FOOTBALL

Premier match sous le pavillon saoudien pour Newcastle ce dimanche

Des supporters de Newcastle United vêtus de robes posent avec des pancartes « vendues » en célébrant la vente du club à un consortium dirigé par l’Arabie saoudite, devant le stade du club à St James' Park à Newcastle upon Tyne, dans le nord-est de l’Angleterre, le 8 octobre 2021. AFP

Le jeudi 7 octobre 2021, la magie marketing du football a opéré, car la Premier League a accepté l’acquisition du club de Newcastle, au terme de dix-huit mois d’âpres négociations. Le fonds d’investissement public d’Arabie saoudite a reçu le feu vert pour acheter le club grâce à la formation d’un consortium. Et ce dimanche à 16h30 GMT, Newcastle (19e au classement de la Premier League) jouera son premier match contre Tottenham (8e).

Pour Newcastle, le défi est de taille ! Le club devra retrousser les manches pour sortir la tête de l’eau et redonner le goût de la victoire à ses fans. Actuellement le club affiche quatre défaites et trois matchs nuls depuis le début de la saison. Il rejoint la liste des équipes de football qui servent à la fois de pion géopolitique et d’investissement financier

Le P.I.F aurait-il du nez ?

Selon le journal italien La Repubblica, le club du nord de l’Angleterre rêverait d’embaucher José Mourinho. Le média italien pense que les Magpies recherchent un technicien capable de déclencher la « révolution » à Newcastle. Et, la Repubblica affirme que Mourinho est « de retour dans les pensées » du Premier League. Depuis son limogeage par Tottenham qui l’aurait payé €15 millions d’euros (£12,7 millions de livres sterling).

Malgré des expériences contrastées à Manchester United et Tottenham, José Mourinho reste spécial. Âgé de 58 ans, il a été embauché par la Roma peu de temps après avoir quitté les Spurs, où son équipe occupe actuellement la quatrième place de la Serie A – à six points du sommet. Est-ce que l’alchimie opérera entre les Magpies et Mourinho ? Seul l’avenir nous le dira !

Selon le journal italien La Repubblica, le club du nord de l’Angleterre rêverait d’embaucher José Mourinho.

À l’heure actuelle, c’est Steve Bruce l’entraîneur de Newcastle. Mais compte tenu de ces résultats, il est sur un siège éjectable. Et pour cause, le club n’a pas gagné un seul match depuis le début du championnat. Selon Sky Sports, il prendra en charge le match de dimanche de Premier League contre Tottenham Hotspur. Il atteindra alors son 1000ème match professionnel en tant que manager. Cependant, son avenir à partir de ce moment-là reste obscurci par l’incertitude. Pourtant la nouvelle patronne des Magpies, Amanda Staveley a indiqué par communiqué que Steve Bruce sera bien sur le banc de touche dimanche, mais les nouveaux propriétaires veulent le voir partir.

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La nouvelle directrice de Newcastle United, Amanda Staveley, et son mari Mehrdad Ghodoussi (à gauche).

Une affaire de gros sous

Le club, appartenant depuis 14 ans à l’homme d’affaires britannique Mike Ashley, est désormais détenu par un consortium comprenant le fonds d’investissement saoudien. Newcastle United devient donc le club le plus fortuné de la planète. Selon plusieurs médias britanniques, l’accord de vente des « Magpies » avoisinerait les €350 millions d’euros. « Le club est vendu au consortium avec effet immédiat », précise le communiqué. Le rachat du club est piloté par le prince héritier Mohammed ben Salmane. Avec ce rachat, le fonds d’investissement saoudien possède 80% de Newcastle. Le patron du fonds saoudien, nouvel homme fort des Magpies.

Selon le journal The Guardian de ce samedi 16 octobre 2021, Yasir al-Rumayyan, le nouveau président non exécutif de Newcastle United, a été impliqué dans une campagne controversée « anticorruption » en Arabie saoudite. Il comprenait le transfert d’actifs au nom du prince héritier, Mohammed ben Salmane.

Rumayyan est un ancien banquier. Gouverneur du PIF (présidé par le prince héritier), il préside aussi la compagnie pétrolière Saudi Aramco. Il a supervisé des milliards de dollars d’investissements par le PIF, notamment dans Uber, Facebook, Disney et Citibank. Il devrait assister à son premier match à Newcastle dimanche dans son nouveau rôle de président non exécutif du club.

Yasir al-Rumayyan devrait assister à son premier match à Newcastle dimanche dans son nouveau rôle de président non exécutif du club.

Garanties juridiques contraignantes

Les détails du rôle de Yasir al-Rumayyan – y compris le transfert d’une compagnie d’avions-charter au fonds d’investissement public (PIF) – sont contenus dans des documents judiciaires qui font la lumière sur sa relation avec le prince Mohammed.

