EDITO SUR LE MECONTENTEMENT DES FERMIERS

Répondre à la colère justifiée des agriculteurs avant qu’il ne soit trop tard

Action de protestation des agriculteurs devant les sièges des institutions européennes. BELGA

Après avoir pris leur mal en patience pendant des mois, les agriculteurs européens donnent de la voix et laissent éclater leur colère. Leur mobilisation qui a commencé en Allemagne a gagné la France et les Wallons s’apprêtent à leur emboîter le pas avec des barrages filtrants et des actions de sensibilisation de la population sur des ronds-points pour rallier les citoyens à leur cause. Des manifestants sont aussi observés en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie, en Hongrie et en Bulgarie.

L’exaspération des producteurs européens qui grenouillaient dans les campagnes éclate désormais au grand jour. Elle est largement justifiée au regard des décisions prises au niveau européen et qui sont en total décalage par rapport aux réalités du vécu. Il y a, d’une part, l’amoncellement des démarches et des contrôles qui surcharge les agriculteurs de tâches administratives au point qu’ils n’arrivent plus à consacrer le temps nécessaire à leur mission première : produire des aliments pour nourrir les citoyens. D’autre part, le paradoxe de certaines décisions fait qu’aujourd’hui, il revient moins cher pour le citoyen d’acheter des produits importés plutôt que d’acheter localement. Conséquence, les agriculteurs produisent à perte si bien que, tout doucement la relève n’est pas assurée parce que la jeune génération déserte les fermes.

Les calculs géopolitiques des dirigeants européens, obnubilés par l’intégration de nouveaux pays dans l’Union et ce, sans aucune consultation de la population, imposent une concurrence déloyale aux agriculteurs.

Les calculs géopolitiques des dirigeants européens, obnubilés par l’intégration de nouveaux pays dans l’Union communautaire et ce, sans aucune consultation de la population, imposent une concurrence déloyale aux agriculteurs. A titre d’exemple, l’Europe a ouvert ses frontières aux produits ukrainiens (céréales, poulets), sans quotas imposant aux agriculteurs une concurrence déloyale. Il y a également le bœuf argentin ou brésilien importé en Europe, alors qu’il est élevé pratiquement sans respect de normes sanitaires durables.

Les normes environnementales arrêtées au niveau européen dans le cadre du green deal (le pacte vert) sont la goutte d’eau qui a fait déborder le vase des agriculteurs confrontés à des obligations difficiles, voire impossibles à tenir. Ces décisions prises par des fonctionnaires européens sous la pression d’associations environnementalistes et sous couvert d’objectifs louables de protection de la nature ne tiennent pas, ou si peu, des propositions des agriculteurs. Or, qui mieux que ces derniers, est conscient du fait que dame nature finit toujours par avoir le dernier mot. Par conséquent, ils savent mieux que quiconque qu’il faut la préserver.

Les règles de la Politique agricole commune (PAC) ont transformé les agriculteurs en une variable d’ajustement sous perfusion de subsides européens qui leur sont versés tant pour produire moins, tantôt pour produire plus.

Il y a également les règles de la Politique agricole commune (PAC) qui ont transformé les agriculteurs en une variable d’ajustement sous perfusion de subsides européens qui leur sont versés tantôt pour produire moins, tantôt pour produire plus. Au final, la passion pour leur métier disparaît et ils deviennent des techniciens obligés de produire selon les desideratas des grands groupes agroalimentaires. Ils ne sont plus maîtres de leur destin. Ce nouveau modèle imposé aux agriculteurs depuis des années a généré une frustration qui est devenue intenable. D’autant plus qu’il nécessite des investissements coûteux obligeant les agriculteurs à s’endetter pour tenir le rythme.

Aujourd’hui, l’Europe donne l’impression de négliger ses agriculteurs alors qu’ils sont un maillon essentiel de la chaîne alimentaire et qu’ils nourrissent près de 500 millions de consommateurs que nous sommes.

Il est temps pour l’Europe de se ressaisir et d’écouter la colère des agriculteurs si elle veut assurer son autosuffisance alimentaire et réduire sa dépendance vis-à-vis des pays tiers où les productions échappent aux normes drastiques imposées aux agriculteurs/éleveurs européens.