Wallonie : Près de 20.000 sans-abris, dont un quart d’enfants - L-Post
SANS-ABRI ET ASSUETUDES

Wallonie : Près de 20.000 sans-abris, dont un quart d’enfants

AFP

À Charleroi, Namur et Verviers, 5.797 personnes ont été recensées comme sans-abri ou sans chez-soi lors du dénombrement 2024 coordonné par l’Observatoire wallon du sans-abrisme. Extrapolée à l’ensemble du territoire wallon, cette cartographie révèle près de 20.000 personnes concernées, dont plus de 5.000 enfants. Un constat préoccupant, qui dépasse les clichés habituels. « Au-delà des chiffres, ce sont des réalités humaines complexes, souvent invisibles, auxquelles nous devons répondre collectivement », souligne Yves Coppieters, ministre wallon des Solidarités (Les Engagés).

Depuis 2021, la Belgique s’est engagée via la Déclaration de Lisbonne à mettre fin au sans-abrisme d’ici 2030. Pour y parvenir, il faut des chiffres. C’est la conviction partagée par le SPW Intérieur et Action sociale, l’UCLouvain CIRTES et Lucas KU Leuven, qui ont mené fin 2024 un vaste dénombrement dans 47 communes wallonnes, avec le soutien de la Région wallonne et de l’Union européenne.

Dans les arrondissements de Charleroi, Namur et Verviers, 5.797 personnes ont été recensées comme étant sans-abri ou sans chez-soi, selon la typologie européenne ETHOS Light. Parmi elles, 1.581 sont des enfants. Extrapolé à l’ensemble de la Wallonie, cela donne une estimation de 19.387 personnes concernées, dont 5.204 enfants soit 26,8 %. Des enfants qui, bien que souvent invisibles, partagent l’extrême précarité de leurs parents.

Des profils oubliés

« Ce dénombrement met en lumière la diversité des visages de la précarité résidentielle : femmes isolées, jeunes en rupture, familles avec enfants, personnes en errance ou hébergées chez des proches », déclare Yves Coppieters (Les Engagés), ministre wallon des Solidarités. « L’accès et le maintien en logement ne peuvent plus être pensés comme une finalité secondaire : c’est un pilier fondamental de toute politique de solidarité ».

Ce dénombrement met en lumière la diversité des visages de la précarité résidentielle : femmes isolées, jeunes en rupture, familles avec enfants, personnes en errance ou hébergées chez des proches.

Un message fort qui s’ancre dans une réalité multiforme : 46,6% des enfants vivent en hébergement temporaire, 27,6% sont chez des proches, et 10% risquent l’expulsion. Bien qu’ils ne dorment pas à la rue, leur quotidien est d’une grande instabilité.

Le sans-abrisme, loin des clichés

Le sans-abrisme ne se limite pas à dormir dans la rue. Le dénombrement révèle que seulement 5 % des personnes sans chez-soi sont visibles dans l’espace public. En réalité, 36 % passent la nuit chez un ami ou un membre de la famille, une situation plus fréquente chez les femmes et les jeunes adultes. À Charleroi, par exemple, 33,7 % des personnes recensées étaient hébergées chez des tiers, 27,5 % dans des structures d’accueil, et 10 % vivaient sous la menace d’une expulsion.

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20250327 – NAMUR : Le Ministre Yves Coppieters lors de la conférence de presse conjointe Wallonie/Fédération Wallonie-Bruxelles organisée pour présenter les premiers éléments du « Choc de la simplification administrative ». – Minister Yves Coppieters at the joint Wallonia/Wallonia-Brussels Federation press conference organised to present the first elements of the « Shock of administrative simplification ». Photo Philippe BOURGUET / bePress Photo Agency/bppa

Charleroi, territoire d’exclusions multiples

Sur le territoire de l’arrondissement de Charleroi, 2.515 personnes ont été recensées, dont 1.904 adultes et 611 enfants. Les profils sont majoritairement masculins (66,2%), mais un tiers sont des femmes, souvent accompagnées d’enfants.

