OPINION

Éric Zemmour : même en Algérie, vos pensées suscitent du mépris

BELGA

Lettre ouverte

Monsieur,

Vous affirmez que « seul quelqu’un qui n’aurait pas lu de livres pourrait rejeter vos propositions » et que, par ailleurs, « la forme d’intelligence entre un homme et une femme est différente ». Je lis beaucoup. J’ai donc tenté de mettre mes quelques neurones à disposition de vos diatribes sur fond de misogynie, que vous dites « issues d’un esprit supérieur » et qu’il y a lieu de transformer en « préoccupation des Français qu’un autre candidat à l’élection présidentielle ne saurait pas considérer ». Quelle audace ! Mais, j’ai fait le test. Déjà en 2006, avec « Le premier sexe ». Ensuite, plus récemment, en me « plongeant » dans « La France n’a pas dit son dernier mot ». C’est pourtant sans grand succès que j’en ressors au profit de ma culture générale.

Je vous ai aussi écouté, toujours sur votre conseil, pour tenter d’élever vos affirmations en un potentiel centre d’intérêt(s). Vous, Président de la République, « un Français n’aura pas le droit d’appeler son fils Mohamed », notamment, expliquez-vous, parce que « ceux qui portent de tels noms en souffrent ». Votre goût du paradoxe pour servir vos desseins est pour le moins manichéen. Il est vrai que les flux migratoires sont votre premier cheval de bataille. Les employeurs « ont le droit de refuser des Arabes ou des Noirs ». C’est oublier le terreau intellectuel sur lequel vous vous êtes bâti. Vous avez bénéficié d’une éducation censée riche de « sens » que vous n’auriez certainement pas eue avec autant d’aisance aux confins de vos origines géographiques.

Vous maîtrisez le verbe et vous avez la répartie facile, remercions encore votre éducation à la française, mais vous profitez de ces temps de crise pour vendre votre populisme

Politiquement, avez-vous quelque chose de viable à vendre ? N’êtes-vous pas plutôt dans un besoin aigu de reconnaissance? Je vous rappelle que je vous ai lu. De vos propres affirmations couchées sur papier, vous avez besoin qu’Éric existe. Zemmour n’est que son passe-droit. Lapsus révélateur, le 30 septembre dernier, au micro de Jean-Jacques Bourdin, vous dites « ma femme » en évoquant votre enfance et le rapport à votre mère, Lucette Lévy. Vous faut-il vraiment 67 millions de français en soutien pour panser vos plaies décrites ?

Au-delà de vos fêlures, votre discours démagogique anesthésie toute forme d’altérité et dès lors toute possibilité d’entrer en dialogue. Votre crédo est la division. Vous attisez sciemment le feu, d’abord en France et maintenant à L’Europe. Tout est prétexte à une levée de boucliers. Ce 8 octobre, par voie de communiqué, vous affirmez, en soutien au gouvernement polonais, qu’« il est temps de rendre au droit français sa primauté sur le droit européen ». C’est votre nouvelle expédition idéologique.

Par vos déclarations, vous ne faites que polluer la sphère publique et le débat démocratique. Vous osez pointer « la médiocrité de certaines candidatures présidentielles ». Vous surfez sur la vague, sans mauvais jeu de mots, de photos prises à la volée avec votre jeune collaboratrice, mais vous accumulez des irruptions médiatiques fracassantes. Vous allez jusqu’à affirmer : « chacun sa droite ». Plus fondamentalement, je vous prends au mot : quelle est votre droiture ? Cette couleur philosophique à porter en prémisses d’une couleur politique semble vous faire cruellement défaut. Vous êtes juste un épouvantail médiatique, un agitateur de l’extrême.

En vous entendant répéter à longueur de débats télévisés le mot « républicain », connaissez-vous seulement la définition de ce qu’est une « république » ? Vous maîtrisez le verbe et vous avez la répartie facile, remercions encore votre éducation à la française, mais vous profitez de ces temps de crise pour vendre votre populisme. Vous êtes aujourd’hui le pur produit d’un Trump à la française. Votre seul projet est de surenchérir à Marine Le Pen. Au lieu de penser à chasser la communauté musulmane, vous feriez mieux de chercher à connaître les raisons de l’échec de votre intégration dans la société française.

Selon un récent sondage, les Algériens ont été très nombreux à suivre par curiosité votre intervention télévisée, Éric Zemmour face à Jean-Luc Mélenchon, ce 24 septembre dernier. « Il est malin et il ira loin », estiment certains observateurs politiques dont les pronostics m’interrogent. On ne voit que vous, on entend que vous. Vous êtes le seul à avoir réussi à détrôner le Covid-19 à la Une de nos quotidiens depuis plus de deux ans. C’est cette tribune accordée à la médiocrité de votre potentielle candidature et le courant de pensées que vous représentez qui me déconcerte. Vous qui avez été condamné pour exhortation à la discrimination raciale et incitation à la haine, donnez-moi un seul argument probant qui puisse valider l’hypothèse dystopique d’un pari gagnant à l’élection présidentielle, alors même qu’en Algérie, historiquement et culturellement proche de la France, vos pensées suscitent réactions indignées et mépris ….