SOCIETE

Police du voile : Masih Alinejad, la bête noire du régime iranienne


La journaliste et militante irano-américaine lutte depuis l’adolescence contre le port du hijab obligatoire en Iran. Ennemie numéro un des mollahs, Masih Alinejad (46 ans), désormais exilée aux Etats-Unis, souffle sur les braises de la révolte populaire à visages dévoilés qui embrase le pays depuis la mort de Mahsa Amini, violentée et tuée par la police des mœurs, le 16 septembre dernier, pour avoir exposé quelques mèches de cheveux hors de son voile. L’activiste est devenue une icône de la résistance iranienne en lançant en 2014 sur les réseaux sociaux le mouvement My Stealthy Freedom (ma liberté furtive), puis en 2018, la campagne #WhiteWednesday où elle appelle les femmes de son pays à poster, chaque mercredi, des photos d’elles dévoilées dans des lieux publics. Mais, de ses premières révoltes à ses investigations, son combat ne s’arrête pas à la seule cause féministe. Fléau du régime, la dissidente a échappé à plusieurs tentatives d’enlèvement et d’atteinte à sa vie déjouées par le FBI, dont la dernière en date cet été.

Née en 1976, trois ans avant la révolution iranienne, Alinejad a grandi entourée de toutes ces normes qu’elle n’a pas voulu intégrer. Celle qui ne pouvait pas rouler à vélo, jouer au football ou aller au stade comme son frère, explique que sa révolution, elle a d’abord dû la mener contre son propre père. On la marie très jeune, avec un poète. Avant ses 24 ans, elle est déjà divorcée et un juge lui retire la garde de son fils, alors âgé de trois ans. Elle quitte alors le pays pour rejoindre le Liban, ensuite le Royaume-Uni et finit par arriver aux États-Unis. Elle dénonce depuis sans relâche.

Le voile est leur mur de Berlin

Devenue américaine, Masih Alinejad continue de mener un combat obstiné contre le non-respect des droits de l’homme en Iran et ce, malgré les menaces que la dissidente subit et les représailles à l’encontre de sa famille, dont trois membres ont été arrêtés en 2019 : « J’ai choisi d’être la voix de tous ceux qui ne peuvent s’exprimer. Le voile obligatoire est leur mur de Berlin », martèle-t-elle. « Le hijab obligatoire n’est pas un morceau de tissu, c’est le principal pilier de notre dictature religieuse, le symbole le plus visible de notre oppression. Si nous le détruisons, le régime tombe ».

Dans le même temps, paradoxalement, des mouvements féministes se développent en Europe contre l’interdiction du foulard islamique dans les espaces publics au nom de la liberté de le porter. Et Masih Alinejad de leur répondre sur les réseaux sociaux : « La seule chose qui me dérange dans tout cela, c’est l’hypocrisie, je vois ce mouvement féministe condamner l’interdiction du burkini en France, mais quand il s’agit du voile forcé, elles se taisent ».

Copyright : Masih Alinejad  à New-York – Selfie de son compte Twitter.

Un attentat déjoué

Avec cinq millions et demi de followers sur Instagram, 336.000 sur Facebook, 553.000 sur Twitter et une émission de télévision, sa lutte pour la liberté, même menée à distance, gêne les autorités iraniennes qui ne reculent devant rien pour faire taire leurs opposants à l’étranger. La militante vient d’échapper à un nouvel attentat.
Le 3 août dernier, un homme armé d’une kalachnikov a été arrêté à New-York devant son domicile. Masih Alinejad ne doit son salut qu’à l’intervention du FBI qui a pu interpeler le suspect à temps. Khalid Mehdiyev, un ressortissant azerbaïdjanais de 23 ans, rôdait depuis plusieurs jours devant chez elle.

En 2018, Masih Alinejad avait déjà été la cible d’un projet d’enlèvement. La justice américaine inculpera quatre agents iraniens pour avoir échafaudé un plan visant à l’enlever de son domicile de Brooklyn, à l’emmener par bateau au Venezuela et de là dans son pays natal, ce qui devait la conduire devant un tribunal pour un verdict à l’issue incertaine, mais très probablement un enfermement à vie, voire une exécution sommaire.

Un mouvement qui éclate de partout

Depuis 2019, les autorités iraniennes ont édicté une nouvelle loi : toute femme iranienne qui envoie des images d’elle-même dévoilée à l’activiste Masih Alinejad encoure une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison.
Et pourtant, après plus de deux semaines de manifestations en Iran, les femmes ne s’arrêtent pas. Elles se dévoilent et continuent de brandir fièrement leur voile dans les airs. La révolte devient de plus en plus difficile à contrôler pour les mollahs. Il éclate de partout. L’Etat est pour la première fois confronté à un mouvement qui n’a pas de leader. Ce n’est jamais arrivé en Iran.