Près de 17% des personnes vivent dans des lieux non conventionnels (squats, garages, tentes), tandis que 33,7% sont hébergées chez des proches. 10% sont directement sous menace d’expulsion.

La santé mentale et les addictions concernent respectivement 31,8% et 25,5% des personnes recensées. Un quart ont un handicap physique, et plus de 20 % ont déjà connu un passage en prison. Seulement 2,7% ont un emploi, et 66,9% vivent d’un revenu de remplacement.

Namur, une précarité familiale fortement marquée

Sur l’ensemble de l’arrondissement de Namur, 2.073 personnes ont été comptabilisées, dont 1.479 adultes et 594 enfants. Fait notable : plus de 35% des personnes sont hébergées chez des tiers, et près de la moitié vivent en famille. La proportion d’enfants est particulièrement élevée, notamment dans les structures d’accueil temporaire (44,8% des enfants). Les femmes représentent 35,6% des adultes et sont souvent des familles monoparentales.

Côté santé, 27,1% présentent des troubles psychiques, et 23,2% cumulent plusieurs problèmes de santé. 70,7% dépendent d’un revenu de remplacement, et 14,7% n’ont aucun revenu.

Verviers, une précarité plus discrète mais bien présente

Dans l’arrondissement de Verviers, 1.209 personnes ont été recensées, dont 833 adultes et 376 enfants. La part des femmes y atteint 36,1%, souvent invisibles car hébergées dans des structures ou chez des proches (42,5%).

47,1% des enfants vivent dans des foyers d’accueil, et plus de 21% des adultes n’ont pas de titre de séjour valide.

47,1% des enfants vivent dans des foyers d’accueil, et plus de 21% des adultes n’ont pas de titre de séjour valide. On note aussi une proportion importante de personnes nées à l’étranger.
Du côté des vulnérabilités, 31,7% ont un handicap physique, 25,1% sont confrontées à des addictions et 13,8% ont un passé carcéral. Près de 3 personnes sur 4 dépendent d’allocations sociales.

Une précarité aux multiples visages, partout sur le territoire

La précarité du logement s’accompagne souvent d’autres fragilités. Moins d’un tiers des personnes recensées n’ont aucun problème de santé identifié. À l’inverse, 29,2 % présentent des suspicions de troubles mentaux, 28,7 % sont confrontées à des problèmes d’addictions, et 39 % cumulent plusieurs de ces problématiques. Les personnes en errance longue (depuis plus de deux ans) sont majoritairement âgées de 30 à 50 ans et particulièrement touchées par ces vulnérabilités.

Contrairement aux idées reçues, le sans-abrisme n’est pas uniquement un phénomène urbain.

Contrairement aux idées reçues, le sans-abrisme n’est pas uniquement un phénomène urbain. Environ 8 % des personnes recensées vivent dans des communes de moins de 15.000 habitants, et 30 % dans des localités de taille moyenne (15.000 à 50.000 habitants). Même dans les villes plus petites, on estime qu’une personne sur six sans chez-soi dort dans l’espace public. Le phénomène est donc bien plus diffus qu’il n’y paraît, touchant autant les centres-villes que les territoires ruraux.

Des données pour mieux agir

Les résultats du dénombrement sont mis à disposition des communes dès ce 4 avril via l’Observatoire wallon du sans-abrisme. L’objectif est clair : leur permettre d’ajuster et de renforcer leurs politiques locales. Mais les porteurs du projet appellent aussi à des mesures structurelles, tant au niveau régional qu’au niveau fédéral. En parallèle, la Wallonie poursuit son implication dans une recherche européenne plus large. En 2025, 35 villes européennes participeront à des dénombrements coordonnés par Lucas KU Leuven, avec le soutien du CIRTES et de l’UE.

Méderic Guisse (st)