EDITO : CONTAMINATION AUX PFAS

Pollution de l’eau aux PFAS en Wallonie : la responsabilité politique de la ministre Tellier est engagée

La ministre wallonne de l'Environnement, Céline Tellier (Ecolo), est fragilisée par le scandale de contamination aux PFAS, mais elle refuse de démissionner. BELGA

Le scandale de la pollution de l’eau wallonne aux PFAS a livré mardi 14 novembre au Parlement wallon un épisode qui ne redore pas le blason du monde politique. Interpellée en Commission Environnement du Parlement régional, la ministre de l’Environnement, de la Ruralité du Bien-être animal, Céline Tellier (Ecolo) s’est défendue d’avoir commis une quelconque faute dans le dossier et a chargé un membre de son cabinet qui ne l’aura pas prévenue sur la gravité de la situation. Elle a également pointé du doigt la Société wallonne des eaux (SWDE) qui n’aurait pas suffisamment attiré son attention les dépassements du niveau de pollution aux PFAS dans l’eau.

Il y a ici, dans le chef de la ministre Tellier, un manque de clairvoyance et un oubli coupable du principe de précaution, surtout dans le secteur de l’alimentation.

Pour sa défense, elle soutient que si on l’avait alertée, elle aurait pris des mesures. Et pourtant, à l’instar du ressenti des députés, tant de la majorité que de l’opposition, la défense de la ministre Tellier ne convainc nullement pas. Même si elle n’est pas une professionnelle de la politique et qu’elle est issue de la société civile, elle a adopté, mardi, une ligne de défense qui n’a rien à envier à la posture qu’adopterait un(e) responsable politique aguerri(e), mais qui refuse de voir la réalité en face. Car les éléments du dossier ne plaident pas en sa faveur. Son cabinet a été averti suffisamment tôt sur la pollution, tant par l’administration que par son homologue flamande, Zuhal Demir. Par ailleurs, le scandale de la pollution en Flandre avait suffisamment fait la Une de l’actualité que tout responsable politique, qui plus est issu du milieu écologiste, se serait saisi de la question et aurait confié, à ses services ou à son administration, une mission urgente d’analyse de la situation dans sa zone (ici en région wallonne).

Il y a ici, dans le chef de la ministre Tellier, un manque de clairvoyance et un oubli coupable du principe de précaution, surtout dans le secteur de l’alimentation. Pourquoi n’avoir pas alerté les populations concernées par la pollution aux PFAS, en particulier dans le Hainaut ? Se défausser sur un membre de son cabinet ministériel qui aurait manqué à son devoir en ne l’ayant pas prévenue est une stratégie de défense qui n’honore pas un(e) ministre qui est censé(e) couvrir ses collaborateurs. Un ministre est politiquement responsable de la mission des membres de son cabinet d’autant plus que c’est lui ou son parti qui les choisit.

Le 20 octobre dernier, le ministre de la Justice Vincent Van Quinckenborne (Open VLD) démissionnait après avoir constaté un manquement grave dans le chef d’un magistrat qui a eu de graves conséquences (attentat terroriste meurtrier). Ici, dans le cadre de la pollution aux PFAS, les conséquences sont tout aussi graves, même si les effets ne se feront sentir que plus tard (cancers, problème d’infertilité). En avril dernier, une secrétaire d’Etat écologiste, Sarah Schlitz en l’occurrence, rendait son tablier pour moins que ça.

Se défausser sur un membre de son cabinet ministériel qui aurait manqué à son devoir en ne l’ayant pas prévenue est une stratégie de défense qui n’honore pas la ministre qui est censée couvrir ses collaborateurs.

La ministre Tellier s’accroche à son mandat ministériel, alors que les éléments du dossier ne plaident pas en sa faveur. Mais il faut faire toute la transparence dans le dossier. L’audition des différentes acteurs s’impose, principalement celle du conseiller du cabinet Tellier mis en cause (et que la ministre écologiste a congédié), des responsables de la SWDE, des représentants de l’administration concernée et… de la ministre Tellier. Le ministre-Président Elio Di Rupo (PS) pourrait même être interpellé pour exposer la manière dont le dossier a été traité au sein du Gouvernement.

Il revient aux députés wallons de décider du cadre à mettre en place pour garantir la transparence et l’efficacité des débats (commission spéciale, commission d’enquête). Pour l’instant, la ministre Tellier balaie toute démission dans son chef, mais vu les commentaires acerbes des députés de la majorité (MR), il est clair qu’elle est fragilisée au sein de la coalition régionale. Les calculs politiques des partis de la majorité préférant garder un(e) ministre fragilisée et inoffensive, à 7 mois des élections régionales de juin 2024, pourraient permettre à Céline Tellier de sauver son portefeuille ministériel.