OPINION

“C’est l’Etat qu’il faut confiner!”

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) au milieu, à sa droite, le Wallon Elio Di Rupo (PS) et sa gauche, le Flamand Jan Jambon (N-VA) à l'issue d'un Codeco anti-Covid-19. BELGA

Dans « La route de la servitude », paru en 1944, l’économiste et philosophe Friedrich Hayek soutenait que l’interventionnisme d’Etat a une tendance irréversible à s’accroître jusqu’à mener progressivement au totalitarisme. Certains voient dans la réponse des gouvernements face à la crise du covid le signe que nous atteignons bientôt le bout du chemin.

Les arguments avancés lors des discussions sur les mesures sanitaires sont en général d’ordre utilitariste.  D’un côté, les tenants d’une ligne en faveur des mesures coercitives mettent en avant la surcharge des hôpitaux et la protection des personnes vulnérables, quand bien même il existe peu de données permettant de quantifier, voire même de démontrer une quelconque efficacité de certaines mesures sur la diminution de la propagation du virus. De l’autre côté, les innombrables effets collatéraux, parfaitement prévisibles et directement observables, sont cités : séquelles psychologiques, détérioration économique, effets sur la prise en charge d’autres pathologies, décrochages scolaires, …

Au-delà de la vision prétendument pragmatique consistant à évaluer la balance coût-bénéfice des mesures coercitives, la légitimité des décisions prises par les responsables politiques est rarement questionnée. Au fil du temps et progressivement, les dispositions affectant les droits fondamentaux sont devenues la norme. Il en résulte une absence navrante de contestation au sein de la majorité de la population. Pourtant, les fermetures d’établissements, les interdictions de voyager, de se rassembler, de voir ses proches et autres couvre-feux sont des dispositifs qui n’auraient jamais dû voir le jour.

La facilité avec laquelle ils ont été mis en place n’est que le reflet de notre conditionnement à la subordination. A aucun moment depuis le début de la crise il n’a été envisagé que les individus puissent ajuster leur comportement volontairement suite à l‘émergence d’un virus potentiellement mortel. Pourtant, la meilleure connaissance de la maladie au fil des semaines aurait dû permettre à la majorité de la population de reprendre rapidement une vie normale tout en protégeant les personnes à risque.

Sans surprise, l’approche envisagée pour la vaccination n’échappe pas au réflexe pavlovien des politiciens de l’imposer, via l’instauration d’un pass sanitaire, à l’ensemble de la population alors que dans une société civilisée où les droits de chacun seraient respectés, cette décision devrait être laissée aux individus. Il est désolant de constater qu’une part importante de la population accepte la vaccination non pas pour des raisons de santé mais pour récupérer des libertés qu’elle n’aurait jamais dû perdre.

Si la crise sanitaire a révélé de manière aiguës les penchants autoritaires de la classe politique, l’instrumentalisation d’un sujet d’actualité n’est pas un phénomène très original. Quel que soit le problème auquel nous devions faire face (terrorisme, question environnementale, crise économique, …), la dynamique qui engendre des réponses consternantes de la part des pouvoirs publics est toujours la même. Après une phase de dramatisation, les experts désignés en interne expliquent à la population pétrifiée la marche à suivre pour sortir de l’ornière. Sans surprise, les remèdes vont invariablement dans le sens d’une extension de l’interventionnisme étatique au mépris de la responsabilité individuelle et sans la moindre considération pour les effets collatéraux de telles mesures. Le simplisme des politiciens combiné aux prédictions hasardeuses des experts laisse peu de place au libre arbitre. Tout acte de désobéissance sera systématiquement réprimé à l’aide du monopole de la violence légale détenu par l’Etat.

« Le bien-être de l’humanité est toujours l’alibi des tyrans » (Albert Camus).

 

Malgré l’extension de l’interventionnisme dans les circonstances précitées, la croyance populaire veut que nous vivions une période dominée par une forme de libéralisme débridé et un recul de la puissance publique. Une fabulation répétée mille fois n’en fait cependant pas une vérité, fusse-t-elle rabâchée en boucle dans les médias subventionnés. Cela pourrait prêter à sourire si les conséquences de cette vision erronée n’étaient pas tragiques. Pour vérifier le propos, l’observateur attentif jettera un œil sur l’évolution de la dépense publique en France, passée progressivement de 35% en 1960 à 57% du PIB avant la crise du coronavirus, c’est-à-dire avant le « quoi qu’il en coûte » prononcé par le président français au début de la crise.

L’avenir jugera sans doute sévèrement la manière autoritaire dont a été gérée la crise. En attendant, pour un esprit épris de liberté, les alternatives pour ne pas embarquer dans ce train devenu fou sont peu nombreuses. L’exil, la désobéissance, voire la sécession, sont des solutions difficiles à mettre en œuvre. Les décideurs n’aiment pas voir des brebis s’éloigner du troupeau. Il reste alors la contestation. Bien qu’elle soit encore timide à ce jour, les événements du Bois de la Cambre et autres rassemblements dans d’autres villes sont des signaux encourageants soulignant qu’une part grandissante de la population refusera de se laisser contraindre une nouvelle fois au moindre soubresaut épidémique.

Gilles GAUTHIER