Le fonctionnement interne du PIF a suscité un vif intérêt après avoir dirigé un consortium pour acquérir Newcastle United ce mois-ci. Déjà à l’été 2020, le fonds d’investissement saoudien avait tenté d’acquérir le club en s’associant à Rich List, présenté, par les médias britanniques comme la deuxième famille la plus riche du Royaume-Uni, mais sans succès. Le consortium avait retiré son offre d’acquisition de Newcastle, craignant que le PIF ne fasse partie de l’État saoudien. Cette nouvelle tentative de rachat a donc réussi. La Premier League a changé de cap en approuvant la vente du club et en déclarant qu’il avait reçu « des assurances juridiquement contraignantes afin que le Royaume d’Arabie Saoudite ne contrôle pas » le club. Malheureusement la Premier League n’a pas divulgué la nature des assurances.

Déjà à l’été 2020, le fonds d’investissement saoudien avait tenté d’acquérir le club de Newcastle, mais sans succès.

Des documents internes saoudiens ont été déposés auprès d’un tribunal civil au Canada dans le cadre d’une affaire sans rapport avec l’achat du club. Ces documents montrent qu’en 2017, un proche collaborateur du prince Mohammed a ordonné à Yasir al-Rumayyan – qui est officiellement désigné dans les notes de service comme « son excellence » et le « superviseur » du PIF – de transférer 20 entreprises au fonds souverain dans le cadre de la campagne anticorruption. L’une des 20 sociétés saisies, selon les documents, était une compagnie d’avions-charters qui aurait ensuite été utilisée dans le complot saoudien visant à tuer Jamal Khashoggi. Les agences de renseignement américaines ont conclu dans un rapport de renseignement déclassifié en février que le prince Mohammed avait approuvé le meurtre horrible du journaliste du Washington Post. Mais il n’y a aucune suggestion que Rumayyan ait eu une quelconque implication ou connaissance de l’utilisation présumée des jets dans cet assassinat.

Crédit photo. AFP

Les joueurs de Newcastle forment un groupe sur le terrain avant un match de foot de Premier League anglaise.

Quand l’entraîneur de Liverpool ironise à propos Newcastle

À l’heure qu’il est, l’entraîneur de Liverpool, Jürgen Klopp a remis en question l’échec de la Premier League à répondre aux préoccupations en matière de droits de l’homme concernant les nouveaux propriétaires saoudiens de Newcastle. Il a déclaré qu’il s’attendait à ce que le directeur général de la Premier League, Richard Masters, parle publiquement de la vente du club au fonds d’investissement saoudien (PIF), avec leurs partenaires britanniques Amanda Staveley et Jamie Reuben.

Newcastle et la Premier League soutiennent que le PIF est indépendant des dirigeants du pays. Jürgen Klopp a semblé rejeter cette affirmation lorsqu’il a déclaré que Newcastle était désormais le troisième grand club européen à appartenir à un pays. « Qu’est-ce que [la prise de contrôle] signifiera pour le football ? Il y a quelques mois, nous avons eu une énorme dispute avec 12 clubs essayant de construire une Super League. À juste titre, cela ne s’est pas produit, mais c’est en quelque sorte créer une super équipe si vous voulez. C’est à peu près la même chose : des places garanties en Ligue des champions dans quelques années », a déclaré Jürgen Klopp.

Il a ironisé, à l’attention des dirigeants de Newcastle, qu’ils devaient encore éviter la relégation cette saison. « Le football est un jeu merveilleux, vous pouvez toujours gagner des matchs même lorsque la puissance financière de votre adversaire est beaucoup plus grande que la vôtre », a-t-il déclaré. « Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Newcastle n’est pas encore en sécurité dans la ligue, et cela ralentirait le processus à coup sûr ».

Le football est un jeu merveilleux, vous pouvez toujours gagner des matchs même lorsque la puissance financière de votre adversaire est beaucoup plus grande que la vôtre.

Coup dur pour les défenseurs des droits de l’homme

D’autres personnes ont fait part de leurs préoccupations en matière de droits de l’homme.

Car l’Arabie Saoudite a fait l’objet de condamnations pour son bilan en matière des droits humains. Amnesty International a d’ailleurs indiqué que l’accord de rachat du club anglais est un « coup extrêmement dur pour les défenseurs des droits humains ». Pour le président d’Amnesty International UK, Sacha Deshmukh, la façon dont la Premier League a conclu cet accord soulève une foule de questions profondément troublantes sur le lavage du sport, les droits humains et le sport, et sur l’intégrité du football anglais. Amnesty a également fait part de ses préoccupations concernant la structure de propriété du club.

Moult questions restent en suspens à cause de ce rachat si controversé. Si les fans de Newcastle sont heureux, d’autres clubs de la Premier League se demandent comment les Magpies et le fonds public d’investissement saoudien ont conclu un tel accord qui devient politique. Le football, qui était réputé être un sport ouvrier au 19e siècle, est devenu un sport où l’argent règne. Avec ce rachat, Newcastle United – comme Manchester City et le Paris Saint-Germain en leur temps – bascule dans une nouvelle dimension.

Alexander SEALE (à Londres)