachés, tous frais payés chez le vice-Premier ministre, Georges Gilkinet (Ecolo), alors qu’il a participé aux négociations relatives au financement et sur le contrat de gestion de l’ex-Belgocontrol. Son ministre de tutelle assume la situation assurant que tout est fait dans la transparence. Bref, circulez, il n’y a rien à voir. Alors que son parti (Ecolo) se présente comme le chantre de la bonne gouvernance, le vice-Premier ministre Gilkinet répond par le mépris et l’arrogance aux critiques qui dénoncent à juste titre la situation de conflit d’intérêt dans laquelle se trouve le responsable de la cellule aérien de son cabinet. Il instaure désormais le conflit d’intérêt transparent !

Alors que les responsables politiques se doivent de donner l’exemple en se comportant de façon irréprochable et ne pas s’installer dans une culture d’excuse (laquelle commence à bien faire), ceux-ci adoptent aujourd’hui des comportements totalement déconnectés de la réalité. Ils refusent de voir ce qui cloche et vilipendent le messager qu’est la presse alors que celle-ci ne fait que son travail d’information du citoyen. Or, il n’y a pas de mal à se remettre en question et faire amende honorable quand il le faut afin de ne pas planter un coup de canif dans le contrat de confiance signé avec le citoyen. Le « logogate » qui a causé la chute de l’ancienne secrétaire d’Etat, Sarah Schlitz (Ecolo) est un autre exemple de l’aveuglément des responsables politiques.

Le vice-Premier ministre Gilkinet répond par le mépris aux critiques justiffiées et instaure désormais le conflit d’intérêt transparent !

Le système démocratique par lequel le citoyen confie la défense des intérêts collectifs à ses représentants s’en trouverait grandi et renforcé si ceux-ci évitent de se comporter comme s’ils étaient au-dessus des lois, comme si une fois élus ou désignés, ils n’ont plus de compte à rendre et que tout contrôle de leurs actions est injustifié. Or, à force de s’engager sur une telle voie et de s’y maintenir malgré les alertes, ils déçoivent leurs mandants créant ainsi des frustrations susceptibles de pousser ces derniers dans les bras des forces extrémistes qui promettent des lendemains meilleurs.

L’analyse vaut pour le niveau européen où le scandale de corruption qui touche le Parlement européen ou le refus de la transparence affiché par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, font du tort aux instances européennes et sapent leur crédit.